Nemesis 2: Nebula (1995)

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Nemesis 2: Nebula

(1995)

 

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Nemesis premier du nom fut un projet qu’Albert Pyun tenait très à cœur, mûri sur quelques années après sa découverte du cyberpunk et du transhumanisme. Malgré quelques cafouillages durant la réalisation du film (deux fins sensiblement différentes selon les montages, son héroïne transformée en homme par les producteurs), il est évident que l’expérience lui plu suffisamment pour qu’il garde l’envie d’explorer encore cet univers, ce qu’il fit dès l’année suivante à travers une suite indirecte. Sorti en 1993, Knights se déroule après que les cyborgs aient fini par envahir le monde et réduit la population en esclavage, chose que le héros de l’opus précédent tentait d’empêcher avec plus ou moins d’espoir en fonction des versions. Le metteur en scène y reprenait son idée initiale pour Nemesis, celle d’une jeune femme devenant guerrière pour repousser l’oppresseur, la propulsant cette fois dans un futur plus apocalyptique que dystopique. Comme George Miller et ses Mad Max, Pyun revisite donc constamment ses concepts et il convient en fait d’ignorer toutes notions de continuité ou de chronologie.

 

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Un peu comme Cyborg était le prototype de Nemesis, Knights pose les bases de Nemesis 2, que l’auteur visualise comme une sorte de grande odyssée à la fois très classique dans son déroulement mais ambitieuse dans ses événements puisqu’il est désormais question de voyage dans le temps et de biotechnologie. On ne vaut pas se mentir, ces choix furent en grande partie inspirés par Terminator, dont l’ombre plane constamment sur cette saga cybernétique, et motivés par un manque de moyens pris en compte dès la conception du projet. Mais leur inclusion s’intègre relativement bien à l’ensemble, du moins théoriquement, et aurait pu permettre d’intéressants rebondissements qui hélas n’auront jamais lieu. Car cette nouvelle aventure était trop grande pour tenir sur un seul film et Pyun fut contraint de la diviser en plusieurs productions qui ne virent pas toutes le jour faute d’argent et surtout de succès, ces séquelles ayant bien moins d’allure que l’original. Il faut dire que, désireux de maintenir le contrôle créatif et de ne pas se retrouver dans la même situation que la dernière fois, il troqua les frères Shah et leur Imperial Entertainment pour la Karnowski / Schmoeller.

 

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Il y perdit en budget ce faisant, mais se trouva cependant un allié en la présence de Gary Schmoeller, frère de David, qui comme lui bossa un temps pour Charles Band. Après avoir mis en boite un premier titre pour eux (Heatseeker, une histoire de baston avec un cyborg dedans, allez savoir si ça compte dans la grande fresque !), le cinéaste leur proposa son idée et obtint de pouvoir tourner Nemesis 2 et Nemesis 3 back-to-back avec un fin ouverte pour de futurs opus en cas de réussite. Et dès le début on peut voir que le cinéaste tente de rectifier les quelques éléments qui l’embarrassait: un message d’introduction nous explique donc qu’Alex Rain est mort et a échoué dans sa tentative de stopper les cyborgs – une manière de revenir à la conclusion pessimiste qu’on lui avait demandé de modifier et de s’assurer que le personnage principal soit cette fois une femme. Dix ans plus tard les androïdes règnent désormais sur le monde, ayant asservit l’humanité (quand bien même les plans originaux de Farnsworth / Sam était de l’exterminer, mais qu’importe).

 

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Heureusement il reste une résistance, et encore quelques décennies plus tard un généticien met au point un super ADN qui pourrait produire des hommes aux pouvoirs extraordinaires. En 2077 né ce premier mutant, une petite fille baptisée Alex “d’après son fameux ancêtre” (ce qui fut sans doute rajouté en post-production pour éviter toute confusion entre les deux personnages) qui représente notre dernier espoir. Ayant vent de la situation, les cyborgs attaquent les rebelle avec ordre de récupérer le bébé pour l’étudier, mais la mère porteuse et son rejeton parviennent à s’enfuir avec à l’aide d’une machine à voyager dans le temps sortie de nulle part. La narration précise qu’elle fut dérobée à l’ennemi, mais si c’était le cas cela ouvre une boite de Pandore et engendre des questions sans fin sur la situation, aussi mieux vaut ne pas trop y penser. Atterrissant en plein Afrique de l’Est, en 1980, la maman est malheureusement tuée par des rebelles alors en pleine guerre civile avec le gouvernement en place mais l’enfant est sauvé par des chasseurs de la tribu Kutu…

 

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Approximativement 20 ans plus tard (la timeline établit est assez bancale et semble fluctuante), Alex a bien grandit et ses gènes lui ont donné un corps de bodybuildeuse doté d’une force surhumaine, mais elle ignore tout de son passé et n’est pas totalement intégrée en raison de son apparence. Même en participant au rite de passage qui fait d’elle une guerrière et en battant en duel un opposant, elle se sent mise de côté et il faudra qu’un ami lui révèle ses origines pour qu’elle commence à trouver sa juste place dans l’univers. Manque de bol cela arrive pile quand les cyborgs retrouvent sa trace à travers l’espace-temps, envoyant le chasseur de prime Nebula à ses trousses à l’aide d’un autre engin temporel. Avec sa technologie futuriste celui-ci extermine sans effort la tribu d’Alex qui va deevoir fuir à travers le désert pour lui échapper… tombant en plein territoire de la faction terroriste qui ravage toujours le pays. Prise entre deux feux, la jeune femme va devoir exploiter tous les avantages de sa super biologie afin de survivre.

 

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Diantre, toute cette backstory, tout ce worldbuilding au service d’un film qui se contente finalement de refaire Predator dans le désert avec une dizaine de figurants et un costume en caoutchouc. Triste, car si Nemesis était original dans son genre, Nemesis 2 peine à se démarquer des innombrables monster movies qui pullulent dans les vidéos clubs depuis les années 80. Même Nebula, le cyborg vedette de cette séquelle, évoque plus un extraterrestre à la Giger qu’un hybride homme-machine, et il est permis de se demander si Pyun n’a tout simplement pas recyclé la bête d’une autre production. Il fallait sans doute ça pour le différencier des androïdes classiques et lui donner l’air important, mais en l’état on a surtout l’impression que les liens unissant les deux films se sont surtout fait au montage, un peu au dernier moment. Supprimez la voix et les messages apparaissant sur la visière de l’antagoniste, et vous obtenez une histoire indépendante et totalement déconnectée du “cyberverse” précédemment établit.

 

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On se consolera un peu avec la mise en scène comme toujours dynamique et inventive, s’inspirant beaucoup de ce qui se faisait à Hong Kong à l’époque. La séquence la plus folle montre un gunfight en pleine chute lorsque l’héroïne saute du haut d’une tour, la chasseur de prime se jetant aussi dans le vide pour la poursuivre. Alex utilise un pauvre rebelle comme bouclier humain tandis que Nebula est complètement en flammes, et les deux se tirent dessus tout en tombant pendant ce qui semble être une éternité. Du Nemesis pur jus, comme lorsque la guerrière réalise que son ennemi ne craint pas les balles et vide son chargeur sur le plancher vermoulu où il se tient, le faisant ainsi passer à travers. Sans surprise la bodybuildeuse se la joue John Woo à faire des roulades et des sauts périlleux avec un pistolet dans chaque main, et la caméra épouse parfois le point de vue des balles en pleine fusillade. Malheureusement le reste n’est pas du même niveau avec notamment un combat final très décevant où le type déguisé en monstre peut à peine bouger.

 

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Cela s’explique certainement par le fait que la personne originellement choisie a quittée la production en plein milieu du tournage après une dispute avec un autre membre de l’équipe. Dommage puisqu’il s’agissait de Chad Stahelski, cascadeur et artiste martial surtout connu de nos jours pour être le créateur et réalisateur des John Wick, et doublure posthume de Brandon Lee sur The Crow. Si son nom est toujours crédité au générique, c’est essentiellement un remplaçant qui incarne le robot, lequel fut avant tout sélectionné sur son physique puisque le costume avait été fait sur mesure pour Stahelski. Voilà sans doute pourquoi la plupart des meurtres du cyborg se déroulent hors champ ou sont difficilement visible en raison de l’effet “camouflage optique” ridicule et mal foutu qui le recouvre. Une idée aberrante qui n’était clairement pas dans le script (l’héroïne passe son temps à apercevoir sa silhouette dans le lointain) et qui ruine même quelques trouvailles sympathique comme ce bras insectoïde doté de griffes qui aspirent le sang de ses victimes pour le recracher par un tube sortant du coude, à la manière des sphères de Phantasm !

 

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Tout une séquence où une proie se dessèche comme une momie devient pratiquement irregardable puisque les effets spéciaux mécaniques disparaissent sous une couche de filtres vidéos, et il faudra avoir de bons yeux pour comprendre qu’Alex triomphe de la bête en utilisant sa propre arme contre lui. Mais bon, ce n’est pas comme si l’androïde était le seul à l’avoir mauvaise entre les rebelles Wotans qui se retrouvent avec des mercenaires américains dans leurs rangs juste pour expliquer pourquoi les figurants ne sont pas tous Noirs, et ces deux otages délivrées par Alex qui ne servent à rien et n’ont aucune incidence sur le scénario même lorsque l’un se révèle être un traître prêt à tout pour sauver sa propre peau. Nous sommes bien loin de Nemesis premier du nom avec ses protagonistes haut en couleurs et ses acteurs sympathiques, et seule l’héroïne semble avoir été soignée. Bonne idée d’ailleurs d’utiliser sa mutation pour expliquer comment elle a appris à parler anglais en écoutant des missionnaires, allant jusqu’à leur piquer leur accent au passage.

 

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Pas grand chose d’autre à se mettre sous la dent si ce n’est quelques détails ici et là, plus amusants qu’autre chose. Comme cette dague à pointeur laser que découvre Alex dans la machine à voyager dans le temps, capable de chauffer sa lame et de fendre la pierre comme du beurre. Ou ce gros laser à la Predator qu’utilise Nebula pour carboniser ses cibles, qui tombe subitement à court de munition et le force à utiliser de vulgaires armes à feu humaine pour continuer son boulot. L’idée que les androïdes conquérants aient décidés de renommer les États-Unis en “Cyborg America” est assez drôle, et la scène d’ouverture située dans le futur fait illusion un bref instant avec sa jolie matte painting et l’allure badass de la maman résistante qui évoque un peu une fusion entre Alex Rain et Max Impact du premier film – peut-être leur descendante, justement. Enfin, et quand bien même le tournage s’est déroulé dans un coin désertique de l’Arizona, le cadre africain est plutôt original et supporté par une musique atmosphérique sympathique.

 

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Finalement le vraie surprise du film c’est son actrice principale, Sue Price, athlète professionnelle au corps impressionnant que Pyun met constamment en valeur, ne l’habillant d’ailleurs que du strict minimum à l’aide de petits pagnes tribaux et T-shirts déchirés. Avec ses muscles et ses dreadlocks blondes, elle détonne complètement des looks bimbos que l’on croisait ailleurs et se montre évidemment très convaincante durant les scènes d’action. A souligner également qu’il s’agit là de sa toute première expérience cinématographique, sans même une pub ou un court-métrage sous le coude, et si certains lui ont reproché son jeu un peu rigide et limité, elle s’en tire en réalité avec les honneurs, faisant tout aussi bien qu’un tas d’autres comédiens de secondes zones. En fait, et pour comparer ce qui est comparable, elle paraît même plus à l’aise et naturelle que ne l’était Arnold Scwharzenegger dans ses deux ou trois premiers films ! Sa carrière n’a cependant jamais décollée et elle ne fit pratiquement rien d’autres que les Nemesis avant de disparaitre des écrans.

 

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Elle ne fut pas la seule femme musclée qu’Albert Pyun engagea sur ses films d’action et on peut notamment citer la bodybuildeuse Rachel McLish dans Raven Hawk. Une préférence (un fetish ?) que le metteur en scène se découvrit par hasard sur le plateau de Nemesis 1, lorsqu’il dénuda l’actrice Deborah Shelton alors en pleine forme et très active dans les salles de gym pour les besoin du concours Miss USA. Évidemment il se donna tout un tas d’excuse pour engager d’autres jolies culturistes dans Nemesis 3, et comment le lui reprocher ? Ceux qui préfèrent les petites minces pourront toujours se rabattre sur Knights, et il aurait été plaisant de voir les deux héroïnes se rencontrer et former un tandem façon Xena la Guerrière au pays des robots. Cela aurait sans doute été préférable aux véritables suites qui virent le jour, entre un Nemesis 4 improvisé en quelques jours durant les reshoots d’une autre production et un Nemesis 5 illégitime et totalement Z que l’on doit à Dustin Ferguson, auteur de Camp Blood 4 et 5

 

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