Nemesis 4: Cry of Angels (1996)

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Nemesis 4: Cry of Angels

(1996)

 

Say ten Hail Marys and go to Cyborg Hell

 

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Ah là là mais qu’est-ce qui c’est passé ? Enchainer directement le premier Nemesis avec ce quatrième opus sans rien connaître de l’évolution de la série donnera l’impression d’assister à une grosse blague tant les valeurs de production sont diamétralement opposées. L’explication se résume bien sûr en un seul mot: budget. Non pas que le film original avait coûté bien cher, mais au milieu des années 90 les choses ont bien changées pour le cinéma de genre, et si les petites séries B pouvaient autrefois se frayer un chemin en salle malgré leurs scories, elles errent désormais au rayon vidéo avec de moins en moins de support de la part des grands studios. Par exemple la Full Moon de Charles Band prit un coup dans l’aîle après le retrait de son distributeur, la Paramount, et ses projets perdirent aussitôt en ampleur. Dans ce chaos de nombreuses petites sociétés de production naquirent et périrent dans l’indifférence total, accelérant l’implosion du cinéma d’action, d’horreur et de science-fiction en saturant le marché avec des œuvres toujours plus cheap.

 

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Nemesis 4 plus que tout autre représente bien cette époque, puisque son existence même découle d’un remue-ménage bordélique au sein de plusieurs compagnies associées. Si le résultat final est toujours présenté sous la bannière Karnowski / Schmoeller comme pour les deux volets précédents, la Imperial Entertainment de Nemesis 1 se retrouve également crédité pour l’occasion, les droits de la franchise étant sans doute partagé, et le scénario lui-même possède son propre copyright car provenant d’un troisième parti, la Sweetridge Company. Un script intitulé non pas Nemesis 4 mais Angel Cry. Inutile d’expliquer la combine: pressé par un calendrier de tournage ridicule (cinq jours en tout est pour tout !) le réalisateur a recyclé une intrigue écrite à l’origine pour un banal crime drama et l’a remanié en vitesse pour l’adapter à son univers cybernétique. Ce qui signifie donc que cette séquelle n’est pas du tout celle qu’il avait teasé à la fin de Nemesis 3 et que conclusion attendue de la série n’a finalement pas lieu.

 

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A la place Albert Pyun choisi de donner une sorte d’épilogue à sa saga, proposant une intrigue exclusivement centrée sur le personnage initiateur (mais déjà maintes fois transformé à la demande des producteurs) d’Alex, cette héroïne censée sauver l’humanité du joug tyrannique des cyborgs. Le concept est simple: quel genre de vie peut-elle avoir en temps de paix alors que son existence toute entière était dédié à la guerre ? Malin, il reprend à son compte une histoire minimaliste à propos d’une tueuse à gage en fin de carrière qui commence à perdre la main et multiplier les erreurs. S’il ne fait aucun doute que la version originale se déroulait dans une époque contemporaine et proposait des personnages humains travaillant pour un quelconque syndicat du crime, la nouvelle mouture change le contexte de façon assez naturelle et effective en plus de garder l’atmosphère nihiliste que la série possède en filigrane.

 

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Nous sommes en 2080 et le conflit entre humains et cyborg est désormais terminé, mais il n’y a pas de véritables vainqueurs et les deux races coexistent tant bien que mal. N’ayant plus leur place dans ce nouveau monde, des soldats de chaque camp se sont tournés vers les milieux criminels ayant émergé et Alex est devenu une assassin professionnelle. Sa bonne nature demeure et elle ne tue que des criminels, mais avec le temps cette vie a fini par la corrompre corps et âme, et après treize ans de service elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle s’est modifiée avec de nombreux implants et ne ressemble plus à ses pairs mutants (d’après la narration, à l’écran l’actrice demeure la même faute d’effets spéciaux), et son esprit s’égard, la rendant moins efficiente. Son employeur lui demande alors de prendre sa retraite avant qu’il ne soit trop tard et lui donne une dernière cible à abattre avec un avertissement: que le travail soit fait correctement, sans quoi il sera contraint de la faire disparaître pour protéger son business.

 

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Évidemment Alex va se faire attaquer par son propre contact sitôt la mission accomplie, sous prétexte qu’elle a exécuté la mauvaise personne. Bientôt elle se retrouve avec tout le monde sur le dos: ses collègues, pour faire le ménage dans leurs rangs, le père du défunt, parrain d’une grande mafia qui réclame vengeance, et d’autres chasseurs de primes appâtés par la mise à prix de sa tête. Même la tueuse légendaire Mother serait à ses trousses. Blessée durant une confrontation et n’ayant plus grandes raisons de vivre, la mutante va hésiter à se laisser faire et seule sa curiosité sur la situation va la pousser à leur échapper. Car même en cas d’erreur de sa part, la nouvelle s’est propagée est un peu trop rapidement à son goût et demeure la forte possibilité qu’elle a été trahie. Perdue, traquée et assaillie de visions où un Ange de la Mort la guette, Alex va livrer sa dernière bataille non pas pour sauver le monde mais pour se sauver elle-même, avec à ses côtés une figure honorable au nom familier…

 

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Sur le papier cette ultime aventure ferait plutôt envie en plus de boucler la boucle avec Nemesis premier du nom. Car Alex – ici formellement identifiée comme Alex Sinclair – se retrouve globalement dans la même position que son prédecesseur Alex Rain au début du film original. Un être tourmenté dans sa chair comme dans son esprit, seul contre tous, mais qui retrouvera un peu d’humanité au contact d’une personne plus noble (Max et Johnny Impact, l’un étant sans doute le fils de l’autre). Une façon pour Albert Pyun de revisiter encore et toujours les mêmes thèmes, ce qu’il fit tout au long de sa longue aventure cyberpunk (Cyborg, Knights, Nemesis, Omega Doom) et même à travers d’autres films (le thème de l’assassin au bout du roulot fut repris et amélioré l’année suivante avec Mean Guns). Hélas à l’écran c’est autre chose et le spectacle est tellement à la ramasse qu’il fait peine à voir. Il faut dire que le metteur en scène dû gérer les choses pour pas un rond en parallèle du tournage de Adrénaline avec Christophe Lambert.

 

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Il est bien possible que Pyun accepta ces conditions juste pour faire ses adieux à Nemesis, un projet passionnel pour lui, même s’il convient de rappeler qu’il réalisait hâtivement tous ses films, ne voulant jamais s’attarder sur une scène plus que de nécessaire. C’était un peu sa patte et cela lui permettait de conserver une certaine énergie dans sa mise en scène, donnant plus d’impact à l’ensemble grâce à cette précipitation. Mais on ne pourra pas dire qu’il s’en est si bien sorti ici, le résultat paraissant aussi confus, rafistolé et trainant de la patte qu’Alex. Aussi simple que soit l’intrigue, les tenants et aboutissants de sa dernière mission restent difficiles à comprendre et n’ont pas vraiment de sens (il s’agit à la fois d’une erreur de sa part et d’un piège monté contre elle), les effets spéciaux limités apportent leurs lots de problèmes (des cyborgs ressemblant à des mutants à peau de lézard, une mutante qui ressemble à une simple humaine) et le lieu de tournage – un quartier en ruine d’Europe de l’Est – tranche avec l’ambiance futuriste recherchée.

 

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Plus problèmatique est le rythme mou, soporifique, de l’ensemble, alors que la durée dépasse à peine les 70 minutes. Les séquences s’enchainent répétitivement (par trois fois l’héroïne rencontre à un adversaire avec qui elle flirte dans une ruelle déserte avant de le neutraliser) et la sous-intrigue à base de visions de l’Ange de la Mort laissent un peu perplexe puisque le twist est grillé  dès lors que Mother est évoquée. A cela se rajoute quelques effets digitaux risibles comme l’explosion d’un hélicoptère en plein vol, la lassitude de la musique qui joue en boucle les trois mêmes pistes repiquées à Nemesis 2 et 3, et quelques oublis de réécriture qui se font bien ressentir (dans un monde post-apocalyptique le FBI existe toujours). Et puis tout simplement, il n’y a pas la moindre scène d’action. Le premier volet se réclamait de l’actioner hong kongais et les deux autres proposaient quelques cascades et fusillades sympathiques (brièvements) supervisées par le créateur de John Wick, Nemesis 4 n’a strictement rien hormis quelques exécutions sommaires.

 

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Comprenez que lorsque l’on vous dit que ce quatrième opus est cheap, ce n’est pas juste une description générale. Il est cheap à tous les niveaux, et il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Même la direction des acteurs paraît avoir été mise de côté tant tout le monde ou presque joue comme un cochon. Il y a quelques exceptions mais le spectateur lambda n’y prêtera aucune attention à force d’être noyé sous un déluge de dialogues contemplatifs. Dommage car il est clair que Pyun tente la philosophie, ses assassins se questionnant sur la nature de leurs actions, et entre ça et la nudité constante de l’actrice principale, on se dit qu’il fut très inspiré par Ghost in the Shell, qui venait juste de sortir et proposait ce qu’il voulait faire à l’origine dès le premier Nemesis. L’Ange de la Mort, figure observatrice de la déchéance d’Alex, possède un côté très Mamoru Oshii dans l’âme, et comme si l’influence n’était pas assez évitente, le respectable Johnny Impact débarque dans l’affaire habillé comme un étudiant japonais.

 

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De bonnes intentions ne suffisent pas toujours cependant et il sera difficile de recommander cette œuvre qui échoue sur toute la ligne. Reste le body horror, récurrent dans ce monde transfiguré où l’espèce humaine semble être divisé en plusieurs sous-groupes, avec des effets mécaniques pas extraordinaires mais intéressants et créatifs: les cyborgs peuvent changer leur bras en de grosses patounes griffues de monstres, un mafieux étranglé vomi une masse gélatineuse mouvante qui va attaquer l’agresseur, l’un des antagoniste possède une main-pistolet organique façon Vidéodrome, et une scène de « cyberfucking » montre l’érection non pas d’un pénis mais d’une sonde métallique qui surgit du ventre d’un type pour pénétrer dans le thorax de sa partenaire, laquelle révèle un trou béant en faisant fondre sa peau pour l’accueillir. Quant à Alex, en apparence toujours normale, elle possède des cicatrices métalliques sur le visage, saigne bleu et possède d’énormes seringues cachées dans ses seins, lesquelles sortent par ses tétons pour empaler par le crâne entier d’un pauvre pervers.

 

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Toujours jouée par la bodybuildeuse Sue Price, le personnage exhibe plus que jamais sa musculature impressionnante en se promenant toute nue pendant la totalité du film. Heureusement le réalisateur n’oublie pas d’en faire une badass et lui offre quelques moments de bravoures avant la fin: elle dégomme un hélicoptère avec un flingue, surprend un tueur en se la jouant Basic Instinct, écrase la tête d’un cyborg si fort avec ses grosses cuisses qu’elle lui fait ressortir les yeux de ses orbites, et n’hésite pas à cautériser ses blessures avec un allume-cigare. On regrettera quand même les dreadlocks et les vêtements tribaux, l’actrice ayant un physique si typé qu’elle à l’air moins à son aise avec de longs cheveux blonds et une petite robe blanche comme dans la vie de tous les jours, mais ce relooking semble être volontaire pour contraster son apparence avec l’Ange de la Mort. A ses côtés ce pauvre Andrew Divoff en est réduit à réciter ses lignes dans son coin, filmé à part dans une pièce obscure faute de temps.

 

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Cela ne l’empêche pas d’être le meilleur de tout le casting grâce à son étrange accent et l’émotion retenue mais sincère qu’il donne à son personnage, et ce même s’il est affublé de lunettes aux verres teintés cachant ses yeux braqués sur le script qu’il se contente de lire. Si cela passait crème à l’époque VHS, l’image du Blu-ray est si limpide qu’elle révèle la supercherie ! Également présent les revenants Nicholas Guest (Nemesis 1, Knights, Kickboxer 4) et Norbert Weisser (Nemesis 3, l’un des Norvégiens de The Thing) en cyborgs reptiliens dont l’un raconte avoir été autrefois violé par une bande d’androïdes heavy metal. Simon Poland (Omega Doom, Le Masque de la Mort Rouge version 1989) se montre si charismatique dans le rôle d’Impact qu’il est déplorable que celui-ci soit très secondaire et que sa romance avec Alex soit juste mentionnée en coup de vent. Quant à l’Ange de la Mort, elle est incarnée par une Blanka Copikova qui fut récupérée du tournage d’Adrénaline où elle n’était qu’une simple figurante.

 

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Triste conclusion quand même, et Albert Pyun ne cessa jamais d’espérer finir correctement sa saga, travaillant sur un ultime opus vers la fin de sa vie qui aurait également ramené des éléments de Cyborg. Sa maladie l’en empêcha et on ne verra sans doute jamais les quelques scènes qu’il a mis en boite à l’aide de fonds verts, comme il avait tendance à en abuser dans la dernière partie de sa carrière (Road to Hell, Tales of an Ancient Empire), mais nul doute que le résultat aurait quand même piqué les yeux. Un Nemesis 5 existe bel et bien, et Sue Price y fait même une apparition, mais la chose est plus un fanfilm qu’autre chose, conçu sans l’implication de Pyun par Dustin Ferguson, un spécialiste du gros Z infâme comme Amityville in the Hood et cet improbable Zombi VIII: Urban Decay. Inutile de trop s’y attarder donc, et prière de ne pas non plus faire attention à ce Nemesis: Death Angel qui n’est pas une séquelle alternative mais un simple retitrage, de la même manière que Nemesis 3 passe de Time Lapse à Prey Harder au hasard de ses éditions…

 

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