CreepTales (1993)

ROAD TO HALLOWEEN VII

 

creeptales (16)

 

CreepTales

(1993)

 

creeptales (2)

 

Plus un film est obscure, plus il est difficile de trouver la moindre information à son sujet, ce qui dans certains cas peut entrainer une véritable confusion avec tout un tas de renseignements contradictoires. CreepTales n’échappe pas à la règle, et peut-être aurez-vous remarqué que je l’ai classé à l’année 1993 dans l’en-tête de l’article tandis que l’IMDb le range plutôt à 2004. Une sacrée différence qui se complique d’autant plus que d’autres chroniqueurs évoquent aussi 1986 ou 1989 à l’occasion, alors qu’en est-il ? Et bien il se trouve que tout le monde à raison (sauf IMDb bien sûr, qui a simplement listé la date de sortie du DVD de BCI/Eclipse). Le fait est que cette anthologie horrifique à la Creepshow n’a pas été façonnée d’un seul coup comme un vrai film et n’est qu’une compilation de courts-métrages n’ayant aucun rapport entre eux, tous réalisés à différentes époques. Les producteurs ont simplement tournés leur propre segment pour créer un fil rouge, obtenant ainsi tout un long métrage avec un minimum d’efforts.

 

creeptales (12)

 

Une pratique bien plus courante qu’on ne le pense et on pourrait mentionner le bien plus récent All Hallows’ Eve 2 par exemple, fausse suite du petit hit de Damien Leone mais sans le cinéaste ni son Art le Clown, remplacés par une poignée de vidéos qui ne partagent rien, pas même leurs formats d’image. Ici il suffisait pourtant de jeter un œil au générique de fin pour découvrir le pot aux roses, chaque sketch étant crédité séparément avec son année de création originale en chiffres romains. Bien sûr vu la qualité vidéo d’époque ce n’est pas toujours facile à déchiffrer (le DVD n’étant lui-même qu’un VHSRip de qualité discutable), mais il suffit de s’y pencher un instant pour comprendre que les histoires sélectionnées datent toutes des années 80, exception faite de l’épisode des producteurs qui, comme le copyright général, est bien de 1993. CreepTales n’a pas dévoilé tous ses mystères pour autant puisqu’il est impossible de trouver la moindre preuve de son existence en ces temps, les seules cassettes vidéos trouvables étant plutôt modernes.

 

creeptales (8)

 

Toutes sont éditées par Lunchmeat VHS, une compagnie spécialisée dans la préservation de titres d’exploitation sur bande magnétique fondée en 2008. Alors CreepTales serait-il inédit depuis 2004 et faudrait-il le ficher ainsi comme l’a fait IMDb ? Aucune idée et de toute façon cette intro est bien trop longue alors autant dans le vif du sujet, d’autant que le film est assez bon contre toute attente. Oh, sans surprise l’élément conducteur est lamentable, filmé à l’arrache dans un décor unique avec une vague trame en guise de script. Titré Halloween Night, il présente une bande de monstres s’étant réunis dans une cabane isolée au fond des bois pour faire la fête, comptant passer la soirée en matant CreepTales à la télé. Deux d’entre eux, un bossu et une sorte de zombie, se rendent au vidéoclub du coin mais arrivent un peu trop tard et le gérant leur claque la porte au nez. Ils ont alors l’idée de piller la tombe d’un certain Oncle Munger, qui autrefois terrorisait la région et qui aurait été enterré avec sa propre copie du film…

 

creeptales (1)

 

Au chiotte la logique, le bonhomme étant décédé en 1879, mais ce n’est pas comme si les responsables voulaient faire du boulot soigné. Il ne se passe rien d’autre, les goules regardant les six courts suivant tout en se bâfrant et en riant comme des adolescents attardés tandis que Munger revient lentement à la vie, forcément en colère du viol de sa sépulture. Les personnages (joués ironiquement par des mecs en masques d’Halloween) effraient des livreurs de pizza et se font une bagarre de popcorn dans une totale hystérie qui devient vite insupportable. Mention spéciale pour les producteurs / scénaristes justement dans les rôles “principaux”, qui ne font que geindre et semblent incapable de la fermer plus de deux secondes. Au final le mort-vivant viendra ruiner la soirée en saccageant les lieux, faisant fuir des créatures pourtant plus cauchemardesques que lui, avant de rembobiner la cassette pour tout revoir depuis le début. Et le générique de fin d’en rajouter une couche avec un horrible theme song à faire saigner les oreilles.

 

creeptales (4)

 

Il y avait une idée intéressante avec ces monstres louant un film d’horreur pour célébrer leur propre fête, hélas l’exécution est abominable: il n’y a pas d’argent, pas d’intrigue, pas de talents, pas de direction. Le british Screamtime faisait beaucoup mieux avec un concept similaire, et on ne retiendra de cet épisode que bien peu de chose: un joli rat dans le paquet de popcorn, ce squelette que l’on croit être une décoration mais qui s’enfuit comme les autres dans la conclusion et surtout la sympathique vitrine du vidéoclub qui exhibe un grand présentoir du Révérend Kane de Poltergeist 2 ou 3. Heureusement le reste vient relever le niveau, à commencer par Warped, thriller psychologique filmé à la manière de Sam Raimi avec une caméra ambulante et dynamique. Du très bon boulot technique signé Roger Nygard, futur auteur du populaire documentaire Trekkie. Il met en scène les déboires d’Elizabeth, une jeune femme sortant d’un centre psychiatrique suite à une dépression nerveuse, traumatisée par le suicide de son père.

 

creeptales (5)

 

Elle s’installe chez la seule famille qui lui reste, sa tante sénile et sa cousine Viola qui habitent dans un coin de campagne isolée. En réalité l’orpheline compte comprendre pourquoi son père s’est tué, retraçant l’origine du problème en ces lieux, et va mettre un jour un drame familial tenu secret depuis longtemps… Le spectateur rapidement comprendre de quoi il en retourne puisque les personnages avouent à demi-mot ce qui s’est passé: Viola est tombée enceinte lorsqu’elle était jeune, situation jugée honteuse par son père ultra conservateur, et fut contrainte d’avorter d’une façon assez atroce: en portant un corset durant toute sa grossesse. Il ne faut pas être une lumière pour comprendre qu’elle a été violée par propre son frère, le paternel d’Elizabeth, celui-ci ayant mis fin à ses jours lorsque son épouse a tout découvert. Une situation sérieuse qui donne pourtant lieu à une course-poursuite délirante et très slapstick, la tante et la nièce passant leur temps à se cogner et à trébucher.

 

creeptales (6)

 

L’inspiration Evil Dead est plus qu’évidente entre la caméra ultra mobile et le montage serré, avec pas mal de prises de vue à la première personne et une confrontation brutale entre Viola et un policier obèse débarquant à l’improviste. Malgré l’absence de gore leur affrontement vire au Grand Guignol, la femme feignant un malaise pour mieux empaler son ennemi avec un tisonnier, et l’autre arrachant l’objet de son corps pour l’utiliser contre elle, des viscères pendouillant du pique. Quant au twist final concernant le bébé, il est identique à celui d’American Gothic, slasher gériatrique sorti à la même époque. Bref, un très bon galop d’essai pour le cinéaste qui réussi d’ailleurs à vendre son film à d’autres producteurs avant CreepTales, pour une anthologie sortie en 1990 nommée Tales of the Unknown. Lui succède ensuite Snatcher, réalisé par Tim Boxell d’après l’une des histoires qu’il écrivit pour les comics Scary Tales, publié par Charlton dans les années 70.

 

creeptales (7)

 

De nos jours la chose est surtout connue pour mettre en scène un jeune Tom Kenny, la voix de Bob l’Éponge, et il faut avouer que le futur voice actor s’éclate à fond dans le rôle d’un loubard voleur de sacs à main. Comme dans la bande-dessinée, le sketch est un simple montage humoristique de ses méfaits, sono punk rock à l’appuie, le montrant jeter les sacoches aux toilettes après les avoir fouillée et éclater de rire comme un vilain de dessin animé. Hélas pour lui, il va s’en prendre à la mauvaise personne, vieille dame sans défense qui semble plus le mettre en garde qu’autre chose lorsqu’il s’enfuit. Le gag repose sur une réinterprétation moderne de la Mimique de Donjons & Dragons, la mémé a qui elle appartient se trouvant en peine de la porter maintenant qu’elle est repue. Très bête, très fun et très court. Prometteur aussi, même si le metteur en scène ne retourna pas derrière la caméra avant 1997, pour le sympathique Aberration où une horde de lézards carnivores se font dessouder un par danseur de ballet armé de flingues.

 

creeptales (9)

 

The Closet, de Greg Middleton, est encore moins long, mais malheureusement aussi moins amusant. Co-écrit et co-réalisé par Stephen Hegyes, futur producteur de La Voix des Morts avec Michael Keaton et du King Rising de Uwe Boll, le segment ne raconte rien d’autre que l’habituelle histoire de croquemitaine dans le placard. Par une nuit d’orage, un gamin ne parvient pas à dormir et craint la porte entr’ouverte de sa penderie. Son grand frère, excédé par son attitude, débarque alors pour le rassurer mais aussi pour se moquer, n’hésitant pas à entrer dans le meuble pour lui prouver qu’il n’y a rien à craindre. Ce qui arrive alors est exactement ce que vous pouvez imaginer, et au moins peut-on y voir un joli Craignos Monster ressemblant un peu à un ours décomposé. Ou à un Trog de Teddy, la Mort en Peluche. Vient ensuite Groovy Ghoulie Garage, qui n’est pas à la hauteur de son titre mais dont l’intrigue se déroule pendant Halloween, créant un lien thématique léger avec le fil rouge.

 

creeptales (10)

 

Deux amis en plein road trip tombent en panne d’essence au milieu de nulle part et découvrent un étrange village où tout le monde se comporte comme s’ils étaient dans les années 60. La surprise finale n’en est pas vraiment une et le scénario parodie (à l’occasion seulement) les codes du genre, comme lorsque les protagonistes évoquent le nom du lieu maudit dans une auberge et que ce sont les accessoires qui réagissent, faute de clients: le juke box s’arrête, le mixeur déborde et la bouteille de ketchup se renverse… Drôle, mais jamais du film ne verse vraiment dans le comique par la suite et tout cela est bien trop long. Si le suspense monte assez bien, donnant l’impression que la trame se dirige vers une sorte de 2000 Maniacs version Toussaint, il fini par se dégonfler bien vite vu que tous les habitants de la ville fantôme se montrent tous polis et serviables: nos héros s’en tirent à bon compte, ayant simplement côtoyés quelques spectres sympas le temps d’une soirée. Décevant, surtout que ce garagiste au visage rongé de brûlures chimiques aurait fait un bon boogeyman.

 

creeptales (13)

 

Là encore certains auront pu voir le segment en 1990 dans une autre anthologie de vidéoclub méconnue (Final Destinations). Retrouvons Stephen Hegyes pour Howling Nightmare, dont l’écran titre imite un peu celui de The Thing mais en plus cheap. Il reprend à son compte l’un des grands moments du film de loup-garou Silver Bullet, d’après Stephen King, lorsque les villageois traquent le monstre dans les bois, de nuit et sous la brume. L’ambiance est ici plus légère avec ce chasseur qui marche par mégarde dans les entrailles d’un ami éventré, et ce lycanthrope volant le fusil à un idiot pendant qu’il s’enfile une bière. Pour un petit budget le résultat est franchement réussi avec plusieurs effets gores réussis (dont un superbe arrachage de gorge) et une créature assez travaillée, toute poilue et dotée d’un long museau animé. Le titre révèle un peu le twist, mais c’est pour mieux nous surprendre avec un dernier gag simple mais effectif. Et avec ça CreepTales embraye sur son dernier (et meilleur) épisode, le Sucker du vétéran Rod Slane.

 

creeptales (11)

 

Un touche-à-tout que l’on retrouve comme compositeur sur une poignée de shot on video (Blood Cult, Forever Evil), producteur sur l’hilarant All-American Murder avec Christopher Walken, mais aussi scénariste, monteur, directeur de la photographie et réalisateur. Jamais rien d’extraordinaire et c’est dommage tant il livre ici un bon court-métrage qui justifie à lui seul l’existence de cette compilation. Son opus, qui se classe aisément au même niveau qu’un épisode des Contes de la Crypte ou du meilleur de Tales From the Darkside, montre comment une mégère vivant dans un taudis reçoit en pleine nuit la visite d’un étrange démarcheur. Un homme qui la traite ouvertement de sale truie mais qui lui offre la possibilité de “nettoyer” sa vie grâce à un aspirateur surnaturel baptisé le Dirt Demon. Une invention miraculeuse qui peut tout laver, ranger et assainir, débarrassant son possesseur de tout le mal qui l’encombre. Les seules règles: ne jamais en abuser et ne jamais le pointer sur un être humain.

 

creeptales (14)

 

Et la bonne femme de ne rien respecter évidemment, enchantée qu’elle est de pouvoir remettre sa maison à neuf. Mais surtout elle compte l’utiliser sur son mari pour s’en débarrasser, le jugeant responsable de tous les maux dont elle est victime. Mais à trop utiliser la machine, elle commence à grossir et grossir, devenant de plus en plus laide et crachant de la poussière à l’occasion: son corps absorbe en fait toute la saleté qu’elle a accumulée comme un sac d’aspirateur, lui donnant l’apparence de l’ogresse qu’elle est réellement. Son époux n’est d’ailleurs pas le mauvais gars qu’elle décrit mais un pauvre type terrorisé par sa femme au point de ne plus vouloir rentrer chez lui. Lorsqu’enfin il ose, c’est pour se confronter à une version monstrueuse de la mégère, boursouflée et gorgée ras-la-gueule d’immondices. L’occasion était parfaite pour tout conclure comme dans dans Le Sens de la Vie des Monty Python, avec son sketch du restaurant, mais le manque de moyen va malheureusement se montrer frustrant.

 

creeptales (15)

 

On saluera les cadrages inventifs, les effets spéciaux évidemment 80s et surtout le jeu des acteurs, avec une sacré mention pour l’actrice principale qui doit incarner un personnage peu flatteur. Le résultat, très professionnel, surclasse narrativement et techniquement tous les autres courts et hisse CreepTales loin au-dessus de quelques rivaux d’alors comme Chillers ou Freakshow. Même l’aspect shot on video de certains épisodes ne saute pas trop aux yeux, la plupart des réalisateurs ayant opté pour un équipement semi-professionnel évitant l’effet caméscope comme peuvent avoir les films des frères Polonia. Alors certes le fil rouge est abominable et les vidéos sont de durées inégales, avec des épisodes trop longs et d’autres trop courts, mais dans l’ensemble la sélection est très honorable avec plusieurs moments forts (Warped, Sucker) et de belles tranches de rire (Snatcher, Howling Nightmare), les maillons faibles eux-mêmes n’étant pas si mauvais que ça. Dans le genre on pourrait faire bien pire, et  CreepTales peut même se targuer d’avoir le nom de Forrest J Ackerman au générique en guise de consultant créatif !

 

creeptales (3)

 

 

creeptales (17)    creeptales (16)

creeptales (18)    creeptales (19)    creeptales (20)    creeptales (21)

Leave a reply

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>