Psycho Pike (1992)

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Psycho Pike

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Quiconque s’intéresserait à une histoire de brochet mangeur d’hommes sera prié de se reporter au livre The Pike (le brochet, donc) de Cliff Twemlow, un individu au parcours intéressant puisqu’il fut écrivain, vigile de nightclub et compositeur de stock music pour publicités. Il écrivit son roman durant la petite mode anglaise du pulp horror initiée par Les Rats de James Herbert et poursuivit par un tas d’imitateurs qui, poussant toujours le gore et l’horreur un peu plus loin, donnèrent malgré eux naissance au splatterpunk. Des types comme Guy N. Smith, Richard Laymon et Shaun Hutson en firent leur carrière, et quelques autres comme Twemlow y trempèrent les doigts de pieds afin d’arrondir leurs fins de mois. En creusant un peu sur Internet à propos de l’ouvrage, on trouvera quelques articles de journaux à propos d’une tentative d’adaptation cinéma lancée par l’auteur lui-même, acteur et présentateur télé à ses heures perdus, qui profita sans doute d’avoir un pied dans l’industrie pour capitaliser. Le projet échoua faute d’argent et ces coupures de presse sont les dernières reliques de ce film que l’on ne verra jamais, lequel comptait quand même sur la présence de Joan Collins (Dynastie, le Tales From the Crypt de Freddie Francis) et d’une tête de poisson géant entièrement mécanique et dont la rumeur veut qu’elle ait fini ses jours dans un musée de la robotique au Japon.

 

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En fouillant un peu plus loin on pourra cependant tomber sur d’autres articles faisant la promotion d’un shot on video génialement titré Psycho Pike. Le sujet demeure le même (un brochet géant terrorise un petit lac) et beaucoup font ainsi l’erreur de dire qu’il s’agit d’une seconde adaptation du bouquin menée par une toute autre équipe. C’est évidemment faux, mais qui ira vérifier ses sources comme un vrai journaliste pour une série Z ? Écrit et réalisé par un Chris Poschun au CV désespérément vide (“best boy” sur Revenge of the Radioactive Reporter et c’est tout), Psycho Pike est un représentant oublié de la canuxploitation, tourné avec trois bouts de ficelles par une bande d’amateurs mais malgré tout compétant et plus généreux que n’importe quel film de requins actuel avec ses CGI merdiques. Car oui, eux aussi ont fabriqué une tête de brochet mutant qu’ils utilisent lors des attaques, sa geule dentée coupant les membres de ses victimes tandis que la caméra nous gratifie de quelques plans sous-marins façon Dents de la Mer. Impressionnant en fait, si l’on prend en compte le manque d’expérience et la nature même de micro-budget du machin. Bien sûr cela n’est pas la garantie d’un bon film pour autant et les défauts habituels de ce type de production sont toujours en effet, du manque de rythme au jeu d’acteur limité, mais dans le genre il existe bien pire, y compris par des spécialistes comme les Polonia ou Ron Ford.

 

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L’intrigue présente deux couples d’amis se rendant au bord du lac Shippegew pour quelques jours de détente. Du moins en apparence car si les deux mecs sont amis d’enfance, l’un a récupéré l’ex-petite amie de l’autre qui ne parvient toujours pas à s’en remettre et s’est casé avec une autre plus pour les apparences qu’autre chose. Pour ne rien arranger, non seulement son ancienne ne nage pas vraiment dans le bonheur avec son nouveau mec et se montre encore complice avec lui, mais son actuelle semble faire de l’oeil à son copain. Du drama qui ne vaut pas grand chose face à la vérité de la situation: le meilleur ami du héros se moque bien de ces deux nanas, celui-ci étant secrètement venu analyser l’eau du coin pour le compte de son employeur, un industriel ayant récemment ouvert une scierie dans les parages en faisant fi des lois environnemental. Résultat l’endroit est pollué à mort et les pêcheurs n’attrapent plus que des poissons morts. Le bonhomme est donc chargé de falsifier les résultats le temps que son patron puisse acheter un nouvel équipement, mais certains locaux ne sont pas dupes et vont tenter de lui soutirer un peu d’argent en échange de leur silence. Et puis bien sûr il y a le brochet, que le produit toxique à rendu énorme et affamé. Las de bouloter les proies malades de son environnement, il s’en prend maintenant à tout ce qui traine à la surface, des oiseaux aux êtres humains…

 

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L’air de rien la combinaison du monster movie et du thriller fonctionne plutôt bien, rendant les scènes se déroulant hors du lac intéressantes là où un simple creature feature aurait abusé du remplissage barbant. Entre le manque de confiance grandissant dans le groupe d’amis, les doutes de l’analyste qui réalise a quel point la nature est saccagée et ce flic corrompu chargé de se débarasser des témoins gênants, il y a pratiquement l’équivalent d’un film à part ici, ce qui permet de garder le spectateur éveillé entre deux scènes sanglantes. Hélas, par manque de budget ou de savoir-faire, c’est là-dessus que s’appuie essentiellement le réalisateur, délaissant quelque peu son poisson mutant. Encore une fois cela est pardonnable considérant que Psycho Pike n’est pas un gros film, mais il y a de quoi être frustré tant les séquences horrifiques sont pourtant soignées: le monstre traque un clébard faisant trempette tandis que sa maitresse s’envoie en l’air un peu plus loin, le montage créant le parallèle entre l’approche du brochet et de l’orgasme, le coup fatal arrivant en même temps que le partenaire de madame. Un type pêche une main coupée, un autre tombe à l’eau et refait surface sans sa tête, son corps s’agitant comme un poulet décapité, et la bête saute carrément dans la barque d’un redneck pour lui attraper le bras. Le plus fou reste la mort de ces entrepreneurs chinois venu racheter la région pour y construire un parc d’attraction.

 

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L’un fait du Tai-chi sur un ponton avant de glisser dans l’eau tandis que l’autre se met en mode kung-fu pour claquer le beignet du poisson qui bondit hors de l’eau à répétition afin de le mordre ! Cela se termine sur un bouffage de bras accompagné d’un moignon sanglant très Troma dans l’âme et d’un rôt sonore de la part de l’agresseur… Enfin il y a superbe gorge déchirée qui justifie presque à elle seule la vision de ce petit SOV somme toute plutôt généreux. Il faudra cependant composer avec un humour un peu grossier et une galerie de personnages délirants qui ne collent pas vraiment à l’intrigue, comme ce touriste allemand qui s’amuse à photographier les toilettes des autres ou ce pompiste borne qui couche peut-être avec le fils du vilain industriel, lequel a fuit son père pour étudier le ballet. Le flic ripou est inexplicablement pétomane et si Shippegew est pratiquement le trou du cul du monde, il semble toujours il y avoir la queue à l’unique cabine téléphonique du coin. Bref, ça délire grave et il ne faut donc pas être trop surpris de découvrir une bombe à retardement dans les chiottes craignos d’un boui-boui ou une apparition du journaliste sportif Red Fisher, célébrité canadienne dont l’émission de chasse et pêche était encore dans les mémoires à l’époque. Le metteur en scène a même loué un véritable hélicoptère qu’il fait s’envoler, preuve s’il en est que Psycho Pike disposait malgré tout de quelques moyens.

 

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Cela ne l’empêcha pas de rapidement tomber dans l’obscurité en raison d’une distribution pratiquement inexistante faute d’investisseurs et d’un micro-tirage en cassette vidéo qui n’a sans doute jamais quitté le pays d’origine, mais grâce à l’article du magazine Cottage Life publié en 1992, certains s’acharnèrent à exhumer la chose au point que, une bonne vingtaine d’années plus tard, quelqu’un créa la page Facebook Where is PSYCHO PIKE ?? dans l’espoir d’obtenir quelques indices. C’est par ce biais qu’un collectionneur fini par partager sa copie (un screener produit pour le marché du film de Cannes), laquelle fut alors reproduite en une poignée d’exemplaires en DVD bootlegs. Cette même copie s’est retrouvée sur YouTube et quelques sites similaires, permettant à quiconque de (re)découvrir cette petite perle de canuxploitation sans grande difficulté, même s’il faudra encaisser une qualité d’image évidemment peu flatteuse. Rien qui ne découragera les amoureux de la VHS et des grosses bêbêtes.

A lire également, la chronique de mon estimé collègue Rigs Mordo dans sa Toxic Crypt. Et vite avant qu’il ne supprime définitivement son site, chose prévue pour début Septembre !

 

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