Nemesis 3: Time Lapse
(1996)
Soyons honnête, Nemesis 3 n’est pas vraiment Nemesis 3 mais plutôt Nemesis 2.5, seconde partie d’une longue histoire que le réalisateur, Albert Pyun, a tourné d’une traite avec les mêmes acteurs, les mêmes décors et surtout avec le même budget. Difficile de savoir si les scènes de l’un furent mise en boite avant celles de l’autre, et certains prétendent que Nemesis 2 aura englouti une grosse partie de l’argent avec ses scènes d’action, contraignant le cinéaste à travailler ici avec encore plus de limitations. Dur à prouver même si la différence de rythme entre les deux œuvres est évidente, et on peut dire que si le second opus se concentrait sur les explosions et les coups de feu plutôt que l’intrigue, celui-ci fait plutôt l’inverse, raccrochant au passage un poil mieux les wagons avec Nemesis premier du nom. Hélas plutôt que de simplement raconter ces nouveaux événements de façon linéaire et compréhensible, cette suite s’embarque dans une structure confuse à base de nombreux flashbacks et flashforwards.
Il apparaît vite claire que l’idée n’était pas de surprendre le spectateur ou de jouer avec le suspense, mais de justifier l’utilisation abusive d’extraits du film précédent pour gonfler la durée du métrage. Et donc, si celui-ci semble atteindre les 1h30 de rigueur, il convient de lui amputer son générique de fin de quatre minutes et sans doute un bon quart d’heure de redites issu de l’épisode Nebula, distribuées régulièrement tout au long de l’aventure et parfois sans aucune raison particulière. N’aide pas non plus que ces images passent toutes au filtre bleu, devenant baveuses et difficilement regardables, et que l’histoire elle-même soit finalement incomplète puisque l’auteur comptait continuer l’affaire avec Nemesis 4, laissant volontairement quelques zones d’ombre qui auraient dû être résolues plus tard mais ne le furent jamais. En résulte un film patchwork car rafistolé en post-production dans l’espoir de lui donner un peu plus de rythme et de mystère alors qu’il n’a pas du tout été conçu ainsi à la base.
Nemesis 3 s’ouvre sur sa conclusion: Alex, toujours en Afrique en 1998, est inconsciente au beau milieu du désert et se réveille amnésique. Rebroussant un chemin qu’elle ne reconnaît pas, elle tombe sur le bizarrement nommé Farnsworth 2, mercenaire pour les rebelles qui ravagent la région. Bien sûr il s’agit en fait d’un cyborg de la toute nouvelle génération, dépêché sur place après l’échec du chasseur de prime Nebula, pour récupérer Alex. Comprenant qu’elle ne représente pas une menace pour lui, il décide de l’examiner et découvre qu’elle a essayée de se suicider en se tirant une balle dans la tête ! Son organisme mutant a cependant reconstruit son cerveau et les souvenirs ne lui reviennent que par intermittence. Forcée de lui faire confiance, elle va progressivement rassembler les pièces du puzzle tandis que l’androïde contact ses supérieurs pour demander des renforts… Un point de départ intriguant mais vite dépassé par l’incroyable volume d’informations qu’Albert Pyun nous balance à la figure.
Car il y a bien quatre au cinq machines à voyager dans le temps qui se croisent ici, envoyant robots et résistants à la recherche de l’héroïne. D’un côté Farnsworth 2, modèle avancé de technologie cybernétique et nommé d’après l’instigateur de la révoltes des machines. Avec sa bande de bras cassés, il doit non seulement traquer la super-humaine mais surtout savoir si elle déjà enfanté. De l’autre les demi-sœurs d’Alex, venues la ramener dans le futur pour mener l’ultime assaut contre l’envahisseur et la convaincre de s’envoyer en l’air, justement. La raison n’est jamais évoquée mais le but est clairement de donner naissance à une nouvelle race dotés de pouvoirs régénérants. Quand l’une de ses semblables est capturée, notre guerrière se lance à sa poursuite, elle-même traquée par l’ennemi. En chemin elle va trouver le moyen craquer pour un beau mercenaire, hélas rendu attardé mental suite à une blessure à la tête, tandis que Nebula revient d’entre-les-morts, prêt à tout pour récupérer ses primes, y compris combattre ses remplaçants !
Un scénario ambitieux et clairement handicapé par ses petits moyens et sa courte durée. Une série aurait sans doute été plus adaptée et naturellement des tas d’éléments se retrouvent expédiés ou sous-développés, transformant ce qui aurait pu être une intéressante odyssée en un quasi téléfilm laborieux et mollasson. Du dynamisme dont fait habituellement preuve Pyun, on n’en retrouve pratiquement rien ici, à part une scène où Alex défenestre une femme cyborg avant de sauter à son tours, atterrissant pieds joints sur son dos pour le briser, ou ce moment où elle pénètre dans le QG de Farnsworth au volant d’un buggy, canardant tout ce qui bouge durant un dérapage contrôlé et faisant mouche à chaque coup. Et c’est tout. Reste la bonne idée de ces grenades volantes à têtes chercheuses, mais nous sommes loin de l’énergie pétardante du premier Nemesis et des explosions à répétitions du second. Ce sont plutôt les personnages qui divertissent à défaut d’autre chose, à commencer par Ditko et Lock, deux femmes aussi bodybuildées que Sue Price.
Affublée de perruques blondes platines et victimes de crises d’hilarité aussitôt qu’elles ont des pensées sadiques, elles sont complètement hors de contrôle et rappellent un peu les frères Paul de Barbarians, au point qu’on se demande si le réalisateur n’a pas modifié son script juste pour elles. Car elles se tamponnent totalement de l’autorité de leur chef, baillant lorsqu’il les rappellent à l’ordre, cognant leurs propres camarades juste pour s’amuser, et s’agaçant quand un mercenaire comprend à leur apparence qu’elles ne sont pas les rebelles africaines qu’elles prétendent être. Farnsworth 2 n’est pas en reste, tabassant à mort l’un de ses gardes pour une malheureuse remarque et s’écriant “Aww, fuck !” sur un ton vaguement ennuyé alors qu’on lui plante une paire de ciseau dans l’œil. En comparaison Alex et ses sœurs sont bien ennuyeuses malgré leur physique musclée et impressionnant, et seule l’idée qu’il existe une vingtaine de ces demoiselles génétiquement parfaite peu retenir l’attention et nous faire imaginer à quoi Nemesis 4 aurait dû ressembler.
Et des concepts mal exploités sont tout ce qui reste à citer ici, parfois sympathiques, souvent décevants par leur mauvaise exécution. Comme le fait que les radiations émises par la mine d’uranium affecte les systèmes des androïdes, que les combattants africains pensent que la troupe de Farnsworth est un commando d’extermination doté de pouvoirs magiques, ou que les cyborgs utilisent encore des scientifiques humains car ayant besoin de personnes capables de pensées abstraites, preuve qu’ils sont plus proche de la machine que de l’homme à ce stade. Le voyage dans le temps est un rien arrangé avec ces fenêtres de vol qu’il faut respecter sous peine de rester coincé à l’époque visité pendant un an, et la résurrection de Nebula, pourtant récupéré en morceaux, le rend plus intéressant que le pseudo Predator qu’il était auparavant. Il évoque plutôt Bobba Fett ici, entrant en rivalité avec Farnsworth 2 malgré qu’ils bossent pour le même employeur. Dommage de ne pas avoir un seul plan de ces deux là ensemble sous leur forme non humaine !
Le costume en caoutchouc est d’ailleurs à peine visible ici, Pyun préférant cette fois se rabattre sur les CGI pour gagner du temps en post-production. Des effets visuels qui abondent, collés parfois sur des scènes qui ne devaient pas en contenir, à l’image de ces poursuites en voitures où les véhicules sont cachés sans explication par une sorte de bulle opaque venant flouter à l’extrême tout ce qui se passe à l’écran. Les yeux des antagonistes clignotent en vert et projettent des rayons scanners aussitôt qu’ils croisent Alex, plusieurs cyborgs disposent d’une sorte d’aura colorés dont on ignore l’utilité, et bien sûr la véritable apparence de leur leader nous est révélé de temps en temps, ici une créature en images de synthèse qui ressemble plus à un véritable robot qu’une fusion homme/machine, et dont le corps humain n’est qu’une projection holographique. Le réalisateur semble s’amuser comme un petit fou avec ces trucages désormais primitifs qui font écho à ceux d’Arcade, qu’il avait tourné pour la Full Moon et qui lui avait inspiré Nemesis 1.
Du bricolage de dernière minute que le Blu-ray met involontairement en avant, la différence de qualité d’image entre une séquence normale et une retravaillée sautant désormais aux yeux. Car les CGI ont été superposés, et non intégrés, et si la restauration permet d’obtenir un visuel de haute définition sur les scènes traditionnelles, elle laisse les autres à l’état de vidéos sales digne d’une vieille VHS aussitôt qu’un laser ou un halo doit apparaître. La voix off de l’héroïne, plaqué sur tout ça pour ajuster la narration et réexpliquer les enjeux au spectateur distrait, ne fait qu’en rajouter et montre bien combien Nemesis 3 est victime de son budget et de son tournage en back-to-back. Le cinéaste reste capable de très jolies compositions, reconnaissons-lui au moins cela, avec des cadrages soignés et imaginatifs, sublimant le désert d’une façon que même George Miller ne parvient pas à faire. Un talent sur lequel le metteur en scène ne peut pas toujours compter, surtout lorsqu’il se retrouve à filmer la même usine que la dernière fois, et parfois sous les mêmes angles.
Avec tout ça faut-il s’étonner d’apprendre que le film fut un échec, détruisant tout espoir d’un Nemesis 4 que le cinéaste avait pourtant bien prévu de faire, concluant même sur un teaser montrant Alex en armure de combat futuriste ? Un nouvel obstacle à l’appréciation de ce film, puisque plusieurs pistes narratives ne seront jamais résolu: que deviennent les sœurs et amis d’Alex après cette grande explosion ? Nebula est-il toujours en vie ? Comment l’héroïne va t-elle rejoindre le futur maintenant qu’elle a raté le coche ? Et pourquoi a-t-elle voulu se suicider ? On ne le saura jamais puisque le prochain film dans la série n’a pour ainsi dire aucun rapport avec cette intrigue, malgré la présence de Pyun et de Sue Price au générique. Un film d’ailleurs improvisé en quelques jours durant les reshoots d’une autre production. Triste constat puisque le créateur tenait dur comme fer à sa grande saga cyberpunk, la continuant même avec d’autres titres comme Omega Doom, avec Rugter Hauer.
Il recyclait ici même le nom de Brick Bardo pour l’un des personnages, patronyme qu’il employait fréquemment et que les fans s’amusaient à traquer de films en films. Tim Thomerson le portait dans Dollman par exemple, mais Pyun ne joue pas avec cette coïncidence pour faire ici de Farnsworth 2 son assassin. A propos de celui-ci, la question se pose toujours sur son lien avec le Farnsworth original, l’humain comme le cyborg qui lui volait son identité, et il n’y en a probablement aucun, le script ayant sans doute été modifié lorsque l’acteur fut engagé. Il aurait pu s’appeler Nebula 2 que cela n’aurait pas changé grand chose, et a vrai dire cela aurait été un peu plus drôle. Au moins son interprète reste charismatique à mort même s’il n’a finalement pas grand chose à faire et on ne crachera jamais sur sa présence, aussi forcée soit-elle. Sue Price s’en sort très bien malgré qu’elle ne soit pas actrice et que cette suite la force à interagir avec plus de monde, et elle a un début de romance intéressant avec ce pauvre handicapé joué par le trop rare Xavier Declie.
Vu la même année dans Adrénaline du même metteur en scène, il se retrouve dans un rôle à l’opposé de son image de gros bras au corps de porn star, qui montre une certaine pureté dans sa simplicité puisqu’il est le seul homme à ne pas voir Alex comme une bombe sexuelle. Tout l’inverse de Norbert Weisser (l’un des Norvégien de The Thing et un régulier d’Albert Pyun qui jouait un certain Farnsworth 3 dans le méconnu Deceit, lequel n’a aucun lien avec Nemesis – Farnsworth 1 et 2 étant des hommages/reprises comme Brick Bardo), qui campe un adorable loser prêt à tout pour s’attirer l’attention de la mutante musclée. Chad Stahelski est toujours crédité comme l’acteur de Nebula, mais il s’agit très certainement d’un mensonge, le personnage n’apparaissant en tant que tel que pendant quelques secondes. Enfin, les baraquées Debbie Mugli et Sharon Bruneau sont peut-être excessivement cabotines mais au moins elles font bien rire ! Impossible de ne pas ricanner lorsqu’elle surnomme Thomerson “small man” du fait leur différence de taille, dans ce qui semble être une réplique improvisée.
Cela n’est certes pas le meilleur casting du monde, mais cette petite brochette fait du bien après un Nemesis 2 désespérément vide et offre les seuls vrais moments appréciables de ce Nemesis 3: Time Lapse, parfois aussi appelé Nemesis 3: Prey Harder sans qu’on ne sache trop où ni pourquoi. Leurs seuls noms devraient suffire pour savoir si vous aurez envie de voir ce film ou pas.
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