Biocrisis (2002)

 

Biocrisis

(2002)

 

 

Ce petit film amateur, je l’ai découvert il y a maintenant dix ans. A l’époque j’étais un jeune vidéaste passionné et je traversais une phase de curiosité insatiable me poussant à chercher sur la Toile tout ce qui ce faisait en la matière. Bien sûr des sites comme Youtube ou Wikipédia n’existaient pas et le téléchargement direct était limité par des connexions peu performantes, ce n’était donc pas une mince affaire que de trouver quelque chose. Dans le domaine de l’amateur il y avait quand même quelques pionniers et j’ai passé des mois à regarder les productions rigolotes de Cheap Movies, Mr. Poulpe (à l’époque inconnu), LopéProd, Baleine Production et bien d’autres. J’étais moi-même membre de ScandalProd Vidéo, une association du Loir & Cher qui n’a pas durée bien longtemps…
Quoiqu’il en soit, ma boulimie pour les vidéos bricolées m’a un jour amenée sur un site appelé Horrodrome.com, spécialisé dans les chroniques de films d’horreur et disposant d’une minuscule section de téléchargement. C’est ainsi que quelques personnes dans le monde ont pu avoir accès à cet improbable film de zombies en provenance de Suède.

 

 

Il n’y avait alors pratiquement aucune information disponible à propos de Biocrisis, tout au plus savait-on le nom des deux réalisateurs: Henrik Fältskog et Thommy Matsson. De nos jour rien n’a vraiment changé. Aucune page IMDB et les rares critiques disponibles sont en langues étrangères (en allemand, en néerlandais, en suédois et en italien – merci Google traduction !) en plus d’être assassines. 2/10, une étoile sur cinq… Le seul qui ait apprécié le film à sa juste valeur (et avec qui je suis d’accord) est le type derrière le blog www.alexvisani.com. Il faut dire que nous n’étions pas encore inondé de vidéos faites maison comme maintenant et les quelques équivalents commercialisés tapaient au moins dans le semi-pro ou dans la recherche de performance technique, comme le Zombie ’90: Extreme Pestilence d’Andreas Schnaas. Enfin généralement.
Du coup j’imagine que Biocrisis n’était pas du tout à la hauteur des attentes puisqu’il n’est en réalité qu’un petit film d’étudiants tourné à l’arrache, la seule ambition des responsables étant visiblement de s’amuser entre eux. N’espérez pas de prises de vues expérimentales, de structure narrative soignée ou d’effets spéciaux. En dehors de quelques giclées de sang, le gore se limite ici à un cœur arraché qu’un zombie récupère derrière la veste par-balle d’un militaire. La qualité audio / vidéo est une catastrophe et le montage est loin de sauver les meubles…

 

 

En fait Biocrisis est impossible à critiquer en tant que tel. Ce n’est qu’une blague réalisée par quelques potes pour prendre du bon temps et il faut donc se laisser gagner par cette ambiance. Tournée en 2001, sous les bannières A Fucking Killdom Production et BioHazard Team (en référence aux Resident Evil), la vidéo dure une trentaine de minute et ne présente qu’un soupçon d’intrigue. L’expression “ça tiendrait sur un timbre poste” prend ici tout son sens, voyez plutôt:
Des zombies envahissent une ville de Suède. Deux policiers passent une nuit tranquille au commissariat jusqu’à ce qu’un coup de téléphone les avertissent de la situation. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir pour régler le problème, ils réalisent que le bâtiment est assiégé par les morts-vivants. Pendant ce temps, trois survivants se rendent justement sur place en espérant y trouver refuge tandis que l’Armée déploie des commandos dans la zone…
Et c’est tout. Soyons déjà heureux que les personnages possèdent un nom puisque certains acteurs, eux, ne sont même pas crédités au générique ! Ceci trahit évidemment l’improvisation générale du projet, ce que retranscrivent bien certains dialogues. Ainsi une scène de dispute, qui aurait pu être écourté au montage, s’étire interminablement et quelques discussions prennent des proportions surréalistes comme lorsqu’un des héros nous apprends qu’il s’est passé une dizaine d’heures entre deux scènes ! Un acteur ne sait pas comment réagir devant la menace ? Il fait une grimace au zombie qui se jette sur lui. Les auteurs ont pu avoir des locaux à leurs dispositions ? Les personnages vont alors courir dans toutes les pièces. Quant au commissariat, il est en fait constitué de deux bâtiments différents: des bureaux et un restaurant. Pour justifier le raccord, les réalisateurs prétextent donc qu’une porte scellée fait parfaitement le lien entre les deux décors.

 

 

Du coup Biocrisis gagne ses galons en tant que nanar véritable, étant par définition un “mauvais film sympathique”. Comment ne pas sourire devant les petits feux d’artifices simulant les coups de feu, les figurants en perruques et la bande-son repiquée au Rock de Michael Bay et à Resident Evil 2 pour mettre l’ambiance ? A la manière des Rats de Manhattan, un simple dialogue vient contourner le problème du nombre de zombies à l’écran (“Il y en a une centaine dehors !”) et ces derniers hésitent souvent entre marcher et courir. Mais le meilleur vient de cet “acteur” incroyable qui incarne George, le héros. Si les comédiens jouent évidemment tous comme des patates, lui est d’un tout autre niveau. Jamais dans le bon ton, tantôt inexpressif, tantôt cabotinant, dans sa bouche la réplique la plus anodine devient dévastatrice pour le spectateur et il est au centre des meilleurs morceaux du film.
Lorsqu’il répond au téléphone, on se croirait dans La Cité de la Peur (“Yes… Yes… Yes…”). Lorsqu’il doit frapper son verre contre la table en criant “God damn it !”, il ne peut s’empêcher de secouer sa main trempée avec un regard ennuyé. Bref, grâce à lui Biocrisis prend des proportions hors-normes et chacune de ses apparitions est un véritable bonheur. Mon passage préféré ? Lorsqu’il croit bon de raconter “son histoire” après qu’un des survivants confesse avoir abattu sa petite amie qui s’était transformée. Contre toute attente, voilà un flashback d’une quelconque soirée, musique dance des années 90 à l’appuie (Super Gut de Mo-Do), où il se retrouve avec deux donzelles collées dans les bras, se décrivant comme étant un véritable étalon !

 

 

Super Gut !

 

Un esprit bon enfant règne sur tout le métrage et on peut s’amuser à relever quelques références. La délirante mélodie The Gonk du Zombie de Romero est employée et les personnages lancent des tirades de L’Armée des Ténèbres (“Give me some sugar”), du Retour des Morts-Vivants (“Like this job ?!”) ou même de Terminator avec le fameux “I’ll be back” lancé par George, qui n’a jamais dû voir le film pour le dire comme ça.
Les zombies évoquent Dawn of the Dead avec le fard gris sur le visage, et malgré le maquillage minimaliste certains possèdent quelques détails plutôt soigné, comme ce mort-vivant chauve au crâne fendu dans l’ascenseur. On s’amuse de la représentation tendance “stupide” des créatures qui trébuchent constamment, tentent de poursuivre une voiture à pied ou qui ne réalisent pas qu’une porte est ouverte à côté d’eux. C’était exactement comme ça que l’on s’amusait à imiter les morts-vivants avec mes potes à la même époque ! On retrouve même quelques bloopers en fin de vidéo, lesquels confirment que “George” est un génie de l’interprétation.

 

 

S’il n’est pas difficile de voir pourquoi les chroniqueurs ont pu défoncer Biocrisis en leur temps, il m’est tout simplement impossible de dire la moindre méchanceté sur ce film. En toute honnêteté, je le trouve toujours plus fun à regarder que quelques essais pro récent genre Cockneys vs. Zombies et, pour rester dans le domaine de l’amateur, l’ensemble est toujours mieux foutu que Violent Shit. Au pire, ça ne dure qu’une demi-heure. Si vous êtes intéressé, inutile de fouiller sur Horrordrome.com, le site a bien changé depuis le temps. En revanche vous pouvez trouver l’intégralité du film sur Youtube, sur la chaine de Henrik Fältskog. S’y trouvent aussi quelques extraits d’autres projets, tests d’effets spéciaux, mais le profile étant inactif depuis au moins six ans, tout cela est certainement tombé à l’eau.
Au générique de fin, les responsables nous demandaient de “stay tuned for more” mais, malheureusement, aucun Biocrisis 2 ne fut jamais tourné. Nous ne saurons hélas pas ce que sont devenu George est ses compagnons d’infortune dans cette Suède zombifiée…

 

 

Concluons cette chronique par une triste nouvelle. En revoyant Biocrisis, j’ai décidé de faire quelques recherches sur l’origine de la musique Super Gut qui nous avait fait bien rire à l’époque, mais que nous ne parvenions pas à identifier. Il s’agit en fait du tube d’un groupe italien de dance/techno des années 90, Mo-Do, dont le leader avait la particularité de chanter les paroles en allemand. Comme ça, juste parce qu’il trouvait que ça sonnait mieux ! J’ai malheureusement eu le regret d’apprendre que celui-ci vient de se suicider cette année. Qu’il repose en paix, je réécouterai Super Gut en son honneur.

 

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