Sharktopus vs. Pteracuda
(2014)
Avec Mega Shark vs. Giant Octopus, le premier Sharktopus est plus ou moins responsable de cet engouement populaire pour le nanar nouvelle génération. Celui qui appâte avec ses titres et concepts improbables mais n’assure que le service minimum avec des effets spéciaux digitaux volontairement mauvais “pour faire rire” et des scénarii interchangeables qui finissent par se confondre. Le quidam rit de bon cœur sans comprendre qu’il se fait manipuler, pensant se moquer d’un film prenant son sujet au sérieux alors qu’il ne fait que réagir à une formule spécialement étudiée. Le vétéran de la série B, lui, peut sourire devant quelques gags mais regrette surtout le temps où le genre était sincère et où la déconne n’empêchait pas l’effort.
Après plus de trois années de gestations difficile, Sharktopus 2 débarque à une période où le marché est saturé et où chacun tente de se surpasser, n’impressionnant alors plus grand monde avec son hybride délirant. Sans doute pour cela que la décision a été prise de faire dans la sous-sous catégorie de type “versus” et de lui coller un compagnon tout aussi stupide histoire de vendre le tout: Pteracuda, un croisement entre un ptérodactyle et un barracuda. L’excuse part du principe qu’un nouveau savant fou a décidé de s’amuser avec de l’ADN de dinosaure malheureusement incomplet, le forçant à remplacer les éléments manquants avec ceux d’autres bestioles. Il le mêle ainsi a celui d’une créature aquatique afin de le rendre plus performant, et s’il échoue à convaincre le Pentagone de valider le projet pour en faire une arme biologique, cela ne l’empêche pas de fabriquer son mutant malgré tout et de pratiquer des tests.
Un méchant russe a tôt fait de dérober l’ordinateur contrôlant la bestiole et libère celle-ci en pleine nature. Tandis que l’animal fait son territoire sur la région côtière, s’attaquant aux baigneurs et aux marins depuis les airs comme par la mer, son créateur et le chef de son service de sécurité tentent de contenir la menace. La solution est toute trouvée lorsqu’ils apprennent que le Sharktopus traine dans les parages, désormais la vedette d’un parc aquatique, et vont alors le libérer afin qu’il puisse se battre contre Pteracuda. Comment diable ce monstre existe t-il encore alors qu’il fut détruit à la fin de l’opus précédent ? C’est la progéniture de l’original, le sac d’œuf qu’il portait en lui ayant été miraculeusement épargné par l’explosion et s’étant retrouvé rejeté à la mer. L’adorable bébé (un Sharktopus miniature et déjà parfaitement formé, un peu comme l’abominable Xénomorphe de Alien: Covenant) est capturé par une biologiste qui ignore tout de ses origines et pense avoir fait la découverte du siècle.
Autant dire que le scénario ne brille pas par son originalité puisque l’on a déjà vu tout cela au moins cinquante fois et en particulier dans le sympathique Boa vs. Python, qui racontait déjà la même histoire mais avec deux serpents géants. La différence c’est qu’ici les responsables ne cherchent pas à faire quelque chose de fun avec humour, personnages délirants et rebondissements scénaristiques puisqu’ils se contentent de suivre un cahier des charges bien précis. Résultat Sharktopus vs. Pteracuda tente d’avoir l’air drôle sans jamais l’être, nous abandonne avec des personnages principaux ennuyeux et prévisibles qui prennent tout cela bien trop au sérieux tandis que les autres protagonistes tiennent de la caricature exagérée, forcément idiots et volontairement mal joués pour provoquer l’amusement du public venu pour le côté nanar.
Autant dire que l’on se moque alors éperdument de ce qui peut se passer tant leurs actions et destins ne servent à rien. Tous n’existent que pour être tué de façon outrancière mais néanmoins lamentables puisque les effets spéciaux sont quasi inexistant: fini le temps du latex et du faux sang, vive le détourage d’image fait à l’arrache avec Photoshop et le sang en CGI pré-programmé dans le logiciel de montage ! Pas de membres orphelins, pas d’agonies ou de cadavres, car il ne faudrait quand même pas dégoûter l’audience. Heureusement la gratuité de certains meurtres vient parfois relever le niveau (ce pauvre type qui marche près d’un canal en sifflotant, croisant le Sharktopus sans le voir et se retrouvant transpercé par un tentacule extensible à la vitesse de l’éclair par pure méchanceté) et il faut noter ici et là quelques idées effectivement amusantes (un type dépose une oreille coupée découverte sur la plage aux objets trouvés, Pteracuda agresse un cerf-volant à l’effigie de son adversaire, une journaliste doit engager un clochard incompétent quand son caméraman s’enfuit et le héros utilise une boule à facettes comme appât car le ptérodactyle fonctionne comme une pie). Sharktopus vs. Pteracuda aurait énormément gagné en multipliant ces petites trouvailles plutôt qu’en suivant à la lettre la formule type de la série B pour chaine télévisée.
D’ailleurs plutôt que de créditer son réalisateur, le film ferait mieux de mettre en avant les infographistes responsables de ses deux monstres. Car malgré le budget minuscule et des images de synthèses ultra primitives (les corps des mutants sont à peine texturés et beaucoup d’animations sont recyclées), il y a de leur part une volonté évidente de se montrer à la hauteur du titre et de livrer des scènes d’affrontements de bonnes teneurs. Pteracuda bitchslap Sharktopus avec ses ailes, lequel le lui rend bien de ses tentacules. Ils se disputent un corps dont ils remporteront chacun un morceau, se chamaillent comme deux chats en se contorsionnant dans tous les sens, dans l’eau comme dans le ciel, se jetant constamment l’un contre l’autre afin de se mordre ou de se griffer. Au final le nouveau venu apparait comme un adversaire digne de ce nom pour le requin-pieuvre et les deux combattants semblent être de valeurs égales alors qu’il aurait été facile de donner l’avantage à la star de la franchise juste par principe. En gros, si les séquences faites avec de vrais acteurs sont artificielles et sans joie, c’est tout le contraire en ce qui concerne le département d’animation qui s’est visiblement fait ici très plaisir. Il n’y a qu’à voir leur ultime contribution pour s’en convaincre: une fois les créatures anéanties par une puissante détonation, des débris de corps s’envolent dans tous les sens et la tête de Pteracuda vient heurter violemment la caméra qui se trouve pourtant à plusieurs dizaines de mètres de l’explosion.
Quel dommage que le reste ne suive pas et paraisse si fade, si mou. Clairement la faute du metteur en scène, déjà coupable d’un Dinoshark prometteur mais totalement insipide et ennuyeux, tant au regard de son sujet que de ses divertissants concurrents (au hasard Super Shark ou Sand Sharks). Cela ne l’empêchera pas de remettre le couvert avec le même scénariste pour un Sharktopus vs. Whalewolf avec Casper Van Dien, dont il faut au moins saluer la présence. Car ce dernier est un habitué des monstres gluants, qu’ils soient en caoutchouc ou en CGI, et y semble beaucoup plus à sa place que ici Robert Carradine (frère de, et inoubliable Lewis de Revenge of the Nerds) qui remplace sans grandes convictions Eric Roberts dans le rôle du savant fou. Même si sa cool attitude change un peu des représentations habituelles de l’archétype. A ses côtés point de Sara Malakul Lane pour notre plus grand malheur, et si sa remplaçante est plutôt mignonne ce n’est quand même pas la même chose.
A la place il faudra se contenter d’une apparition de Conan O’Brien, dans une scène tournée pour l’occasion par Roger Corman, pourtant officiellement à la retraite. Le présentateur télé y joue une parodie de lui-même, bronzant en costume chic sur la plage avant que Sharktopus ne l’empale par l’anus avec un tentacule avant de le décapiter. Sa tête est ensuite utilisée comme ballon pour un match de beach volley, les joueurs semblant ne rien remarquer. C’est très con et totalement inutile à l’intrigue, mais il est intéressant de voir que c’est de cette manière que le Roi de la Série B a choisi de conclure sa carrière derrière la caméra. Qui plus est, ces deux là se sont sûrement éclatés à filmer ces quelques images, ce qui rend d’emblée la séquence bien plus légitime que la quasi totalité de Sharktopus vs. Pteracuda !
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