Mr. Hell
(2006)
“You are fucking with the wrong fuckers !”
Voilà une curiosité que ce Mr. Hell, un slasher qui date de 2006 mais aurait aussi bien pu sortir dix ans plus tôt. Car le concept même du film de Boogeyman est un sous-genre qui fonctionne beaucoup moins qu’auparavant malgré quelques avatars modernes, et tout ce qui est présenté dans celui-ci évoque une autre décade. Celle des Jack Frost, Uncle Sam, Sleepstalker et autre Psycho Cop Returns, ces rejetons mal branlés de Freddy et Jason qui donnaient dans la surenchère et l’humour volontaire pour se faire remarquer, et ce malgré un budget ridicule. Les histoires tournent souvent autour d’un psychopathe sanguinaire qui trouve la mort dans des conditions atroces puis revient à la vie pour continuer ses méfaits, gagnant au passage de nouveaux pouvoirs bien pratiques pour tuer de façon improbable ses victimes. Ici par exemple il est question d’un certain Harold Eugene Loveless (dont les initiales donnent HEL, donc surnommé Mr. Hell), tueur en série “charmant comme Ted Bundy” et “invisible comme Jeffrey Dahmer” qui a pour habitude de collectionner les yeux de ses victimes. Il ne s’agit cependant pas de simples trophées puisque le maniaque est un sataniste qui a fait un pacte avec le Diable pour devenir immortel: en conservant ces organes connus comme étant les fenêtres de l’âme, il obtient une vie supplémentaire à chaque paire récupérée.
Mais être immortel ne l’empêche pas de rester vulnérable aux attaques physiques: employé dans une usine de déchet toxique où il cache son précieux butin, il est un jour surpris par la fille de son patron, une gamine espiègle qui a pour habitude de jouer à cache-cache dans le bâtiment et de se faufiler dans les conduits d’aération et autres passages étroit. Traquant l’enfant pour la faire taire, il est alors victime d’un terrible accident, ouvrant une vanne de produit chimique qui va le dissoudre littéralement, le réduisant à l’état de bouillie liquide qui va être évacuée par la plomberie et conservée dans une des fosses sceptiques de l’entreprise. Il se retrouve ainsi prisonnier et incapable de nuire pendant quatorze longue années, jusqu’à ce qu’enfin la compagnie ferme ses portes et que les dangereux liquides soient transférés dans des fûts pour être transportés ailleurs. Libéré de sa prison, Mr. Hell se reconstitue entièrement et reprend son travail en attaquant la petite équipe en charge des opérations de fermeture.
La logique voudrait que le croquemitaine revienne sous une forme terrifiante et la thématique des produits chimiques était l’occasion parfaite pour en faire une créature dégoulinante et difforme à la manière du Tarman du Retour des Morts-Vivants ou du Toxic Avenger. Déception: sans doute pour des raisons de budget, il garde sa forme humaine qui est d’ailleurs encore plus laide que celle d’un mutant, celui-ci ressemblant à un white trash au crâne dégarni sur le devant mais avec des cheveux longs. On y perd grandement en appeal visuel et il faut donc se raccrocher aux actions sanglantes qui heureusement se montrent assez brutales et variées pour retrouver l’esprit des slashers d’antan: énucléations, égorgement à la machette, empalement sur des piques ; une victime est étranglée avec le fil de fer barbelé et électrifié d’une clôture tandis qu’un autre se fait découper les jambes à la tronçonneuse. Le tueur enfonce un pied de biche dans la nuque d’un type entrain de manger un hotdog, la tige de métal lui ressortant par la bouche avec la saucisse accrochée dessus comme sur une brochette. Il poignarde dans les reins un garde entrain de se soulager, le jet d’urine devenant alors rouge sang, et fait boire la fiole d’un virus mangeur de chair à une victime qui va fondre rapidement.
La qualité du maquillage varie extrêmement d’un effet à l’autre, allant du très bon (la mort de Mr. Hell en début de film, particulièrement dégueulasse) au grossier (les yeux crevés sont juste des paupières badigeonnées de faux sang) avec malheureusement quelques crimes trop sages à base de nuques brisées entre les deux. Du gâchis, mais le scénario vient alors relever le niveau par une série d’idées complètement folles ou intrigantes, parfois même nonsensiques – mais peu importe. Ce qui compte c’est de garder le spectateur intéressé. Durant le prologue, la gamine qui sert d’héroïne est une enfant qui n’a pas la langue dans sa poche et surnomme son père “Dr. Dad”, ce qui tout de suite soulève beaucoup de question quant à sa relation avec son géniteur. Sans cesse disputée par celui-ci car il n’apprécie pas son langage fleurie, elle va grandir pour devenir une jolie bimbo désormais incapable de jurer même dans la pire des situations puisque traumatisée par le meurtre de son paternel.
La belle est désormais agent de sécurité dans le même bâtiment où s’est déroulé l’incident et ses retrouvailles avec Mr. Hell sont loin d’être son unique soucis car débarque également un groupe de terroristes venus récupérer une arme biologique secrètement stockée dans les sous-sols de l’usine ! Dirigé par une dénommée Horney (que tout le monde prononce “horny”, mot anglais désignant l’excitation sexuelle, à son grand désespoir puisqu’il faut en fait dire “hor-nay”), cette bande de dangereux criminels se montre finalement très peu professionnelle: un couple prend le temps de s’envoyer en l’air durant leur ronde à l’extérieur du bâtiment, le meurtrier prenant visiblement son pied à les observer, tandis qu’un autre se dispute sans arrêt sur des détails triviaux comme le ferait monsieur et madame tout le monde. Inutile de dire qu’il est plutôt amusant de voir le film les faire réagir comme des personnages normaux de ce type de film, pleurant les défunts alors que leur but est quand même de vendre une arme biologique redoutable aux plus offrants ! Des éléments surprenant comme il y en existe bien d’autres dans Mr. Hell.
Comme cet obèse affamé qui prend sa pause repas dans la chambre des déchets toxiques, continuant à manger son sandwich même quand une bouillie verdâtre a coulé dessus. Comme cette bague surnaturelle que porte le croquemitaine, ornée d’un faux œil qui bat de la paupière comme s’il était vivant, sans qu’aucune explication ne nous soit donné sur sa fonction ou ses pouvoirs. Il y a le bocal à yeux où sont prisonnières les âmes hurlantes des victimes que l’on entend gémir et se plaindre. Et lorsque le tueur se prend une balle en pleine tête, c’est une belle giclée verte de produit toxique qui s’échappe de son crâne à la place du sang. “I’m already dead” dit-il à un moment avant de réfléchir, “or immortal, I’m not really sure myself.” Citons aussi ce type qui se fait frapper dans les parties au coup de poing américain pour ne pas faire savoir la différence entre les mots bitch et slut, une musique aux envolées parfois cartoonesque qui évoque presque le thème de Beetlejuice et un générique d’ouverture aux titres qui se tordent et disparaissent en laissant une trainée de fumée toxique derrières eux.
Quelques défauts malgré tout, à commencer par ses fréquents effets de morphing abominables et bien ringard même pour l’époque, des inconsistances sur le croquemitaine qui semble pouvoir se téléporter mais qui doit quand même courir après l’héroïne pour une ultime course-poursuite, et qui alterne entre le génie criminel doté d’une belle élocution façon Hannibal Lecter et le psychopathe bestiale qui passe son temps à grogner et faire des grimaces. S’il est immortel, pourquoi réagit-il comme un humain face aux coups feu ? Et que dire de ce moment ridicule où le fantôme du père revient à la fin du film pour guider sa fille perdue dans les souterrains, quand bien même son âme est censée être coincées dans le bocal de Mr. Hell avec toutes les autres ? Rien de bien méchant toutefois car le résultat se montre suffisamment divertissant dans son genre pour fonctionner à plein régime.
Naturellement il convient de préciser que beaucoup considérerons la chose comme étant un infâme navet justement parce qu’il s’agit d’un slasher miteux et grossier. Mr. Hell s’adresse vraiment aux amoureux de la série B en générale, et particulièrement de cette période pré-Scream où les Boogeymen pouvaient se permettre de faire tout n’importe quoi pour amuser le public. L’ultime rejeton oublié d’un genre pratiquement mort et enterré en somme.
“So many eyes from which to choose
Green, black, brown and baby blues
From buddhists, muslims, christians and jews
And every pair for me to use”
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