Cyber Tracker (1994)

 

Cyber Tracker

(1994)

 

I’ll give you a lead enema !

 

 

Cyber Tracker, on le connait tous. Si vous ne l’avez pas subi personnellement, vous l’avez forcément croisé quelque part, le film étant une sorte de mauvaise herbe de cash converter ou de bac à soldes: quoilqu’il arrive, vous en croiserez toujours un ou deux sur votre chemin. Ceux qui en on fait l’expérience en viennent généralement à la même conclusion: ce truc est chiant comme la mort. Ce qui est probablement l’un des pires crimes qu’un DTV peut commettre à l’encontre de son public, puisque le manque d’originalité ou de talent peut être pardonné si le résultat reste fun ou si mauvais qu’il provoque le rire. Pas question de ça ici malheureusement, la chose étant un produit manufacturé avec pour unique objectif de combler les trous dans les grilles de programme de quelques chaines câblées. D’emblée l’idée étant donc de tuer le temps et de laisser le spectateur le soin de zapper ou de prendre son mal en patience en attendant la fin de la diffusion. Un exercice auquel est rôdé le scénariste, Joe Hart, responsable de quelques uns des pires films de la compagnie productrice (Le Cercle de Feu III, Rage, Repo Jake), la pourtant sympathique PM Entertainment.

 

 

A sa décharge celui-ci est aussi capable de bonnes petites choses quand il le souhaite (Steel Frontier, T-Force) et s’il a certainement écrit le présent scénario en pilote automatique, il laisse à l’occasion ses bons côtés refaire surface le temps de quelques gags ou trouvailles amusantes. Trop rarement hélas, et jamais mis en avant par le réalisateur – le boss en personne, Richard Pepin, qui produit comme toujours avec son associé Joseph Merhi mais aussi avec sa star, Don “The Dragon” Wilson, qui investi quelques dollars dans le projet afin de maximiser ses revenus. Capable du bon (Hologram Man) comme du pire (Dark Breed), le cinéaste se contente ici de remplir son cahier des charges à la lettre sans grand entrain, n’offrant à son public que le strict minimum. Tout le contraire de son Firepower tourné l’année précédente, bien plus généreux en action, rebondissements et en gadgets futuristes. Car oui, Cyber Tracker se déroule bien dans un avenir dystopien même si c’est difficile à croire au premier coup d’oeil: les voitures, costumes, coupes de cheveux et accessoires sont tous typé 90s et le panaroma n’a subit aucun ravalement de façade.

 

 

Dans cette amérique “lointaine” secouée par le crime (la Maison Blanche aurait été brûlée), le gouvernement a fini par fusionner avec une entreprise technologique, Cybercore, afin de mieux s’équiper face à cette menace, développant un système jurique entièrement informatisé qui prend seul les décisions afin d’aller plus vite. Pour exécuter les sentences ont été créé des robots quasi indestructibles grâce à la peau synthétique qui les recouvre, les Core Trackers, qui poursuivent et exécutent leurs victimes où qu’elles se trouvent. Autant dire que l’opinion publique n’est pas franchement favorable envers ce nouveau système, et un groupe de terroristes projette bientôt d’assassiner le sénateur responsable de la situation. Celui-ci est sauvé grâce à l’un de ses agents de sécurité, un nouveau venu qu’il va vouloir engager dans sa garde personnelle, mais il se révèle être un politicien corrompu qui assassine secrètement ses opposants avec la bénédiction du chef de la police et du directeur de Cybercore. Quand son ange gardien refuse de marcher dans la combine, il le fait passer pour un meurtrier et déploie un Tracker afin de s’occuper de son cas…

 

 

Le fugitif va évidemment faire alliance avec les rebelles pour détruire les androïdes et faire tomber les oppresseurs, et PM Entertainment oblige, tout cela est régulièrement ponctué d’échanges de coups de feu et de poursuites en voitures afin de maintenir l’audience éveillée. Le problème c’est qu’ici cela ne suffit pas, le film étant victime d’une sorte de mollesse générale qui vient sapper les efforts du metteur en scène et d’un manque d’originalité flagrant qui n’aide en rien. Le script se contente de pomper RoboCop et Terminator 2 ici et là et n’ajoute aucune touche personnelle à l’ensemble. Du coup difficile de différencier ce Cyber Tracker de ses semblables, très nombreux à l’époque, et difficile de lui trouver le moindre intérêt. Même le facteur “nanar” tant recherché par certains est absent, à l’exception des certains dialogues (“I can’t live my life waiting for you to walk through the door dead or alive”) et de la musique décalée, surtout lorsque résonne ce thème ultra dramatique avec ces choeurs incroyables lors de simples échanges de coups de poing peu spectaculaires.

 

 

Léthargique et convenu, Cyber Tracker ne se fait aucune faveur et se noie dans la masse des DTV génériques, produits à la pelle et tous similaires, comme les cinquante Bloodfist dans lesquelles apparaissait également The Dragon. Pire: il se tire parfois une balle dans le pied volontairement, en témoigne la présence de Richard Norton – qui vole la vedette à Don Wilson dès qu’il s’agit de se montrer menaçant ou de frapper quelqu’un – dont Pepin ne fait absolument rien, ne lui donnant que deux moments de bravoure au tout début et à la toute fin. Entre chacun, il attend et s’emmerde grave, comme le spectateur. Les explosions d’hélicoptères et les poursuites en parking silo n’y changeront rien et il faudra une volonté de fer pour s’intéresser à ce qui se passe à l’écran et trouver les trouvailles rigolotes et intéressantes qui émergent à l’occasion. Et il y en a plusieurs, c’est ça le pire ! Comme lorsqu’un Tracker rencontre un robot de décoration dans un bar et le scanne pour l’identifier, son moteur de recherche affichant quelques références reconnaissables (Gort, T-1000, TX 1138, YM-3).

 

 

Un bar malfamé propose un hologramme défaillant pour accueillir ses clients, le héros a une IA personnelle qui lui raconte sa journée comme le ferait une femme au foyer, expliquant avoir papotée avec Mary 6000, l’IA du voisin, et il peut la rendre virtuellement ivre afin qu’elle l’accompagne lorsqu’il se prend une cuite. La meilleure scène du film montre le gérant de Cybercore discuter mondainement avec ses alliés avant d’étranger sa propre serveuse pour leur montrer toute l’étendu de sa domination sur ses employés, monologuant à propos de la supériorité des puissants sur les masses et de l’emprise des décisionnaires sur les moutons… Puis il retire le visage du cadavre qui s’avérait être un androïde ignorant apparemment tout de sa véritable nature ! Une séquence plutôt bizarre et bien foutu qui fait résonne lors de la conclusion du film, où le sénateur enfin abattu se révèle avoir lui aussi été un robot sans même le savoir. Il y a aussi une ébauche de discours sur les dangers d’une société automatisée et d’une population désensibilisé à la violence, preuve que Joe Hart à sans doute vu Blade Runner et d’autres classiques de la SF d’anticipation.

 

 

Enfin les Trackers ont leur moment, même s’ils sont loin d’être aussi cool qu’un Frank Zagarino dans Project Shadowchaser. Tous incarnés par le même acteur avec le même look (un grand chauve en blouson de cuir), ils ont pour eux d’être de véritables machines dépourvues de la moindre individualité, se présentant à leurs cibles sans jamais prendre en compte ce qu’elles peuvent avoir à dire. A la manière de RoboCop ils possèdent un pistolet caché à l’intérieur de leur cuisse et ils déchirent simplement un morceau de leur pantalon pour le faire sortir, l’arme fusionnant à volonté avec leurs corps. Les balles ricoches sur leurs crânes lisses durant les fusillades, une unité défectueuse confond les cibles hostiles et celles inoffensives, et une autre défonce un stand de hot-dogs avec un flingue dans chaque main façon John Woo. La scène du commissariat de Terminator est reprise chez les resistants avec quelques exécutions sommaires assez surprenantes, des corps ejectés en arrière sous l’impact des armes à l’aide de câbles, et on peut compter sur quelques instants cybernétiques forcément cool.

 

 

Citons un bras robot coupé par un tir à bout portant, les yeux synthétiques des Trackers à leur réveil avant qu’ils ne prenennt une apparence plus humaine, un visage à moitié déchiré par une explosion qu’une fonction régénérente permet vaguement de réparer, et surtout un corps en charpie après un crash avec un camion, forcément piqué au premier Terminator. Le plus fou est sans doute la façon dont The Dragon se débarasse du dernier zozo, trouvant inexplicablement le moyen de lui faire implater une bombe à l’intérieur du corps en poussant l’objet contre sa peau synthétique qui l’absorbe entièrement. Si seulement Cyber Tracker avait fait l’effort de se montrer ainsi plus souvent, il aurait fait une agréable série B divertissante dont on se souviendrait avec bien plus d’affection. Las, ces moments sont courts et distribués au compte-goutte, pratiquement impossible à relever à moins de prêter grande attention film – ce qui, avouons-le, est impossible. S’il vous fallait absolument votre dose d’actioner cybernétique discount, autant en rester à Automatic avec Olivier Gruner, ou au premier Shadowchaser.

 

 

Reste le casting, pas fameux mais qui compte quand même quelques têtes connues susceptibles de séduire. Outre Don “The Dragon” Wilson et Richard Norton, on retrouve le sévère Joseph Ruskin (Firepower, King Cobra) qui n’a jamais besoin de trop forcer pour paraître vicieux, Jim Maniaci (Automatic, Timebomb), qui prête son physique musclé aux androïdes, et même l’un des chasseurs de vampires de John Carpenter, Thomas Rosales Jr., en petite frappe vite exterminée et même pas crédité au générique. Enfin John Aprea, vu dans Bullitt et Le Parrain 2 au début de sa carrière, puis chez Andy Sidaris un peu plus tard, incarne presque trop bien le sénateur fou comme s’il avait quelque chose à prouver. Mais leur présence à tous ne sauve pas les meubles, et tel cet hilarant épilogue où le grand vilain croit s’en être sorti impunément, se prélaçant à la plage avec deux bimbos avant de découvrir avec horreur qu’un Tracker l’a retrouvé, le spectateur survivant – qui aura juré ne jamais revoir le film – risque d’avoir une fort mauvaise surprise en découvrant qu’un Cyber Tracker 2 existe, tout aussi nul que son aîné, et tout aussi disponible en abondance dans la nature…

 

 

 

GALERIE

 

       

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