Project Shadowchaser (1992)

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Project Shadowchaser

(1992)

 

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Le nom de John Eyres ne sera familier qu’à ceux qui ont connu l’époque des chaines câblées ou des vidéoclubs, en plein dans les années 90. Il fut producteur d’une poignée séries B typées science-fiction (Dark Planet, Spoiler, Timelock) parmi lesquels il faut compter le décevant Xtro II, qui se contente de copier Alien plutôt que de faire dans l’horreur onirique comme son cauchemardesque prédécesseur. Il faut dire que le bonhomme n’est pas vraiment réputé pour sa créativité, ses œuvres piochant généralement à droite et à gauche pour reproduire sans gros budget ce que l’on a déjà vu en mieux ailleurs. Il n’est pas manchot pour autant et, lorsqu’il se livre lui-même à la réalisation, cela donne quelques films sympathiques malgré leurs carences comme Monolith avec Bill Paxton, ou le slasher Ripper avec A.J. Cook et Bruce Payne. Le joyau de sa carrière reste cependant Project Shadowchaser, ou Shadowchaser tout court, c’est selon, qui comme bien d’autres à la même époque surfait sur la mode “androïde” générée par Terminator et RoboCop.

 

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Les créatures cybernétiques faisaient rage en ces temps là, d’APEX à Digital Man, en passant par les Cyborg Cop et les Nemesis. Dans le cas qui nous intéresse l’idée ne va pas bien loin et se contente de rejouer Die Hard avec un T-800 à la place de Hans Gruber, l’intrigue se situant dans un avenir proche à la Blade Runner. Du moins au tout début le temps de présenter le robot et une prison automatisée d’où sort le protagoniste, car ensuite l’angle futuriste ne revient jamais: ni dans l’histoire, ni même dans les décors et accessoires, fautes d’argent. Tout respire le début des 90s ici, que ce soit dans les coiffures et les costumes, les meubles et les véhicules, et voir les protagonistes communiquer par talkie-walkies dans un monde supposément cyberpunk prête franchement à sourire. Mais cela fait partie du charme de ce type de production et au moins Shadowchaser peut se targuer d’avoir une petite matte painting pour simuler ses buildings high tech. Passé le point de départ, le script préfère de toute façon copier à la lettre le film de John McTiernan.

 

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Un centre hospitalier est attaqué par une bande de terroristes venu prendre en otage la fille du Président qui s’y trouve, Sarah (Connor ?). Ils demandent une rançon 50 million de dollars que les autorités vont devoir leur remettre dans les heures à venir, sous peine de quoi leurs prisonniers seront exécutés. La situation déjà tendue devient encore plus compliquée lorsque le FBI réalise que le leader du groupe, Romulus, n’est pas un être humain mais un androïde. Il est le fruit du projet Shadowchaser de l’armée américaine, visant à fabriquer un soldat synthétique intelligent et capable de s’adapter à toutes les situations. Refusant d’être le jouet du gouvernement, le robot s’est échappé afin de gagner sa liberté par tous les moyens, l’argent lui semblant le meilleur considérant le fonctionnement de la société humaine. L’unique espoir du gouvernement est le recrutement de Dixon, l’architecte du building qui pourrait guider une unité d’élite à travers les différentes zones méconnues du bâtiment.

 

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Mais l’homme est actuellement en animation suspendue dans une prison automatisée, purgeant une peine à perpétuité pour meurtre. Et si le FBI est ravi de le gracier en échange de sa participation à leur opération, ils se retrouvent sans le savoir avec la mauvaise personne ! L’unique employé des lieux, devenu un peu marteau à cause de la solitude, leur remet à la place un dénommé Dasilva, ancienne star de foot qui a lui aussi été condamné pour homicide malgré qu’il ait agit en cas de légitime défense. Menacé d’être renvoyé en cellule s’il n’obéit pas, celui-ci accepte la mission sans révéler la vérité… pour se retrouver immédiatement seul après que les agents qu’il accompagnait se soient fait tuer dans une embuscade. Tombant miraculeusement sur Sarah dans son errance, il va devoir gérer la demoiselle très pompeuse et peu compatissante en plus d’avoir à empêcher les criminels de faire sauter tout l’immeuble. Pendant ce temps, le mystérieux créateur de Romulus est convoqué pour superviser l’affaire…

 

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Le développement de cette intrigue semble impliquer tout un tas d’éléments innovants par rapport aux habituels imitateurs du genre, des gadgets futuristes en passant par le point de départ préfigurant un peu celui du Rock de Michael Bay, hélas le film ne cherche jamais à s’aventurer en dehors du Die Hard Scenario classique au point qu’il reprend plusieurs séquences de son modèle à l’identique: le héros rampe dans un tas de conduits d’aération et de cages d’ascenseur, devant même en escalader une paroi s’ouvrant sur le vide, communique par radio avec l’androïde qu’il insulte copieusement et doit survivre à l’explosion du gratte-ciel tandis qu’un hélicoptère lui tourne autour. Des otages sont tués dans des circonstance similaire à ceux de Piège de Cristal, le plan des terroristes implique la participation du FBI à son insu et le passage où Karl regarde furieusement son patron parce qu’il préfère traquer McClane plutôt que lui obéir est également rejoué. Le plus amusant étant que l’on peut aussi trouver quelques détails évoquant Die Hard 3.

 

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Comme la copine givrée de Romulus, une blondinette muette et violente qui rappelle la petite amie amie folle de Jeremy Irons. On s’attend à ce que le film nous révèle qu’elle est également un androïde, manque de bol de n’est pas le cas. En revanche voir le robot la fusiller sans remord après avoir récupérer l’argent évoque beaucoup la fin originale du film de McTiernan, où il était révélé que Simon Gruber est un sociopathe manipulant tout le monde pour obtenir ce qu’il veut, se débarrassant de ses propres partenaires après coup. Si Shadowchaser précède le film de quelques années, le réalisateur lui fit ouvertement référence quelques temps plus tard dans le sympathique Octopus. Du reste tout se déroule exactement comme on l’imagine, Dasilva massacrant un par un les vilains personnages avec les moyens du bord: il tue un garde à l’aide d’un défibrillateur, en propulse un autre sur une mine laser à l’aide d’un brancard, fait valser un type par la fenêtre avec une grenade et lance des scalpel comme des shurikens.

 

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C’est sans compter l’invincible robot bien sûr, capable d’encaisser sans broncher tout ce qu’on lui balance à la tronche: qu’on lui vide des chargeurs dans le buffet, qu’on l’empale avec un javelot de fortune ou qu’on lui coupe les doigts à la hache, rien n’y fait, il continue d’avancer. Capable de pulvériser le béton, il n’hésite pas à traverser le plafond tête la première pour capturer l’otage caché à l’étage au-dessus de lui. Sa destruction finale, si elle est loin d’être aussi iconique que celle du T-800, n’en demeure pas moins spectaculaire puisqu’elle implique un Romulus transformé en torche humaine se jetant par la fenêtre d’un des hauts étages de l’hôpital, dans l’espoir d’emporter avec lui le héros alors perché sur le patin d’un hélicoptère en plein vol. Son atterrissage forcé engendre alors une explosion quasi nucléaire. Quel dommage alors que John Eyre semble lui refuser la moindre scène cybernétique pourtant obligatoire dans ce type de produit.

 

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Si l’acteur porte des lentilles de contact spéciales et que le monteur ajoute des bruitages motorisés dans ses déplacements, pas une seule fois il ne dévoile son endosquelette de métal ou ne serait-ce qu’un morceau de son anatomie synthétique. Ce n’est même pas une question de budget contrairement à ce que l’on pourrait croire, car une image dévoilée dans Starlog #178 (Mai 1992) montre bien qu’un crâne artificiel a bien été conçu ! On ne peut alors que supposer que John Eyre ne se sentait pas à l’aise avec les effets spéciaux, les supprimant volontairement pour se concentrer sur les scènes d’actions et de dialogues. Une idée qui semble se confirmer avec ces plans en vue subjective de Romulus ne disposant pas même d’un filtre rouge pour faire “robot”, mais surtout à la vision de Shadowchaser II qu’il tournera deux ans plus tard. Une suite qui rogne tellement sur le sujet qu’elle ne présente qu’un seul plan de maquillage durant une demi-seconde, sans doute visible par mégarde ! Ne nous méprenons pas: le vrai problème de Shadowchaser, c’est bien son metteur en scène.

 

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Novice et peu assuré, ou peut-être simplement flemmard, il n’offre que le minimum syndicale et cela se voit. Son film est moche, plat, mal éclairé et dépourvu du moindre décors. Le centre hospitalier est simulé par des bureaux totalement vides et jamais le moindre équipement médicale n’est visible ou même employé par les protagonistes. On peut noter plusieurs mauvais raccords et jump cut trahissant un tournage fait à la va-vite, les fusillades se limitent à une série de champs / contre-champs paresseux et surtout l’absence répétées de plans larges lors des scènes d’action empêche parfois de comprendre où se trouve les personnages les uns par rapport aux autres. Cet amateurisme aura au moins le mérite de nous faire rire, comme lorsque l’androïde vide sa mitraillette sur un groupe d’otages entassés dans ascenseur aux portes ouvertes sans parvenir à toucher qui que ce soit. Citons aussi la glorieuse fausse barbe de Dasilva à son réveil de prison et le fait que Sarah est jouée par une quadragénaire alors qu’elle se comporte comme une ado.

 

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Le niveau est heureusement relevé bien haut grâce au casting, absolument impeccable et composé de quelques pointures. Frank Zagarino est tout bonnement parfait en cyborg supposément en pleine crise d’identité (Blade Runner là encore pointe son museau). Il est loin du robot ennuyeux qu’il interprétait dans Cy Warrior: veste en cuir ouverte sur son torse nu, il aborde une coupe en brosse d’un blond platine qui lui donne des faux airs de Dolph Lundren et n’hésite jamais à balancer des one liners. Qui d’autre que Martin Kove pouvait s’opposer à lui ? Le célèbre instructeur de Cobra Kai se retrouve dans un rôle à contre-emploi puisque loin du badass à la Steele Justice, incarnant ici un type tout à fait normal et plutôt pétochard. Sa partenaire de scène, Meg Foster, est comme d’habitude absolument parfaite malgré qu’elle n’ait plus l’âge de jouer les filles à papa prétentieuses, et ses grands yeux sont toujours aussi impressionnants. Joss Ackland, inoubliable bad guy de L’Arme Fatale 2, est aussi de la partie.

 

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Il y joue quasiment Donald Trump dans le sens où il s’oppose au Président de la République et désire rendre son pays “great again”. Moins connu mais toujours plaisant à retrouver est Ricco Ross, inspecteur de police dépassé dans Wishmaster qui fut aussi l’un des Marines d’Aliens. Il trouve le moyen de jouer un sidekick qui n’intervient absolument jamais… pas si éloigné que ça du chauffeur de limousine de Die Hard finalement. Enfin le vétéran Paul Koslo, vu dans Joe Kidd, Mr. Majestyk et Robot Jox vient imiter Paul Gleason. Pour finir il convient de mentionner les maquettes grossières mais adorables utilisées lors de l’explosive conclusion, la musique qui repompe sans honte celle du Batman de Tim Burton, et ce twist final ahurissant où le chef de l’état, pourtant abattu comme un chien par les terroristes, se révèle n’avoir été qu’un androïde lui-aussi, servant de doublure au véritable politicien. Et puis un film se terminant avec un freeze frame sur le héros lorsqu’il s’enfile une bonne bière ne peut pas être mauvais.

 

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Project Shadowchaser reste ainsi très recommandable malgré ses grosses limitations techniques et son script franchement copieur, porté par des acteurs sympathiques qui semblent tous s’éclater comme des gamins, une absence de temps mort et quelques idées franchement divertissantes. Sans surprise le résultat fut un succès au point de générer trois suites, toujours avec Frank Zagarino dans le rôle du Terminator bien coiffé. Et pour conclure tirons un trait sur une petite légende urbaine: non, le film n’a pas été entièrement tourné dans les décors abandonnés d’Alien 3. C’est seulement la scène de la prison high tech qui recycla un studio déjà franchement dépouillé, puis redécoré par la production. Autant dire une broutille, même si l’anecdote reste amusante.

 

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