Up From the Depths (1979)

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Up From the Depths

(1979)

 

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En apparence, la manière dont Up From the Depths a vu le jour est toute simple: fort du succès de Piranhas, Roger Corman voulu retenter l’expérience du film de monstre marin et conçu donc un nouvel imitateur des Dents de la Mer avec ce projet. Pour se faire il s’associa avec son partenaire philippin Cirio H. Santiago, avec qui il avait pour habitude de délocaliser ses productions du côté de Manila pour économiser sur la main d’oeuvre et gagner en exotisme. Dans le cas présent les deux hommes en restèrent à leur poste de producteurs, et le Roi de la Série B fit appel à un camarade de longue dates pour mener les choses à bien, Charles B. Griffith, scénariste travaillant avec lui depuis les années 50 et responsable entre autres d’Attack of the Crab Monsters, de La Course à la Mort de l’An 2000 et de La Petite Boutique des Horreurs. Mais c’est là que les choses se gâtent, car étrangement il ne lui confia pas la tâche d’écrire le script mais de réaliser le film, laissant à des employés inexpérimentés le soin de développer l’intrigue.

 

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C’est un mystérieux Alfred M. Sweeney qui invente cette histoire de requin monstrueux sévissant dans les îles d’Hawaï, avec quelques réécritures d’une Anne Dyer non créditée au générique mais que l’on retrouve sur Battle Beyond the Stars après ça. D’après le cinéaste, le ou la responsable était alors secrétaire à la New World Pictures et n’aspirait aucunement à devenir écrivain, tandis que lui-même n’avait que peu d’expérience à la mise en scène. Selon lui ce boulot fut une façon pour Corman de le punir, en l’envoyant se dépatouiller seul dans un pays qu’il ne connaissait pas et dont il ne parlait le la langue. On serait bien curieux de savoir ce que le bonhomme a pu faire pour mériter ça, mais en tout cas sa mauvaise humeur fini par déteindre sur son équipe qui se mis à déprimer, et l’allure ridicule de leur squale n’arrangea pas les choses. Mâlin, Griffith décida alors de transformer le sujet pour en faire une comédie, pour remonter le moral de tout le monde et de justifier l’aspect délirant de sa créature.

 

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Il faut dire que la trame, maigrelette, lui laisse de la marge de manœuvre: un tremblement de terre sous-marin provoque un chamboulement des courants et plusieurs poissons des abysses remontent accidentellement dans les eaux de l’archipel. Parmi eux se trouve un gros requin qui va évidemment bouffer tout ce qui bouge, notamment les touristes d’un hotel de luxe venu se baigner pour les vacances. Et c’est tout, ce qui permet au réalisateur de rester libre du moment qu’il laisse son monstre croquer quelques personnages à l’occasion. Oui mais voilà: une fois le dernier coup de manivelle donné, Griffith expédia les bobines à Corman avant de rentrer au bercail et découvrit à son retour que son travail fut déjà modifié par son patron. Celui retira 75 minutes de scènes jugées inutiles et redressa Up From the Depths sur les rails du film d’horreur, commandant à Chris Walas de nouvelles séquences d’attaques et surtout un nouveau monstre plus réussi. En résulte un long métrage schizophrène aux ruptures de ton conséquentes.

 

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En raison du trifouillage orchestré par le producteur, l’oeuvre est parfois sérieuse, parfois drôle et parfois parodique au point de sombrer dans le grand n’importe quoi. La base reste dans le premier degré autant que possible, avec une introduction qui ne prête pas trop à rire où une pauvre plongeuse disparait dans un impressionnant geyser de sang sous-marin, sous les yeux de son partenaire qui l’a laissée partir seule. Le premier acte donne l’impression d’assister à quelque chose de tout à fait normal, bien que l’atmosphère soit plutôt décontractée et amusante grâce à sa galerie de protagonistes hauts en couleur. Mais à l’occasion certains gags poussifs commencent à apparaître, comme lorsque la Playmate topless en pleine séance photo se fait mal aux seins à force de les presser contre un filet de pêche, ou quand un type ivre se tir une balle dans le pied en voulant tuer le requin. Et quand le monstre fait sa grande apparition, c’est la panique au sens propre comme au figuré.

 

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Des touristes bien assis se demandent s’ils devraient courir eux aussi avant de refuser par flemmardise, un dragueur en profite pour aller à la rencontre d’une fille apeurée, le type qui refusait de boire commande un scotch au barman pour se remettre de ses émotions, et un mec tente de raisonner sa femme en panique en lui affirmant que les requins ne marchent pas. Quand le directeur de l’hôtel organise un concours de pêche pour se débarasser du squale avec une forte récompense à la clé, c’est l’anarchie façon Y a t-il un Pilote dans l’Avion: un japonais en pagne dégaine son katana en criant “Banzai”, des hommes grenouilles marchent à reculons de leur bungalow à la plage, et les participants se jettent sur toutes les armes potentielles des parages, des lances de décorations à l’arbalète médiévale, d’autres sortant même des M16 d’on ne sait où. Parfois on ne sait même plus ce qui est une plaisanterie ou non, comme ce bateau nommé Humuhumunukanukiapaa II. Du charabias se moquant de la langue locale ?

 

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Pas du tout, ça veut simplement dire “baliste de récif”, le nom d’un poisson du coin. Pour être honnête ce type d’humour ne vole pas bien haut et peine à faire sourire, gâchant même l’ambiance sympathique qui avait été mise en place jusque là. Car il était intéressant ce duo formé par le héros et son oncle marin, deux gentils arnaqueurs dépouillant les clients les plus cons à l’aide de nombreuses combines bien ficelées, forcément en guerre contre l’odieux propriétaire de l’établissement. En plus de se perdre dans l’amas de blagues, ces personnages pâtissent aussi du remontage sauvage et des mulitples réécritures qui font disparaître plusieurs éléments narratifs en cours de route. Comme ce trésor engloutis, oublié aussitôt qu’il est découvert, où ce journaliste apparemment important selon son introduction, mais qui ne revient jamais ensuite. Le pauvre biologiste s’en sort le plus mal, sorte d’antagoniste tragique voulant protéger la bête au nom de la science, et tant pis pour les victimes.

 

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On peut le voir être affecté par la mort de son assistante, dont il rapporte quand même la disparition comme une simple noyade pour protéger son travail, et trouve une fin ironique puisque son corps est utilisé comme appât et bourré d’explosif afin de détruire le monstre. Une idée que Enzo G. Castellari recycla quelques temps plus tard pour La Mort au Large. D’ailleurs cette pauvre bestiole se retrouve elle aussi mise de côté, avec parfois de sacrées longueurs entre chaque croquage de nageurs. L’animal n’a pas de moment rien qu’à lui, aucune grosse scène sanglante ou spectaculaire. Il y a bien cet instant où des adolescents le ferrent à la canne à pêche depuis leur barque, mais la séquence est vite abrégée. Et s’il sort parfois la tête hors de l’eau pour attaquer barques ou plateformes flottantes, il est clair que Walas ne pu que filmer quelques minutes valables, les séquences originales ayant été jetées par peur du ridicule. Un sentiment validé par le créateur original, Robert Short, dans le module promotionel d’une édition DVD.

 

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Son nouveau design n’est pourtant pas mauvais puisqu’il s’inspire du requin dormeur taureau, dont l’apparence est assez unique avec cette peau noire et ce museau carré. Il est doté de yeux jaunes globuleux et de deux ailerons dorsaux, et a tendance à semer bras et têtes coupées dans les récifs. Sa taille causa cependant problème pour les scènes sous-marines, le rendant difficile à manipuler, et le résultat est des plus approximatifs avec de l’eau trouble et une caméra tremblante qui empêche de voir quoique ce soit. On sauvera au moins ce passage où un vacancier faisant trempette tombe dans un trou d’eau pour en ressortir couvert de tripes et de sang qui appartiennent sans doute à une malheureuse victime. Une petite compensation, au même titre que les jolis cadrages et mouvements de caméra léchés qui parsèment le film, Griffith s’étant visiblement cassé la tête pour soigner son film visuellement. Et si cela ne suffit pas, on peut toujours se rabattre sur le casting où apparaît un jeune Sam Bottoms fraichement débarqué d’Apocalypse Now.

 

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Nul doute que ces quelques jours à la plage fut pour lui de véritables vacances après le tournage infernal du film de Coppola, et d’ailleurs une rumeur persistante veut qu’il fut rejoint par R. Lee Ermey, qui apparaitrait quelque part dans le film même si personne ne sait où il se trouve. Je vous le confirme: il est bien là, identifiable grâce à ses tatouages sur les bras et dans un rôle minuscule (le type au lance-flammes). Rien d’extraordinaire, mais cela fait une petite corde de plus à l’arc de Up From the Depths qui en a bien besoin tant il a morflé en cours de production. Malgré tout le film reste agréable à regarder grâce à ses décors magnifiques, ses personnages plus fun que la normale et l’habituelle formule Corman qui veut qu’il doit se passer quelque chose d’excitant toute les dix ou quinze minutes. Quant au déséquilibre comédie / tragédie, aussi problématique soit-il, il aura au moins le mérite de le faire sortir du lot, préfigurant quelque part la sharksploitation moderne faussement nanarde avec ses requins mutants à toutes les sauces.

 

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GALERIE

 

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Le monstre original construit aux Philippines

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