Demolition Man (1993)

 

Demolition Man

(1993)

 

I’ve seen the future. Know what it is ?
It’s a 47 years old virgin drinking a banana-broccoli shake and singing ‘I’m a Wiener’ !

 

Demolition Man fait partie de ces quelques films, comme Predator 2 et dans une certaine mesure Last Action Hero, qui font la synthèse de tout le cinéma d’action des années 80. Si Predator 2 utilisait un casting bien typé contre son chasseur extraterrestre et que Last Action Hero opposait fiction à réalité en utilisant la comédie, Demolition Man déplace la violence et la vulgarité de ce type de cinéma dans un lieu totalement inapproprié: un monde pacifiste, politiquement correct et aseptisé au possible.

Rien que l’introduction du film, dans un Los Angeles de 1996 complètement ravagé par le crime, est symbolique de ce concept en présentant un best-of du film d’action américain typique: un flic rebelle et efficace, un adversaire fou et dangereux, des fusillades, des empoignades exagérées et des explosions surdimensionnées. Rien de plus banal. Et là tout saute aux yeux du spectateur: ce n’est que le quotidien du film d’action et tout cela nous paraîtrait presque “normal”. Et pourtant, pour l’instant, rien n’est parodié. Sans en avoir l’air, Demolition Man commence donc comme un condensé de ce qui fait habituellement la totalité d’un actioner.

Nous faisons connaissance de deux entités à la fois semblables et opposées: John Spartan, alias le Demolition Man, un flic macho et déterminé qui n’est pas sans rappeler le rôle que Stallone tenait déjà dans Cobra, et son équivalent du crime Simon Phoenix, interprété par un Wesley Snipes en roue libre qui donne une classe incroyable à son personnage malgré un aspect des plus ridicules à première vue (vêtement risibles, hystérie à la Eddie Murphy). Lorsque le premier arrive enfin à attraper le second, c’est pour tomber dans un piège et se faire condamner pour la mort des otages retenues par le criminel. Toutefois Spartan se retrouve être incarcéré dans la toute première et encore expérimentale cryoprison.

Un petit bond dans le futur et nous voilà en 2032, dans un monde des plus aseptisés. Les tenues vestimentaires ont un design aussi ignoble que simpliste et ressemblent vaguement à des kimono ou des pyjamas, le vocabulaire exclu toutes expressions familières et bien entendu la moindre insulte se retrouve passible d’amendes par le biais d’appareils disséminés dans toutes la ville, veillant à punir chaque “infraction verbale”. Progressivement nous découvrons que le moindre contact physique est impossible (on ne se serre plus la main, on ne s’embrasse plus, la procréation est effectuée en laboratoire) et que l’acte sexuel est désormais virtuel. Les musiques en vogues sont celles d’anciennes séries télévisées (La Croisière S’amuse) ou de publicités, et suite à une guerre de multinationale, Pizza Hut est devenu l’unique restaurant existant dans le pays. Le Muséum d’Histoire Naturelle possède un “Hall de la Violence” avec des reproductions de ghettos et expositions de graffitis ou armes lourdes, Schwarzenegger est devenu Président et le papier toilettes a été remplacé par trois étranges coquillages ! C’est sûr, ça fait un choc. C’est dans ce monde que se réveille Simon Phoenix, lui aussi incarcéré en même temps que John Spartan. Sans savoir pourquoi, il possède des connaissances très complètes de cette nouvelle Amérique et parvient à s’évader. Complètement perdu, il se met alors à faire ce qu’il sait faire de mieux: foutre le bordel. La police, incapable de le stopper, décide de libérer temporairement Spartan, le temps d’appréhender Phoenix…

Dans cette société pacifique “parfaite”, il va sans dire que les deux protagonistes font tâche. Les mots vulgaires fusent et le manque de savoir-vivre se fait pleinement ressentir. Pire que ça, le spectateur, s’identifiant uniquement à ces deux personnages, est ainsi mis dans le même sac et se retrouve aussi rabaissé au rang de brute primaire. Et c’est pourtant un véritable plaisir que de voir Wesley Snipes, dont le charisme augmente fortement à ce moment du film, et Stallone faire preuve d’un manque de respect absolu et se comporter de manière violente, détruisant tout sur leurs passages et critiquant cette utopie qui est bien moins agréable qu’elle n’y paraît: nombre de laissés pour compte (personnes refusant de se plier à cette société fasciste, tel que Stallone la décrit lui-même) se retrouvent à vivre dans les égouts, un monde souterrain qui n’est pas sans renvoyer une imagerie post-apocalyptique.

Ces résistants vivant dans la crasse et souffrant du manque de nourriture semblent nettement plus sains d’esprits que les soumis de la surface. Ce n’est pas un hasard si l’un d’entre eux, représenté comme une véritable menace par ceux d’en-haut, se trouve suivit par ses semblables tout en préférant se présenter comme un penseur plutôt que comme un leader. Celui-ci fini par sortir un monologue tout à fait hilarant sur la différence entre les deux types de population de ce monde, et sur sa façon de vouloir vivre (à l’ancienne, désirant manger comme il le souhaite et accessoirement courir nu dans la rue en lisant playboy), sans être esclave du système. Un personnage qui apparaît finalement peu mais qui dégage une présence impressionnante et un charisme immédiat, gagnant tout de suite la sympathie du spectateur (à noter par ailleurs que son nom est Edgar Friendly, les scénaristes ayant sans doute voulu marquer le coup). Si ce thème de la liberté (les exclus crasseux) contre la “beauté” (des moutons propre sur eux) est assez commun dans le domaine de la science-fiction (on se souvient entre autres de Action Mutante de Álex de la Iglesia), il n’est pas désagréable pour autant et s’inscrit très bien dans l’ensemble du film.

Demolition Man est donc un film fun, un comic-book live à l’action surabondante et surréaliste mais tout bonnement jouissive (la mort de Phoenix, complètement exagérée, ne fait que le confirmer) et au second degrés omniprésent (un mannequin militaire est appelé Rambo, on apprends que le tueur en série Jeffrey Dahmmer est un des détenus de la cryoprison et le générique de fin menace même le piratage vidéo de cryoprison). C’est un film où le bad guy concrétise le fantasme du spectateur en frappant sans retenue des crétins pacifistes en pyjama (le fantasme d’un anti-Star Trek ?) et où le héros se mange un rat-burger tout en répondant à la formule de politesse général “be well” (portez-vous bien) un très fin “be fucked”. En gros, Demolition Man est un film parfait pour se détendre ou s’amuser, mettant en boite toute une génération de films d’action américains sans pour autant s’en moquer, bien au contraire. Un très bon spectacle.

On peut noter pour finir l’influence que le personnage de Simon Phoenix à porté au très nanar Simon Sez avec le basketteur Denis Rodman, se dernier y abordant un look similaire à celui de Wesley Snipes, se retrouvant avec le même prénom et dont le titre est reprit à sa réplique récurrente (Simon Sez est l’équivalent du Jacadi français), et signalons une apparition de Jesse Ventura,  inoubliable de Predator qui fut par ailleurs élu gouverneur en son temps, et de Steve Kahan, le capitaine de police de la célèbre série L’Arme Fatale.

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