Mad City (1988, Famicom)

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Nintendo Family Computer

Mad City

(1988)

 

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Développé par Konami à la fin des années 80, The Adventures of Bayou Billy est un jeu universellement réputé pour sa difficulté, ne laissant guère de bons souvenirs à ceux qui le tentèrent à l’époque. Seulement voilà, cette version se trouve être bien différente de l’original japonais, Mad City (ou マッド • シティ, ce qui veut dire la même chose en mauvais anglais et se traduit grossièrement par Maddo•Shiti, avec un étrange point entre les deux mots), que l’éditeur américain recalibra un peu n’importe comment et en dépit du bon sens. Car si Bayou Billy est terriblement frustrant et ne présente pas grand chose en dehors de l’aventure principale de son héros, Mad City est au contraire fun et propose quelques bêtises amusantes encourageant le joueur à compléter plusieurs parties pour les découvrir. Et la différence n’est pas visible à l’œil nu puisque le gameplay, les graphismes et l’histoire sont pratiquement identiques à l’exception de quelques changements mineurs ici et là.

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C’est donc en terme de contenu et de balance que tout s’opère, et l’air de rien cela montre bien à quel point le moindre détail d’un jeu vidéo à son importance dans le grand ensemble. L’intrigue reste la même: en Louisiane, Billy West, vétéran du Vietnam et sosie éhonté de Crocodile Dundee, entre en guerre contre l’organisation criminelle de Robert Gordon, qui étend de plus en plus sa mauvaise influence sur le territoire. Lorsque le parrain kidnappe sa bien aimée, la jolie Annabelle Luna, l’ancien soldat s’écrit “OH GOD” puis se lance à leur poursuite. Il va devoir se frayer un chemin depuis les marais jusqu’à la grande ville afin de délivrer la prisonnière, affrontant aussi bien la nature que les hommes de main de son adversaire. Un point de départ quasiment similaire à celui de Double Dragon avec un côté Cajun pour l’exotisme promettant de l’action débridée à la manière des films de la Cannon, et c’est justement dans cette direction que s’engage l’aventure puisqu’elle mélange à la fois beat ’em up, rail shooter et combat véhiculaire.

 

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En concevant Mad City comme une grosse série B de vidéoclub, Konami se permet d’intégrer différents modes de jeu histoire de varier les choses et de représenter presque cinématiquement l’odyssée explosive de son héros. Ici il tabasse quelques laquais au milieu des marais, là il fonce à toute allure sur l’autoroute avec sa Jeep, puis il s’engage dans une fusillade en plein centre-ville avant d’infiltrer le repaire du grand vilain. Au total ce sont neuf niveaux qui se divisent en deux poursuites, deux galeries de tir aux pigeons et trois sections de brawler (les stages 3 et 9 comptent à peine puisque servants uniquement aux boss), le joueur alternant régulièrement entre chaque. Le gros du jeu se concentre bien sûr sur le combat et ces sections sont les plus longs et les plus peaufinés du lot. Rien de spectaculaire cependant: Billy doit se contenter d’un coup de poing et d’un coup de pied, avec la possibilité de frapper en plein saut, et affronte des vagues d’ennemis visuellement différents, chacune agissant différemment.

 

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Le joueur dispose de sept segments de vie pour progresser à travers le niveau, même si frapper un adversaire génère occasionnellement un gros gigot servant d’item de soin et que l’on peut dénicher une veste en kevlar qui permet de se protéger des projectiles lancés par les PNJ (balles, couteaux) voir même de briser les bâtons de bois qu’utilisent certains. Et comme dans Streets of Rage et consorts, il est possible de récupérer ces différentes armes pour les utiliser à son tours, Mad City nous permettant même de récupérer les pistolets et d’accumuler les munitions. Sans doute parce qu’il s’agit d’une production Konami et que les créateurs voulaient rendre hommage à Castlevania, l’objet ultime demeure le fouet, qui possède une grande allonge et ignore totalement les armures portées par les vilains les plus résistants. Rien de très sophistiqué, même pour l’époque, et c’est sans doute pour cela que les programmateurs ont essayés de dynamiser un peu les choses avec le level design… du moins lors du premier stage, histoire de bien présenter.

 

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Car dans les marais, Billy doit patauger dans des zones inondées qui ralentissent la vitesse de déplacement, tandis que des alligators gigantesques sortent la tête de l’eau pour essayer de le happer. Des plongeurs peuvent aussi en émerger sans prévenir tandis que des oiseaux de proie attaquent depuis les airs. Il convient donc de faire attention à son environnement, et hélas le concept est abandonné aussitôt que l’on rejoint la ville, pseudo Nouvelle Orléans qui propose de nombreux bar à Jazz et à bourbon, mais pas beaucoup de pièges ou d’obstacle. Tout au plus certains karatéka s’amusent à sauter des balcons pour nous couper la route, mais cela n’a aucun impact sur le gameplay. Arrivé à la plantation de Gordon, on peut au moins citer les chiens de garde qu’un dresseur nous envoi et ces grades du corps en armure high tech, mais rien de plus. On se rattrapera un peu en découvrant, souvent par pur hasard, que notre fouet adoré peut également nous permettre de dévier les balles.

 

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De son côté le mode shooter fonctionne à la manière d’un Operation Wolf, se montrant là encore limité même si l’option d’échanger la manette contre un light gun comme le Nintendo Zapper est appréciable et apporte un petit côté arcade à l’entreprise. Le but était sans doute de forcer les jeunes joueurs à acheter un accessoire supplémentaire, soyons francs, mais de Crypt Killer à Lethal Enforcer, Konami à sa petite histoire avec le genre et il est intéressant de voir ici les graines de ce que la compagnie produira un peu plus tard. Il n’y a pas grand chose d’autre à dire sur le sujet: la caméra se déplace lentement sur la droite tandis et il faut tirer sur tout ce qui bouge, le stock limité de munitions pouvant être augmenté en visant une icône en forme de balle. La veste de protection refait son apparition ici et rend invincible pendant quelques secondes, ce qui est toujours utile pour endurer les rafales, les tirs de bazooka et la dynamite. Court mais effectif, et certains détails sont sympathiques, comme lorsque l’on s’éloigne progressivement de la ville pour rejoindre la région boisée où se trouve la demeure de Gordon.

 

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Les séquences de conduite, elles, ressemblent un peu à Rad Racer, sorti un an plus tôt. Ici le but n’est pas de faire la course ou de rattraper quelqu’un, mais de parvenir à la ligne d’arrivée en un seul morceau. Il faut éviter de s’envoyer dans le décors ou de se crasher dans les obstacles (flaques d’eau ou d’huile, rochers placés au beau milieu de la route, arbres ou poteaux dans les virages), mais aussi de laisser l’ennemi nous ralentir car l’essenced de la voiture défile très vite. Il est possible de tirer et de balancer des explosifs pour se débarasser des importuns, même s’il faut compter tant sur des véhicules blindés que les attaques aériennes d’avions ou d’hélicoptères. Heureusement le joueur dispose toujours d’une barre de vie, contrairement à Bayou Billy, ce qui confère une petite marge d’erreur. Là encore il est possible de repérer quelques trouvailles visuelles, comme la ville dans le lointain qui se rapproche petit à petit alors que l’on commence sa route au milieu de nulle part et loin de toute civilisation.

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Entre chaque section, une même cinématique est répétée, faisant office de narration. Elle montre Gordon provoquer Billy avec une Annabelle toute attachée, l’incitant à venir la sauver. Mais plus le vétéran progresse, plus le parrain perd de son assurance, cessant de sourire et conseillant le héros de faire demi-tour avant de simplement l’insulter en tirant la tronche. Un travail visant à animer autant que possible des images généralement statiques, ce que l’on retrouve dans les autres cutscenes. Les personnages clignent des yeux, leurs bouches bougent lorsqu’ils parlent et les yeux d’Annabelle brillent quand elle regarde son amoureux. Des bulles de BD apparaissent à l’occasion pour simuler les appels au secours de l’héroïne lorsque Billy ne parvient pas à rattraper le camion où elle est enfermée, et le happy end final est très Hollywoodien: libérée de sa prison, la jeune femme saute dans les bras de son homme et les deux échangent un dialogue romantique hilarant de niaiserie avant de s’embrasser.

 

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Une conclusion dont les auteurs de Mad City n’hésitent pas à se moquer via quelques fins alternatives cachées. En pressant Haut et Select lorsque les personnages s’enlacent, le texte change complètement pour devenir un peu plus directe et osé: “Okay, let’s make out” balance Billy, ce que la demoiselle refuse de faire car des gens (les joueurs) les regardent. Devant l’insistance du garçon, elle fini par râler, précisant que ce n’est pas parce qu’il vient de la sauver qu’il peut se permettre d’agir de la sorte. Macho comme jamais, Billy l’ignore et l’emballe quand même, sans doute parce que les programmateurs ne pouvaient pas vraiment créer une autre scène de toute pièce. En Japonais ce changement de dialecte est une sorte de private joke puisque les protagoniste s’exprime alors en Kansai, une sorte d’argot propre à une certaine région du pays, particulièrement la ville d’Osaka. Il est aussi possible de créer l’effet inverse en esquivant le câlin de l’héroïne, puisque l’on contrôle toujours le personnage à cet instant.

 

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Voyant que Billy refuse son affection, Annabelle apparaît seule durant la conclusion, le cœur brisée: Le vétéran s’est en fait barré, la plaquant là, et la jeune femme se lamente sur la fin de leur relation. Enfin, après avoir trollé la demoiselle, le jeu nous piège à notre tours en la présence d’un mode Training, qui comme son titre l’indique propose de nous entraîner aux trois modes proposés. On peut y sélectionner une version très facile de chacun de ces stages afin de se familiariser avec les commandes. Les ennemis sont beaucoup moins nombreux et réagissent à peine, et tout y est beaucoup plus simple. Vaincre ces simulations débloque des items bonus pour la véritable partie, mais attention: obtenir chaque récompense débloque une fausse fin ne montrant rien et où la narration nous incite à recommencer sans ces avantages. Considérant que la difficulté n’est pas aussi monstrueuse que Bayou Billy, la plaisanterie passe sans problème. Et c’est sans doute pour ça que la version internationale l’aura supprimée.

 

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Car en effet la version américaine ne contient que le strict minimum et supprime tout le “superflu” que représentent ces suppléments ainsi que ce petit quizz inutile mais inoffensif qui apparaît si le joueur s’en sort très mal (en mourant et ne continuant pas la partie) ou très bien (en battant le jeu quatre fois). L’écran-titre original, pas vraiment family friendly puisque représentant un revolver, disparaît aussi, même si les autres éléments un peu osés seront conservés: Gordon tenant Annabelle en otage avec un couteau sous la gorge et les illustrations de game over montrant l’ex-soldat être fauché par un tir de mitrailleuse ou agonisant an sol. Sorti un an plus tard, The Adventures of Bayou Billy présente aussi quelques altérations sans importances (couleurs et textes des décors, ajouts de quelques samples audio), parfois amusantes (l’ennemi Thousand Bird, femme musclée et d’apparence masculine, devient A.L. Hurt et change de sexe, bien que le même sprite soit utilisé), parfois bien pensées (Annabelle y troque la robe classieuse pour un mini short et un petit haut court révélant son abdomen, la transformant en bimbo sexy façon ‘Gator Bait).

 

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Hélas des changements plus maléfique ont eu lieu, la difficulté étant augmentée bien au-delà du raisonnable. Les ennemis sont plus fort, plus nombreux, plus résistants, plus rapide, et la Jeep explose au moindre choc. Combattre les alligators dans le marais devient obligatoire malgré l’absence d’armes à longue portée et les sections de tir offrent moins de munitions. Bref, un vrai massacre qui transforme un petit jeu sympa et sans prise de tête en un calvaire insupportable. Estimons-nous heureux que les coupables aient au moins conservés la musique, qui a ce petit côté funky à la Streets of Rage sans en atteindre le niveau, et qui nous gratifie d’un jingle de fin de niveau pratiquement identique à celui de Contra. On aurait pu espérer que justice soit faite en 2015, lorsque le jeu ressorti sur la Wii U, mais il n’en fut rien: le Japon continua de profiter de Mad City tandis que les autres durent se contenter de Bayou Billy

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Heureusement il existe Internet et l’émulation, avec un fichier ROM doté d’une traduction anglaise pour les intéressés. De quoi redorer le blason d’un petit jeu certes parfaitement anecdotique, mais divertissant et transpirant la série B d’action par tous les pores, sorte d’équivalent 8-bits de Lone Wolf McQuade ou de Snake Eater si con qu’il ignore complètement la différence entre les alligators et les crocodiles. Et très franchement, c’est adorable.

 

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GALERIE

 

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