See No Evil 2 (2014)

 

See No Evil 2

(2014)

 

 

Le mois dernier je supposais que See No Evil 2, film produit en partenariat par la WWE et Lionsgate, serait forcément meilleur et plus honnête que l’horrible reboot du Leprechaun récemment sorti. Et bien j’avais tort. Cette séquelle tardive est a peu de chose près un désastre équivalent, a cela que le film original est peu connu et souvent même déconsidéré par les fans du genre.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques mots sur ce premier opus. Personnellement j’en avais gardé un très bon souvenir et une nouvelle vision via Blu-ray n’a fait que renforcer mon avis. See No Evil est un bon slasher. Ce n’est pas un grand film, ce n’est pas particulièrement mémorable, mais c’est diablement efficace, très méchant et, j’ose le dire, bien mis en scène. Le réalisateur avait le chic pour tirer profit de son hôtel décrépis, infesté de cloportes et de chiens errants, utilisant de nombreuses cachettes et miroirs sans tain pour dynamiser le jeu du chat et de la souris entre ses protagonistes et le tueur herculéen incarné par Kane. Ce dernier était d’ailleurs responsable de meurtres particulièrement sadiques et brutaux à l’impact visuel satisfaisant. Enfin le scénario avait pour lui quelques bonnes idées comme ce faux héros, en la présence du flic manchot, et le fanatisme religieux qui faisait du tueur lui-même une sorte de victime. La meilleur scène étant bien sûr celle où il se retrouvait tout troublé sexuellement a la vue d’une jolie adolescente nue, au corps couvert de tatouages spirituels.
Avec les sœurs Soska a la barre de cette séquelle, on était en droit d’espérer une réappropriation intéressante de ces éléments au sein de l’histoire, et pourquoi pas une meilleure exploration de la psyché démente du meurtrier. Hélas il n’en est rien, et tout ce qui rendait See No Evil un tant soit peu unique disparaît. Dépourvu de caractère, privé de son identité, See No Evil 2 pourrait en fait être la suite de n’importe quel autre slasher et on ne verrait pas la différence !

 

 

Il y avait pourtant de quoi être curieux concernant les nouvelles aventures de Jacob Goodnight, vu sa mise à mort carrément extrême a la fin du premier volet. Le crâne transpercé par un tuyau de plomb, il faisait une chute mortelle de plusieurs étages avant de passer a travers une véranda et de se faire empaler le cœur par une tige métallique. Par quel moyen ingénieux les scénaristes pouvaient-il ramener le personnage d’entre-les-morts ? C’est bien simple: il n’y en a pas. Non, ce n’est pas une manière de dire que la trouvaille est anecdotique ou mauvaise. Il n’y a tout simplement aucune raison.
See No Evil 2 se déroule quelques instants après les évènements du premier film, et le corps du tueur est rapatrié a la morgue du coin avec celui de ses récentes victimes. Le staff, qui se compose uniquement de trois personnes, ne prend pas la peine de pratiquer une autopsie: c’est l’anniversaire de l’un d’entre-eux et une fête est organisé dans les locaux pendant les heures de travail. Et lorsqu’un couple se met en tête de s’envoyer en l’air juste a côté du cadavre de Jacob, c’est le drame. Le tueur se relève et commence a punir tout ces pécheurs.
Donc voilà, Jacob Goodnight est mort, puis ne l’est plus, sans aucune explication. A vrai dire, le soucis n’est pas vraiment là. Dans le prologue du premier opus, un policier lui tirait une balle en pleine tête et le film mettait un point d’honneur a nous montrer sa blessure a la tête, un vilain cratère infesté de vers qui aurait été fatal a n’importe qui. Peut-être que Jacob Goodnight est véritablement la Main de Dieu après tout, et qu’il est immortel. Le problème c’est surtout qu’il n’y aucune mise en scène sur ce passage. L’idée semble être que l’acte de fornication est responsable du réveil de la Bête, mais là où Jason X (pour prendre une exemple similaire) montrait le déroulement des choses en alternant les points de vue, See No Evil 2 préfère élaguer au-delà du convenable.
Ainsi le corps du monstre apparaît sans vie sur une table avant de disparaître quelques secondes plus tard, sans que rien ne laisse présager son retour imminent a la vie. L’instant d’après, il agit comme s’il ne s’était jamais rien passé. Sans même une ellipse. Autrefois l’un des attraits des suites aux films de Freddy ou Jason était de voir comment les personnages allaient revenir sur le devant de la scène. Là, les scénaristes n’ont même pas fait l’effort de trouver un prétexte et les réalisatrices ont suivi le mouvement.

 

 

Et ce n’est que le début d’une longue liste de déception. La plus évidente – et la plus tragique – étant la suppression pure et simple de toute violence. Tout comme dans Leprechaun: Origins, la plupart des meurtres sont commis hors-champ ou décadrés et se révèlent trop sages au regard de ce qui avait été fait précédemment. L’impressionnante machette en lame de scie ne décapite pas, elle égorge sensiblement malgré un joli swing. La scie sauteuse fait son travail mais n’a aucun impact visuel ou sonore. Jamais Jacob Goodnight ne paraît aussi fort et impressionnant qu’il l’était, les corps ne valdinguent plus dans le décors et le sadisme a pour ainsi dire disparu.
Une séquence l’illustre parfaitement lorsqu’on nous présente un corps enchainé a la porte, très propre et simplement ligoté, mais avec une réaction disproportionné de la part des personnages et de la mise en scène, comme s’il s’agissait d’une victime des Cenobites !
Peut-être aussi aurait-il fallu éviter d’utiliser un grand nombre d’extraits du See No Evil premier du nom, car s’il est compréhensible de vouloir rafraichir la mémoire des spectateurs après un hiatus de huit ans, cela a pour effet de montrer un peu trop la différence de ton entre les deux films, et cela ne joue pas du tout en faveur de ce nouvel opus. Pire, oser montrer toutes les meilleurs séquences de l’original donne une impression de cache-misère, comme si See No Evil était une suite cheap conçue a la va-vite avec les moyens du bord. Le film est court, moche, dépourvu de scènes chocs et se raccorde a peine avec l’intrigue qui avait été établie auparavant.

 

 

Certes il y a bien quelques tentatives de continuation concernant l’évolution de Jacob. La scène la plus intéressante du film le montre se confronter, avec regret, au corps de sa mère avant de fondre en larmes. L’instant d’après il découvre qu’il lui manque maintenant un œil, comme s’il payait le prix de son propre péché (le meurtre de sa mère et son désire pour une jeune femme). Glenn Jacobs, alias Kane, livre une plutôt bonne performance et fait bien mieux avec deux répliques et un jeu de regard que l’ensemble du casting avec tout leurs dialogues. Regrettable que tout ceci disparaisse aussitôt, Jacob Goodnight redevenant un tueur muet et sans émotion après cet unique aparté.
Oubliée, la mélodie chrétienne qui passait en boucle pour souligner sa folie obsessionnelle. Oubliée, sa sexualité qui lui valait d’entrer en conflit avec ses convictions. Oubliée, sa fascination pour les tatouages religieux. Diable, le colosse n’arrache même plus les yeux de ses victimes ! Alors que la morgue était peut-être le seul endroit au monde où il pouvait se fournir en bocaux et en formole, et reprendre légitimement sa collection ! D’ailleurs n’était-ce pas là sa motivation pour le meurtre, d’où le titre de la série ? La dernière victime, en fin de film, est l’exception, mais a ce moment là le film a définitivement abandonné tout sens logique.
Peut-être est-ce a cause des scénaristes dont il s’agit ici du premier travail d’écriture. Car oui, comme pour Leprechaun: Origins, ce sont des débutants a qui ont a confié les rennes, et encore une fois le résultat est navrant, basique et comparable a tout ce que l’on a déjà vu sur le sujet. Dans le nouveau Leprechaun, le farfadet aurait pu être remplacé par n’importe quel monstre, ici c’est n’importe quel psycho-killer qui pourrait se substituer a Jacob Goodnight…

 

 

Il faut dire qu’entre la relation grand frère protecteur / petite sœur indépendante qui n’a aucun sens, les pseudo twists qui ne choquent plus personnes (l’héroïne se fait voler la vedette au dernier moment par un autre protagoniste), des caractérisations a la limite de la parodie (la délurée qui veut s’éclater a la morgue et qui ne comprend pas que son petit ami désapprouve) voir carrément absurde (l’une a laissée tomber sa carrière médicale pour bosser a la morgue car “on s’y retrouve forcément”), ce n’est finalement pas une surprise que les éléments horrifiques ne tiennent pas non plus la route.
Ce qui m’étonne en revanche, c’est que les quelques critiques disponibles de See No Evil 2 s’accordent au moins a dire que la réalisation des Soska est réussie, voir élégante. Et souvent de la part de ceux qui considèrent l’original comme un film banal. Là franchement il y a un problème, car non seulement c’est oublier les plans travaillés et soignés du premier opus, qui contribuaient aussi bien a l’atmosphère qu’a l’intrigue, mais surtout ça serait fermer les yeux sur un des gros défaut du film: il s’agit d’un de ces lents et ennuyeux films de couloirs.
Le fait est que l’on passe notre temps a voir les personnages faire des allez-retour dans d’interminables coursives en espérant atteindre la sortie (au passage notons comment les membres du staff sont incapables de s’y retrouver dans leur propre bâtiment), rien de plus. Jamais les Soska Sisters ne se risquent a quoique ce soit et leur réalisation est tout simplement impersonnelle. A moins que par “élégance” on ne se laisse berner par quelques plans sur des instruments chirurgicaux et autres salles d’opération sous fond musical, mais là encore le procédé est loin d’être original en plus de faire office de remplissage.
Si certains reprochent aux sœurs d’être prétentieuses, voir narcissiques, autant dire qu’ils seront surpris tant on ne retrouve aucune trace de leur personnalité dans ce film – ou plutôt ce produit. Quant a leur apparition “façon Hitchcock” elle ne va pas bien loin et a lieu au moment exact où leur nom apparait a l’écran.

 

 

Du reste, il n’y a pas grand chose a dire. Je n’ai absolument aucun avis sur le nouveau look de Jacob, qui aborde un masque de protection transparent. Certains considèrent que Glenn Jacobs est plus terrifiant au naturel, mais des années a le voir catcher sur le ring m’ont habitués, donc a chacun son goût. Ce qui me fait rire en revanche, c’est que le masque en question est semblable a celui que portait l’un de ses collègues, Cody Rhodes, il y a quelques années, et que je ne peux m’empêcher d’y voir un lien direct. Comme si tout le film n’était qu’un sketch poussif destiné a engendrer une feud entre les deux pour le prochain Wrestlemania.
Son adversaire, Danielle Harris, reprend le rôle familier de la Final Girl qu’elle tient depuis sa plus tendre enfance, des Halloween aux Hatchet. Sa prestation est correct, sans plus. A ses côtés on retrouve Katharine Isabelle, déjà chez les Soska dans American Mary et inoubliable louve de Ginger Snaps, dans un rôle qui pourrait être hilarant s’il n’était tout simplement pas ridicule. Enfin notons la présence du sympa Michael Eklund dans un rôle bien trop court et pourtant intéressant d’handicapé qui ne sent plus ses jambes. Une séquence amusante le montre ramper au sol pour fuir Jacob Goodnight sans réaliser que celui-ci lui a déjà perforé le pied avec son grappin, s’apprêtant a le ramener à lui…

 

 

Au final je suis peut-être plus déçu de ce See No Evil 2 que de Leprechaun: Origins. Au moins je savais que ce dernier serait raté et mal foutu, mais j’avais espoir qu’un simple slasher ne soit pas chose difficile a produire. Le résultat est creux, vide de toute substance alors que son aîné n’en manquait pas. La résurrection de Jacob tient de la vaste blague, tout comme ses meurtres. Il y avait là du potentiel pour livrer un film d’horreur bien ficelé, mais les responsables ont préféré choisir la facilité (n’est-ce pas d’ailleurs ce que reproche le personnage du grand frère à l’héroïne ?) et se sont contentés d’étirer l’introduction de Friday the 13th: The Final Chapter sur 1h30. En moins bien.
Dommage. Triste. Voilà qui ne laisse guère d’espoir pour le potentiel See No Evil 3 que l’épilogue nous fait avaler de force. Quant a l’association Lionsgate / WWE, qui prépare en fait un total de six films, elle ne laisse rien présager de bon. Quand on sait que le prochain titre a venir, Lockdown avec Dean Ambrose, est écrit par les deux gars derrière cette honteuse séquelle, on s’attend au pire. Les sœurs Soska, elles, ont intérêt a sacrément se rattraper avec Vendetta, qui mettra en vedette le Big Show et signera leur deuxième participation a ce partenariat pour l’instant peu recommandable.

 

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