Penitentiary II (1982)

 

Penitentiary II

(1982)

 

 

Voici un film où Ernie Hudson, vêtu d’un T-shirt jaune poussin et d’une perruque arc-en-ciel, se bat contre un Mr. T déguisé en génie de carnaval. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire sur Penitentiary II ? Qu’il s’agit d’une vaste blague ? Que cette simple scène représente toute la différence de ton entre la séquelle et le premier opus ? Ceux qui ont lu ma chronique sur le Penitentiary original de Jamaa Fanaka (rêvons) se rappelleront que je faisais état d’une œuvre sérieuse, crédible malgré quelques idées à la limite de la série B, et qui explorait de façon réaliste un microcosme carcéral. La boxe était loin d’être le thème principal du film et la nature parfois rocambolesque des personnages était justifié par leur niveau socio-intellectuel. C’était également les tout débuts d’un cinéaste dont le style n’avait pas encore aboutit,mais qui compensait ses lacunes par son enthousiasme.
Avec ce deuxième volet, toujours produit, écrit et réalisé par Fanaka, c’est un peu l’inverse. Sur la forme il y a une indéniable amélioration technique qui s’explique vraisemblablement par un meilleur budget, des conditions de tournages plus souples et bien sûr par l’expérience acquise par le réalisateur depuis sa dernière tentative. Celui-ci n’était d’ailleurs plus étudiant à cette époque, ce qui a pu jouer d’une façon ou d’une autre sur la production. Reste quelques problèmes de son ici et là, les mêmes que la dernière fois (quelques lignes de dialogues sont absentes de la bande son, ou furent redoublées avec une qualité différente qui tranche avec le mixage audio), mais globalement le résultat est maintenant tout à fait professionnel. Ceci hélas au détriment du fond, car l’intrigue déborde de partout et l’œuvre ne semble jamais vraiment trouver sa place…

 

 

L’histoire se déroule approximativement un an après les évènements du premier film. Too Sweet est toujours sous probation et doit normalement remplir ses obligations en tant que boxeur pour le compte de Sam Cunningham, beau-frère du directeur de prison qui avait appuyé sa libération. Seulement le jeune homme déteste cordialement ce sport (probablement dû aux mauvais souvenirs de son séjour au pénitencier) et refuse de poursuivre sa carrière, préférant vivre de petits boulots. Une situation pas brillante qui lui vaut d’être menacé par son conseiller d’insertion, car Too Sweet doit contractuellement travailler chez son employeur désigné sous peine de voir sa liberté conditionnelle être révoquée.
Pour ne rien arranger les choses on lui apprend que Half Dead, son ancien compagnon de cellule, s’est évadé et cherche probablement à le retrouver pour en finir avec lui, suite à leur relation conflictuelle dépeinte dans Penitentiary. A la recherche de stabilité, il fini par retourner chez Sam qui se venge en lui refilant le rôle de concierge de la salle d’entrainement, s’installe chez sa sœur et renoue avec Clarisse, sa petite amie d’autrefois. Malheureusement son ennemi retrouve sa trace et assassine celle-ci en représailles. Si le boxeur parvient à neutraliser Half Dead, il reste profondément marqué par l’évènement et décide alors de reprendre la boxe afin de devenir rien de moins que le champion du monde. Son objectif est d’acquérir ce titre afin d’être respecté et écouté de tous, de devenir un exemple pour les jeunes et pour apprendre aux enfants à faire attention aux dangers de la vie…

 

 

Un peu film de vengeance, un peu film de sport, Penitentiary II ne semble pas trop savoir ce qu’il doit raconter. D’un côté il y a évidemment la tentation refaire Rocky, de se focaliser sur cet aspect de l’intrigue en suivant le protagoniste Too Sweet à travers sa carrière et en le plaçant au cœur d’un championnat, dans le but de lui faire décrocher le titre mondial. C’est simple, efficace et poursuit de manière logique l’évolution du personnage qui, à la fin du premier film, se retrouvait contraint de continuer dans cette voie pour gagner sa liberté. En revanche l’idée n’est pas vraiment innocente car il faut savoir que Rocky III était en confection au même moment que cette séquelle, le film de Stallone sortant d’ailleurs au cinéma tout juste un mois après celui de Fanaka.
Les connections ne s’arrêtent pas là car on peut trouver dans Penitentiary II les grandes lignes de Rocky II (sorti au cinéma la même année que… Penitentiary 1 !). Celles-ci montraient Rocky Balboa devoir remonter sur le ring contre Apollo Creed, plus ou moins forcé par le destin, avant d’accepter la situation et se prouver qu’il avait bien l’étoffe d’un champion. Quoi que les circonstances soient ici totalement différentes, le résultat reste similaire: Too Sweet refuse d’abord de reprendre la boxe avant qu’une tragédie ne l’oblige à reconsidérer l’idée. Réalisant que devenir champion est la meilleure façon pour lui de reprendre sa vie en main, il se retrouve dans l’obligation d’affronter de nouveau Jesse “The Bull” Amos, son adversaire du premier film, pour un rematch très attendu par tout le monde.
Et comme pour bien enfoncer le clou, le ressort dramatique mémorable de Rocky III se retrouve également utilisé ici lorsque le héros perd son combat. Tout comme Balboa perdait le titre face à un Clubber Lang très agressif, Too Sweet ne parvient pas à battre Jesse, devant alors reprendre l’entrainement afin de se surpasser et de revenir à la charge une bonne fois pour toute. Cela fait beaucoup de coïncidences pour n’être qu’un accident et il faut ajouter la présence de Mr. T lui-même au casting, prouvant définitivement que Penitentiary II est un simple petit produit d’exploitation sans réelle ambition ; bien loin du premier opus. D’ailleurs le film est sorti chez nous sous le titre plutôt amusant du Défi du Tigre, évoquant ouvertement le sous-titre français du troisième Rocky (L’Œil du Tigre) avec une mise en avant de Mr. T sur l’affiche pour mieux appâter le spectateur innocent.

 

 

Cependant la trame générale emprunte également beaucoup au film de revanche, exercice classique du cinéma d’action où l’antagoniste revient se confronter à son adversaire pour lui faire payer sa défaite. Il ne s’agit pas ici de Jesse, qui est pour ainsi dire totalement dépendant de l’intrigue et aurait pu être remplacé par n’importe quel autre boxeur, mais de Half Dead. Celui-ci n’a jamais pu digérer sa défaite contre Too Sweet, entre leur combat dans la cellule et la tentative d’assassinat qui a causé la mort d’Eugène. Obsédé, le colosse fini par s’évader afin de retrouver sa trace et de le supprimer, comptant sur l’aide d’anciens camarades ainsi que de sa “petite amie”, une prostituée avec qui il entretient une relation abusive. Il ne lui faut pas longtemps pour repérer sa proie mais il n’agit pas immédiatement, préférant attendre le moment opportun pour frapper. Celui qui n’était qu’une brute pratiquement dépourvu d’intelligence dans le premier film est ici un prédateur terrifiant, capable du pire pour obtenir ce qu’il souhaite.
Et parce que Too Sweet ne prête guère attention à cette menace, trop occupé qu’il est à devoir gérer sa situation professionnelle et sentimentale, Half Dead va alors en profiter pour le traumatiser, violant sa petite amie pratiquement sous ses yeux avant de la tuer. S’il parvient à le vaincre, Too Sweet cède presque à la vengeance et ne laisse le meurtrier en vie qu’en raison de l’intervention de la police. Mais alors qu’il reprend le cours de sa vie et replonge dans le milieu de la boxe professionnelle, Half Dead est secouru par ses sbires et s’échappe de l’hôpital où il était enfermé. Toujours désireux de se venger, il continue d’observer Too Sweet alors en plein entrainement, cherchant un nouveau moyen pour l’atteindre…

 

 

On est clairement là moins dans le film de sport “réaliste” que dans ces fonds de tiroir DTV du rayon Action, comme les suites de Bloodsport ou de Kickboxer. Des œuvrettes à base de mafieux contraignant quelques combattants à participer dans des tournois clandestins. Il est évident que Clarisse ne pouvait avoir qu’un rôle de demoiselle en détresse (à des années-lumières d’Adrian, personnage Ô combien merveilleux et positif, sans lequel Rocky Balboa ne serait rien). Il est évident que Half Dead va s’emparer de la sœur de Too Sweet pour l’intimider et il est évident que le héros va recevoir l’ordre de se coucher durant son grand match sous menace d’exécution des otages. Ne manque plus qu’une poursuite ou une fusillade et cela aurait été la totale.
En résulte alors un film bancal, schizophrène, qui ne sait jamais sur quel pied danser et qui est incapable de donner donner un peu plus d’importance à un genre ou à un autre, privant Penitentiary II de véritable identité. Narrativement parlant, l’intrigue liée à Half Dead semble prioritaire, celle par où tout commence, celle qui fait évoluer le personnage principal, surtout avec l’ombre menaçante de l’antagoniste qui plane durant les autres scènes. Et jusqu’à la dernière partie où l’affrontement contre Jesse est moins important que la prise d’otage qui a lieu et le conflit interne qui en résulte pour Too Sweet. Et pourtant, les deux adversaires n’échangent en tout et pour tout qu’une seule véritable scène ! Deux si on compte leur vague retrouvailles avant le match final. En fait c’est même Mr. T qui va mettre un terme définitif à tout ça de son côté, tandis que les prisonniers se délivreront par leurs propres moyens ! De ce fait, Too Sweet ne fait finalement rien d’autre que s’entrainer et boxer, et Half Dead ne devient qu’un personnage secondaire venant apporter un semblant de complications.

 

 

Pour ne rien arranger les choses, Fanaka semble absolument vouloir continuer à explorer l’aspect social de son œuvre, comme dans le film original, au point de permettre d’inscrire cette séquelle au sein d’une troisième classification: le drame social. Le scénario se plait à examiner l’évolution de Too Sweet, d’abord très replié sur lui-même (il évite fréquemment le sujet de son incarcération, déclare à sa sœur qu’il ne parlera avec elle que de ce qui est “beau ou sain”) et une grande partie du film se concentre sur l’exploration de son personnage. Bien plus que Penitentiary qui l’entourait d’une aura de mystère. J’avais comparé le boxeur à John Rambo la dernière fois, du fait qu’on le retrouvait errant sur les route, sans rien savoir de lui. Ce nouveau film semble bien poursuivre dans cette voie puisque nous découvrons qu’effectivement le jeune homme fut soldat, vétéran du Vietnam rongé par la culpabilité du survivant (“une guerre assez cruelle pour m’épargner”).
Est également évoqué sa vie de famille, avec la mort de ses parents l’ayant marqué au point de se séparer de sa sœur durant plusieurs années sans lui donner de nouvelle. Quant à sa relation avec Clarisse, il explique le manque de communication avec la jeune femme en considérant qu’il était “mort” à cette époque. Et justement, le pivot narratif du film intervient dès le décès de sa compagne, provoquant un nouveau virage dans la vie de Too Sweet. Exactement comme dans l’opus précédent, où les décisions d’Eugène l’influençait au point que son meurtre ne le bouleverse totalement. Dans les deux cas, Too Sweet reprend la boxe afin de se trouver un objectif après une tragédie.

 

 

Si le film avait poursuivit dans cette direction, il est probable que le résultat aurait été très différent. Un scénario alternatif qui me vient en tête par exemple, aurait eu lieu si Too Sweet avait finalement tué Half Dead dans sa colère. Le jeune homme se retrouve de nouveau incarcéré et doit se reconstruire en prison avec le sport, se donnant au passage la même ambition de gagner une forme de respect absolue, et ainsi le pouvoir de propager la bonne parole. Voilà qui aurait en toute logique poursuivit les thèmes de Penitentiary tout en méritant le titre de Penitentiary II. Mais ici Half Dead survit et Fanaka passe en mode Rocky, avec entrainements médiatisés, suivi du héros par des entraineurs de calibre et relations de familles chaotiques. Quitte à la jouer ainsi, il aurait été très simple de créer une version sombre et dépressive de Rocky Balboa, où Too Sweet devrait réfréner sa colère meurtrière en cours de match, hanté par le souvenir de Clarisse. Ou au contraire en utilisant ces visions pour y puiser une force nouvelle, à la manière dont il parvenait à vaincre Jesse en repensant à la mort d’Eugène dans la première histoire.
Pourtant non, toutes ces possibilités sont abandonnées en cours de route et la seule séquence qui s’en approche intervient à la toute fin du film, lorsque la sœur du boxeur reprend le rôle d’Adrian en se jetant au bord du ring et témoignant de son amour pour son frère, ce qui l’encourage à se relever et triompher. Cela aurait pu fonctionner si leurs rapports avait été un minimum établit en cours de film, hélas les deux n’ont qu’une seule et unique scène avant que la femme ne soit totalement effacé de l’intrigue au profit des autres personnages, n’apparaissant que de temps en temps sans avoir la moindre importance sur le déroulement des évènements.

 

 

Drame, sport et action, ces trois éléments se rentrent dedans et se bousculent sans jamais se mélanger, ou cohabiter. Une scène montre Half Dead comme un monstre de la pire espèce, une autre choisi l’angle humain où sont évoqués ses problèmes relationnels avec son père. Puis dans une autre il se contente de parler poulet frit avec sa grognasse pendant dix bonnes minutes sans que cela ne mène à rien ! Bref, c’est l’anarchie totale.
Et le pire c’est que ça ne s’arrête pas là. Non content de ne savoir jongler avec trois genres différents, Fanaka semble tenir absolument à alléger le propos et à ajouter une certaine forme d’humour. Non pas tellement avec des gags à proprement parler, mais une altération de l’univers en général pour qu’il paraisse plus léger, plus décalé. Là où Penitentiary réussissait à créer une atmosphère grâce à des décors lugubres, totalement en phase avec son sujet, Penitentiary II donne parfois l’impression d’être une parodie. Le cinéaste use et abuse de situations absurdes, de répliques risibles et d’un esthétisme ringard. Dès les premières secondes, Tanaka évoque Star Wars en utilisant un texte d’introduction absolument similaire pour résumer les faits et introduire son nouvel opus !

Et au passage, bonjour le niveau de syntaxe:

 

“The parol officier also cautions Too Sweet that “Half Dead”,
a vicious killer who had become an obsessed enemy of Too Sweet
after Too Sweet fought off his nocturnal amorous advances in a prison cell,
had escaped during a court apperance on an appeal.
Half Dead vows to kill Too Sweet.”

 

 

La bizarreté qui enrobe le film fini par prendre le pas sur tout le film, et c’est comme si chaque scène avait volontairement été plombées par un détail. Parfois insignifiant mais sautant aux yeux malgré tout, parfois tellement extravagant qu’il est permis de se demander si Fanaka ne prenait pas quelques substances illicites durant le tournage.
Mr. T, d’apparence sobre au début, fini par adopter des tenues de satin doré comme s’il se prenait pour le génie d’Aladin, se promenant continuellement avec une lampe orientale d’où sort une fumée mauve. Une gimmick qui fonctionne peut-être pour du catch, mais certainement pas pour de la boxe. Le neveux de trois ans de Too Sweet n’est clairement pas un “acteur enfant” mais un simple bambin placé devant la caméra, et faisant alors un peu n’importe quoi car n’ayant pas conscience qu’il est dans un film (il faut le voir imiter avec son doigt le couteau que brandit un gangster sous son nez, dans ce qui doit être la plus adorable prise d’otage que j’ai jamais vu). Un policier menacé par les sbires de Half Dead se fait dessus et supplie les criminels de le laisser partir au toilette.
Ruday Ray Moore, le légendaire interprète de Dolemite, vient faire une apparition surprise, tout comme le véritable boxeur Archie Moore dans son propre rôle. Mr. T joue Mr. T et semble littéralement tuer Half Dead à la fin du film, hors champ, avant de revenir comme une fleur sur le ring pour fêter la victoire de son poulain. “Je vais te tuer” dit-il à un Ernie Hudson agonisant, “Je vais briser chaque os de ton corps”. Héroïque.

 

 

Une scène à la limite du sexisme montre Too Sweet et son entraineur Hezzikia sortir au nightclub pour draguer. Alors que le vieil homme tombe sous le charme d’une jeune femme, il fini par la demander en mariage. S’ensuit une dispute nocturne car le belle refuse, choquée par la proposition. La bande fini par réveiller tout le quartier et la situation aurait pu s’envenimer si les habitants n’avaient pas reconnu Too Sweet, que tout le monde considère comme un héros. Subitement c’est l’overdose de bonheur et de bons sentiments, tout le monde s’encourage et s’applaudit, et la jeune femme fautive prend sur elle de retourner dans les bras de celui qui pourrait être son grand-père, tout en s’excusant !
C’est franchement limite, et voir Too Sweet partir s’éclater en boite alors qu’il est censé pleurer le sort de sa bien-aimé n’est pas ce qu’il y a de mieux pour faire ressortir l’empathie. Dans le même ordre d’idée je pourrais évoquer la fameuse scène du viol où, quelques instants avant les faits, Too Sweet presse sa compagne pour s’envoyer en l’air avec elle malgré ses réticences. Vient alors le moment où celle-ci, convaincue, ose tout de même lui avouer être restée vierge rien que pour lui pendant toutes ces années. Deux secondes plus tard, c’est le drame. Un viol n’a évidemment pas besoin de ce “rajout” pour paraître horrible, mais il y a là clairement une volonté de rendre l’acte encore plus abominable et précisant spécifiquement que la victime n’a pas la moindre expérience sexuelle et voulait garder cet instant spécial jusqu’au bout. En plus de ça, quiconque a vu Penitentiary se rappellera que Too Sweet, de son côté, n’a pas hésité une seule seconde pour s’amuser dans le lit d’une prostituée.

 

 

Bref, je pourrais continuer longtemps à lister les choix étranges fait par Fanaka. Le fait de reprendre quasiment plan par plan le combat entre Too Sweet et Half Dead dans un lieu clos et réduit, le fait qu’il ne se passe littéralement rien entre les deux matches importants du championnat, ni montage d’entrainement, ni discussions, juste une petite scène montrant l’appréciation du public pour Too Sweet et rien d’autre. Mais le plus aberrant dans tout ça est l’excuse, ou plutôt l’absence d’excuse, pour justifier le titre du film.
Penitentiary II marque donc un retour en prison. Non seulement ça mais un retour dans le centre pénitencier du premier film. Comment Too Sweet peut-il remettre les pieds là-bas alors qu’il est en conditionnel en plus d’être compétiteur dans un championnat de boxe international ? Tout simplement en faisant en sorte que lui et Jesse s’affrontent non pas dans une salle de spectacle agréée, mais dans le milieu carcéral. Comme ça, sans raisons. Là où les matches de Penitentiary se déroulaient uniquement entre détenus, avec les autres prisonniers et les gardes pour seuls spectateurs, et avec des récompenses probablement à la limite de la légalité, ceux de Penitentiary II sont retransmis en direct à la télévision. Le public se constitue aussi bien de détenus que de visiteurs lambda, ce qui inclut la sœur de Too Sweet et son tout petit garçon, sans la moindre barrières ou séparations entre eux. Pas d’armes chez les surveillants, mais pas d’agressivités non plus chez les criminels, tout le monde semble être là pour s’amuser et le directeur est même remercié pour avoir “prêté” ses locaux ! En considérant cela, il faut aussi prendre en compte que Jesse “The Bull” Ramos, criminel en prison depuis des années, chef d’une petite mafia et responsable d’un assassinat, est un participant officiel du tournois. Peu importe ses antécédents, il est donc libre de combattre à sa guise et de devenir le champion du monde s’il venait à vaincre Too Sweet et ses adversaires.

 

 

Penitentiary montrait des matches se déroulant dans l’anarchie la plus complète, simple prétexte pour permettre aux détenus d’évacuer leur trop-plein d’énergie. Les prisonniers partaient s’envoyer en l’air en cachette dans les toilettes et les travelos hystériques hurlaient à plein poumons. Ici l’ambiance est festive, tout le monde écoute l’hymne national avec la main sur le cœur et personne ne vient interrompre le bon déroulement de l’évènement. Par deux fois apparaît un détenu nain qui, au cours des combats, récupère l’argent des paris avant d’interpeller une spectatrice au hasard pour lui demander ses faveurs, comme si elle était une prostituée. Et croyez-le où non, elles acceptent ! Le couple va alors s’envoyer en l’air sous ring, pour jouir au moment même où Too Sweet vient à bout de son adversaire.
Un commentateur transporté par la performance du héros se met à ponctuer chacun de ses coups par un “I believe !” enjoué, avant de partir dans un rire nerveux et d’en rajouter une couche en dépit du bon sens. “I believe in America ! I believe in motherhood ! I believe in apple pie !”. J’ignore totalement ce qui est monté à la tête de Jamaa Fanaka à ce moment, mais ce que je peux vous dire ce que ça n’est jamais vraiment redescendu ! Car tout ceci, le nain, ce détenu joueur de saxophone, l’utilisation d’une machine à fumée pour donner un aspect cauchemardesque à l’antagoniste, et même les tenues bling-bling de Mr T., seront autant d’éléments qui se retrouveront amplifiés dans Penitenciary III, l’ultime volet de la saga, cette fois produit sous l’étendard de la toute glorieuse Cannon. Une conclusion ahurissante à la trilogie, où se mêlent donjons médiévaux et nains cannibales. Oui, sérieusement. Même Street Wars, dernier film du réalisateur qui n’a aucun rapport avec la franchise, s’enlisera dans un délire incroyable avec cette bande de vigilantes chassant le dealer de drogue en ULM !

 

 

Ici la confusion subsiste jusque dans le casting, qui ramène beaucoup de personnages de Penitentiary, parfois sans raison et parfois sans les acteurs originaux. Leon Isaac Kennedy, bien sûr, reprend le rôle de Too Sweet. Donovan Womack revient dans celui de Jesse Amos, mais vu le temps de présence ridicule qui lui est accordé, avec à peine une ligne de dialogue véritable, on est en droit de se demander pourquoi il n’a pas été remplacé. Son retour apparaît vraiment comme un gâchis tant on passe à côté du protagoniste. Dans un registre encore plus anecdotique revient Wilbert “Hi Fi” White dans le rôle de Sweet Pea, mémorable leader des prisonniers travestis. Celui-ci n’avait qu’un rôle extrêmement secondaire dans Penitentiary, celui de chauffeur de salle, mais restait en tête grâce à un physique et une voix mémorable. Il refait ici la même chose, mais pour deux séquences si brèves qu’elles auraient autant être pu coupé du film.
En revanche quatre autres personnages sont ici incarnés par de nouveau acteurs. Le directeur Arnsworth et son beau-frère Sam, ce qui n’est pas un problème tant leur présence est pratiquement réduite à de la figuration. Half Dead est ici joué par rien de moins que Ernie Hudson, surtout connu pour ses rôles dans Ghostbusters et The Crow. L’homme a déjà fait plus d’une fois des rôles de vilains, notamment dans The Substitute et Shark Attack où il est la tête pensante derrière de petits réseaux criminels. Ici les choses sont un peu différente puisqu’il reprend avec exactitude le rôle tenu par Badja Djola, facilitant la transition. Il est cependant indéniable que leur différence de physique reste flagrante, car s’il paraît normal que le personnage soit maintenant chauve et rasé de près en raison de sa cavale, Hudson possède un corps un peu plus empâté et paraît bien moins puissant que le colosse tout en muscle du premier volet. Sans parler de la dentition.

 

 

Beaucoup plus problématique est le cas Hezzikia, autrefois un vieillard aimable au physique frêle, qui apparaît ici comme un homme bien en chair et disposant d’une incroyable barbe blanche. Une nouvelle apparence pour le moins dérangeante car ne reflétant pas du tout ce côté vénérable qui ressortait de lui autrefois. Non seulement ça, mais le scénario ne suit pas ce qui avait été mis en place précédemment, où l’entraineur devait se confronter à un monde qu’il ne connaissait absolument pas, avec l’aide de Too Sweet pour supporter ce quotidien si différent de celui auquel il était habitué. Dans Penitentiary II, il surgit de nulle part et semble n’aider Too Sweet dans sa quête sportive que parce qu’il n’a rien d’autre de mieux à faire. Autant dire qu’il s’agit là de deux versions totalement différente et presque contradictoire du personnage.
Mr T. fait du Mr T. mais son personnage n’a aucune balance. Il apparaît parfois agressif à la manière d’un Clubber Lang, étalant sauvagement un adversaire ayant apporté une lame de rasoir en plein combat, ou proche de son image de marque tout public, apparaissant dans les vêtements les plus hilarant qu’il soit et distillant de bons conseils. Enfin notons la présence de Tony Cox, le nain Black de Bad Santa (et Ghoulies IV !), que personne ne s’attendait à voir ici.

 

 

Si Penitentiary II vous donne l’impression de n’avoir aucun sens, c’est parce qu’il n’en a pas. Il ne s’agit que d’un brouillon de séquelle, sorte de patchwork où se mêlent non seulement plusieurs idées, mais carrément plusieurs pistes d’intrigues différentes qui auraient pu être creusées par l’auteur. Ni véritable successeur de l’original, ni film d’action au rabais, ni même mauvais clone de Rocky, cette séquelle est un ratage sans appel qui ne doit probablement son existence que parce que Jamaa Fanaka a voulu refaire un film techniquement mieux foutu que le précédent. Heureusement, le nombre de bizarreries qui défilent à l’écran relève le niveau et confère à l’ensemble un aspect irréel qui permet amplement de tenir jusqu’au générique de fin.
Certains n’aiment pas que l’on utilise le mot “nanar”, mais il définit parfaitement Penitentiary II. Un mauvais film sympathique, une production indéfendable en tant que telle, mais qui remporte notre adhésion tant ce qu’elle met en scène prête à sourire. Et d’ailleurs nombreux sont ceux qui préfère cette suite à son modèle, certes plus réaliste, mais aussi plus ennuyeux. Personnellement, je considère les deux œuvres comme tellement différente l’une de l’autre qu’on ne peut absolument pas les comparer. Et de toute façon, le pire – ou peut-être le meilleur – reste à venir avec Penitentiary III. Un DTV tellement fou que Penitentiary II n’apparaît finalement que comme un film de transition !

 

11 comments to Penitentiary II (1982)

  • Roggy Roggy  says:

    Un ersatz de “Rocky II” avec Mister T, mais que demande le peuple ? Juste à voir ce petit dtv nanardesque…

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Totalement, et il est trouvable généralement pour une poignée de centimes chez les Cash Converter et autres magasins de revente qui bradent les DVD. En revanche, la version DVD possède une allure presque pirate avec une horrible couverture faite en 4ème vitesse, et utilise le titre de… Penitentiary 2 !

  • Yann Letellier Yann Letellier  says:

    Mais c’est quoi ce truc !!!?

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      De la Blaxploitation “nouvelle vague” réalisée par un mec, hum, un peu excentrique pour rester poli 😃

  • Eric Solidnikoff Eric Solidnikoff  says:

    Ca doit être du lourd! Et dire que je n’en soupçonnais meme pas l’existence…

  • Xavier Desbarats Xavier Desbarats  says:

    Excellente trilogie. Peut-être pas par sa qualité technique, mais, mais pour son sous texte politique, revendiqué maladroitement mais fièrement par son réalisateur.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      “Maladroitement mais fièrement.” C’est ça ! C’est exactement ça !

  • Otto Rivers Otto Rivers  says:

    Dans le 3 il y a un mini Mister T bien vénère: Mini-ster T.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Oui, un nain bodybuildé qui castre les gens avec ses dents joué par un mini-catcheur de la WWF 😉

      • Otto Rivers Otto Rivers  says:

        Adrien oui exactement, il bouffe un rat cru il me semble aussi/ 😕

        • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

          Sans doute, plus trop de souvenirs ! Il fume des joints aussi je crois, et vers la fin il devient un mini-entraineur pour aider le héros 😃

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