Sand Sharks
(2011)
Conçu par rien de moins que quatre companies différentes et géré dix producteurs, dont Mark L. Lester, le réalisateur de Class 1984 qui s’est depuis reconverti dans le monster movie DTV (Jurassic Attack, Poseidon Rex, Yeti: Curse of the Snow Demon), Sand Sharks est un énième film de requins en CGI qui n’a rien de spécial à proposer. Comme les autres représentants de la sharksploitation moderne, il compte surtout sur un gimmick pour attirer l’attention, transformant ses squales en mutants délirants afin de paraître volontairement ridicule et jouer la carte cynique du nanar. Il faut au moins lui reconnaître de faire simple et de ne pas tomber dans la surrenchère de ses concurrents qui nous balancent des poissons préhistoriques, aliens ou robots à tout va. Cette fois les mangeurs d’hommes ont simplement la capacité de “nager” dans le sable pour croquer les promeneurs autant que les baigneurs. Un concept certes déjà vu, notamment dans Blood Beach qui remonte à l’époque de la Jawsploitation original, mais qui demeure amusant et permissif du moment que les scénaristes se montrent créatifs. Et c’est à moitié le cas ici, le script proposant quelques bonnes idées hélas noyées dans un cahier des charges formulaïque qui donne un peu l’impression d’avoir déjà vu le film une bonne quinzaine de fois.
L’histoire signée Cameron Larson (Xtinction: Predator X) et Joe Benkins (Tsunami Beach Club, qui sonne cool mais à l’air nul) se contente de refaire les Dents de la Mer qu’elle pille parfois à la scène près, mais y injectant un humour non négligeable pour faire passer la pillule. C’est ainsi que l’arnaqueur Jimmy retourne à son île natale de White Sands après quelques années de fuites, ayant autrefois organisé un événement qui tourna à la catastrophe et causa la mort de plusieurs personnes. Ruiné et désireux de se refaire, il profite du triste état économique de la ville et du fait que son père en soit le maire pour lancer de nouvelles festivités façon Burning Man à la plage, espérant se remplir les poches facilement. Manque de bol le feu vert est donné au moment où une bande de requins monstrueux attaquent et le shérif local entend bien annuler son projet le temps de régler le problème. Bien entendu cela n’empêchera pas le spectacle d’avoir lieu, mais au moins cette fois celui-ci n’est lancé qu’après la mort d’un des squales, que tous pensent être l’unique responsable du carnage. Ses petits frères vont vite causer la panique et seul un vieux chasseur de Carcharodons pourra aider nos héros à les arrêter… jusqu’à ce que l’intrigue se tourne du côté des Dents de la Mer 3D avec cette maman géante à la recherche de ses petits égarés.
Question originalité on repassera, et les emprunts directes au film de Spielberg sont nombreux: le débat entre la mairie et les habitants à propos de la fermeture des plages avec l’introduction du Quint de service, l’exhibition d’un requin capturé pour calmer la foule, la bestiole qui explose après avoir mâchouillé une bombonne de gaz et naturellement ce « We gonna need a bigger beach« … Tout cela reste présenté sous l’angle de la parodie, mais la répétition guette et le spectateur nourri aux films de requins risque de s’y embêter un peu. Pour ne rien arranger Sand Sharks commet d’autres fautes narratives qui empêche que l’on s’y intéresse vraiment: l’accident commis par Jimmy n’est jamais expliqué, pas plus que la tragédie du shérif qui a perdu sa femme et son enfant dans une attaque de squales précédente et sans rapport apparant avec la situation. De plus la nature des monstres est survolée (des requin-taureaux que l’on pense préhistoriques mais qui ont simplement évolué pour évoluer dans le sable, leur peau gagnant des plaques écailleuses leur conférant un avantage hydrodynamique) en plus de n’avoir aucun sens (ils sont censés attaquer de nuit et dans les zones de sable mouillé afin d’en absorber l’humidité pour se déplacer, mais n’interviennent qu’en plein jour sur la plage sèche)…
A cela se rajoute les défauts habituels du genre dans les effets visuels, horribles et jamais convaincants (fond vert ultra voyant pour une balade en voiture ou une conversation en plein bureau, créatures en CGI qui n’ont ni poids ni intéraction avec leur environnement). Les requins rugissent comme des fauves, changent de taille selon les scènes, leurs déplacements ne provoquent ni secousse ni effondrement de terrain, et certaines victimes disparaissent juste hors-champ ou dans un nuage de poussière, mettant la pédale douce sur la violence pourtant désiré par le public. L’aspect comique peu aussi devenir lourd avec cet abus de calembours autour des mots beach et sand (“Eat this you sand of a beach !”, voyez le niveau) et ces clins d’oeils qui forcent un peu trop la carte de l’auto-référence (“Don’t go getting all Roger Corman on me yet”). Enfin le film évoque avec insistance Apocalypse Now sans raisons précises, reprenant la Chevauchée des Walkyries, “I love the smell of napalm in the morning” et mentionnant un “Beachpocalypse Now” qui n’a jamais vraiment lieu. Bref, Sand Sharks ne met pas les petits plats dans les grands et à première vue ne mérite pas vraiment que l’on s’y attarde puisque trop générique comme tant de ses semblables. Heureusement c’est là que la générosité des créateurs intervient pour rattraper tout ça.
Car malgré le manque de moyens, l’équipe ne s’est pas contentée de livrer le minimum syndical comme c’est souvent le cas dans ce type de DTV, et le divertissement se présente bel et bien à différents niveaux de la production. L’apparence des requins est soignée avec une peau écailleuses et cornues qui leur donne une allure presque reptilienne façon Tarente de Maurétanie, et on regrette presque de ne pas les voir plus souvent pour apprécier le design. Des effets mécaniques subsistent malgré la domination des images de synthèses, avec des explosions sanglantes couvrant les acteurs d’hémoglobines et de tripailles, des ailerons fendant le sable, des têtes coupées roulants dans le sable et plusieurs membres orphelins. La découverte de la tête arrachée d’un motard, qui repose sur le sable au bout d’une longue trainée, évoque ouvertement Tremors et le requin présenté au public comme le coupable des premières attaques possède sa petite backstory (utilisé sur Shark Attack 3D, il fut abattu après bouffé l’un des acteurs !). Une avocate se fait bouffer juste après avoir été traitée de croqueuse d’hommes et une interne prête à tout pour obtenir sa promotion n’hésite pas à pousser un collègue rival dans la gueule d’un monstre pour se débarasser de lui.
Un squale se jette sur un électrictien travaillant sur un câble à haute tension, provoquant une explosion qui les tue tous les deux et provoque un blackout, un autre émerge d’un château de sable en forme de requin pour avaler une bimbo entrain de retirer son bikini, et une fliquette coupée en deux se fait trainer “hors de danger” par son copain qui tente ensuite de lui remettre les intestin en place. Voir Jimmy tenter d’expliquer à des mômes ivres et hilares que des monstres attaquent la plage fait plutôt sourire, et le plan des héros pour se débarasser de la menace est complètement dingue: réunir tous les requins au même endroit à l’aide d’enceintes géantes puis brûler le sable au napalm pour le vitrifier et les y garder prisonniers ! Et puis le fait que Sand Sharks commence par une course-poursuite entre requin et motocross au milieu des dunes, et se termine par la mort d’un personnage filmé avec une caméra placée dans la bouche du squale force la sympathie. Mais le gros atout du film reste la performance de Corin Nemec dans le rôle de Jimmy. L’inoubliable Parker Lewis est devenu un abonné régulier du genre (Dracano, Robocroc, Lake Placid vs. Anaconda) et la qualité de sa participation est généralement en dents de scie, mais il se lâche complètement ici, imitant Nicolas Cage dans Snake Eyes.
Baratineur, magouilleur, menteur, collectionneur de dettes, le personnage est pourri jusqu’à la moelle et exploite tout et tout le monde à son bénéfice. Avec sa garde-robe ringarde et ses larmes de crocodile, il remporte vite l’adhésion des spectateurs et ce n’est pas une surprise de voir qu’il est le vrai protagoniste malgré qu’il soit le “vilain” de l’histoire. En en comparaison le shérif et l’océanographe servant de héros paraissent bien fade, semblant plus être là par principe que par nécessité. Le dernier acte lui offre même une rédemption inattendu lorsqu’il décide de se sacrifier pour sauver les rares survivants. Difficile alors s’intéresser aux autres, même si le fait que la scientifique soit incarnée par Brooke Hogan, la fille de Hulk Hogan (qui a dû s’injecter des stéroïdes dans les seins pour obtenir une poitrine pareil), mérite d’être mentionné. La même année elle figurait aussi dans le 2-Headed Shark Attack de la Asylum. Son partenaire de scène Eric Scott Woods n’a rien d’intéressant, mais on le retrouve au générique d’Avalanche Shark et il se trouve être l’un des producteurs principaux de la récente série Creepshow. Plus remarquable est ce caméo complètement fou d’un Edgar Allan Poe IV, véritable descendant de l’écrivain qu’il joua d’ailleurs brièvement dans Monkeybone !
C’est sûr Sand Sharks ne réinvente pas la roue et accuse de nombreux tares qui le rendent finalement très dispensable, mais contrairement à d’autres qui se prennent trop au sérieux, n’ont pas une once d’imagination ou se contentent d’en faire le moins possible, lui au moins essaye de plaire à son public et y arrive par moment. Ce n’est peut-être pas grand chose, mais dans l’univers de la sharksploitation cela fait vraiment une différence et de devrait donc pas être négligé.
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