Hydra (1997-1998)

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Hydra

(1997-1998)

 

I’m gonna make Swiss cheese out of you !

 

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Il suffira de jeter un simple coup d’oeil aux dessins de ce Hydra pour reconnaitre la patte de Tetsuo Hara, créateur de l’ultra culte et quasi mythologique Fist of the North Star. Le héros de la présente histoire, Yomi Kazuma, est ainsi un véritable clone de Kenshirō, expert en arts martiaux à la force surhumaine livrant des affrontements sanglants contre ses diaboliques adversaires. La principale différence vient du fait que le paysage post-apocalyptique laisse place à un environnement contemporain et que les barbares à crêtes de punk deviennent des Yakuzas bien habillés, les armes à feu modernes remplaçant les techniques de kung-fu ancestrales. Point d’élément épique ou shakespearien au sein de cette intrigue cependant, et à vrai dire elle n’a pas été écrite par le mangaka: c’est le méconnu Tadashi Ikuta qui se charge du scénario, auteur de pas grand chose si ce n’est un livre intitulé Project X: Challengers – Seven Eleven, à propos de… l’importation de la franchise Seven Eleven au Japon.

 

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Autrement plus intéressant, Hydra (de son véritable titre 九頭竜 (ヒュドラ), ou Kuzuryū (Hydra), le premier mot désignant le dragon à neuf têtes des légendes japonaise, l’autre l’hydre de la mythologie grecque) narre une histoire de vengeance simple et directe du fait que la série ne s’étire pas interminablement sur une cinquantaine de volumes. Neuf petits chapitres en tout est pour tout, qui furent réunis un seul tome (ou tankōbon) après une parution originale dans les pages Allman Manga, un magazine spécialisée dans le seinen (mangas ciblants un public masculin de 18 à 45 ans) où furent notamment publiés le sexy M de Masakazu Katsura et Ken le Transporteur… qui n’a rien à voir avec Ken le Survivant et c’est justement pour ça que je le mentionne. Difficile de dire si cette courte durée fut un choix volontaire de la part des auteurs, d’autant que la conclusion semble précipitée alors qu’elle ouvrait des portes vers de potentielles nouvelles aventures. Cela semble indiquer que le succès ne fut pas au rendez-vous et que l’éditeur décida d’abandonner le projet.

 

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Après tout c’est de cette manière que les choses foncitonnent chez Shōnen Jump, alors qui sait ? Dans tous les cas cela est plutôt bénéfique pour l’oeuvre dans le cas présent, puisqu’elle ne s’éparpille pas sur d’innombrables intrigues et personnages secondaires pour en rester au strict nécessaire: la vengeance du héros, Yomi Kazuma, bien décidé à exterminer les Yakuzas du clan Daikirin. Car treize ans plus tôt ses parents périrent dans un attentat orchestré par l’organisation lors d’une guerre des gangs, l’horreur de la situation laissant sa petite soeur catatonique. Après avoir été un temps policier, le jeune homme dû se rendre à l’évidence que la Loi demeure impuissante face à de tels empires criminels et prit la décision de se faire justice lui-même. Il se transforma alors en arme mortelle grâce à la maitrise de nombreux arts-martiaux et à une force surhumaine qu’il semble tirer de sa seule volonté, intégrant les rangs de l’ennemi dans l’espoir de s’approcher de son dirigeant et de l’assassiner.

 

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Si les membres de Daikirin hésitent à faire confiance à un ancien flic, Yomi peut compter sur la confiance aveugle de Madarame, le bras droit du chef, qui croit sincèrement en lui et espère en faire un grand Yakuza. Mais alors que son plan est en bonne voie, un évènement inattendu va le forcer à accélérer les choses: l’arrivée sur le marché noir du PK99 “Hydra”, un pistolet aussi surnommé Devil’s Gun et Gun of Darkness en raison de sa puissance terrifiante. A l’origine conçu par l’armée américaine comme un fusil à pompe capable de détruire le corps humain d’une seule rafale, il fut transformé par quelques mafieux en canon portatif tirant des cartouches de chevrotines en un cercle d’une vingtaine de centimètres de circonférence qui conserve sa puissance de tir même à longue distance. De peur que de nombreux innocents soient tués avec une telle arme, et avec le clan sur le point d’affirmer sa suprémacie sur le milieu underground, le jeune vigilante décide de passer à l’action sans plus attendre…

 

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Ce qui s’ensuit est un festival d’action empruntant copieusement aux films des années 80 et 90, qu’ils soient américains, hong kongais ou japonais, rendu d’autant plus spectaculaire par les illustrations de Tetsuo Hara qui n’a pas son pareil pour représenter l’impact d’une explosion, d’un coup de feu ou d’un poing dans la gueule. Comme dans Hokuto no Ken, les corps explosent dans des gerbes de sang et se tordent dans des angles impossibles, littéralement réduits en miettes par les coups de Yomi ou les rafales de l’Hydra. Sorte de demi-dieu carburant à la soif de revanche, le protagoniste est capable de prouesses impossibles comme casser des bras en les frappant du bout des doigts, frapper quelqu’un de si fort qu’il s’envole et chute d’une falaise, ou utiliser des types comme boucliers humains en les attrapant par la tête et les soulevant du sol en même temps. Il est en fait si fort qu’il peut tirer à l’Hydra d’une seule main sans se briser l’épaule, ce qui est pourtant décrit comme techniquement impossible.

 

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Et a l’instar de Kenshirō et sa réplique “Tu es déjà mort”, Yomi aime pointer du doigt un échafaud imaginaire et dire à ses ennemis qu’ils vont devoir grimper les treize marches menant à la potence. Probablement une contribution du dessinateur qui semble d’ailleurs parfois prendre les rennes du projet pour y injecter ses propres thèmes et idées, comme ce mafieux portant un masque à la Jagi après avoir fait une chute grave, Maradame faisant usage de baguettes de cuisine en métal comme arme exotique, ou ce passage où le héros blessé et encerclé par les Yakuzas se réfugie dans un entrepôt en flammes en pensant que son heure est venue, jusqu’à ce que sa haine des criminelles ne l’oblige à se relever, plus fort et destructeur que jamais. Et bien sûr, il a le gore. Le clan Daikirin test l’Hydra sur des prisonniers, un visage se désintègre au point de ressembler à un puzzle comme dans l’intro de Hellraiser, une petite fille tombe sur la main coupée de sa mère en fouillant des décombres pour la retrouver…

 

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Du grand art, et les auteurs pallient à l’absence de techniques de combat en abusant des capacités de leur canon miniature. Lorsque Yomi se retrouve désarmé mais en possession d’une cargaison de PK99 en miettes, il récupère des morceaux pour fabriquer des dards explosifs, combinant cartouches et tiges de métales qu’il balance à la tête des Yakuza. Plus tard il s’habille comme Arnold Schwarzenegger dans Terminator 2, chevauchant une grosse cylindrée pour dégommer une voiture à pleine vitesse, coupant pratiquement la carosserie en deux. Lorsque lui et un pauvre gars se tirent dessus en même temps lors d’un duel, le cercle de chevrotines pulvérise les balles sur son passage avant de décapiter la cible. Quant au final explosif, qui envoit un commando militaire aux trousses du vigilante et de sa soeur dans un hôpital, il montre le héros bousiller un hélicoptère de guerre d’un seul coup dans le cockpit. C’est dire si l’on en redemande et c’est probablement ce qui était prévu à l’origine vu le tournant surprenant que prend l’intrigue.

 

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Car alors qu’il a (presque) accompli sa mission, le protagoniste est arrêté par la police et condamné à mort grâce aux relations qu’entretiennent le clan Daikirin et le gouvernement corrompu. Une mystérieuse Agence intervient pour le sauver l’oblige à travailler pour elle comme tueur professionnel, menaçant sa soeur pour s’assurer de son obéissance. Armé d’un nouvel Hydra amélioré, Yomi doit maintenant excuter des cibles hauts placés mais n’hésite pas à poursuivre sa croisade personnelle et tuer des Yakuzas, au grand dam de son supérieur qui doit alors le recadrer. C’est sans doute dans cette direction que devait s’engager Hydra si la série s’était poursuivit, mais les deux derniers chapitres nous assoment de révélations délirantes et expédient tout ça en deux coups de cuillère à pot. Car soudain il apparait que l’Agence est une branche nippone de la CIA et du FBI, les États-Unis souhaitant secrètement s’emparer du Japon en éliminant toutes les figures importantes du pays.

 

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Son dirigeant, le chef de la défense nationale, a pactisé avec eux pour faire du pays une nation militaire qu’il dirigera d’une main de fer, et prévoit d’exterminer la moitié de la population avec une arme biologique pour faciliter cette transition. Pendant ce temps les Yankees font intervenir leur propre assassin, M. Brando, qui à l’art de cacher des flingues sous ses manches, afin d’éliminer Yomi qui est trop imprévisible à leur goût. Autant d’informations qui nous sont balancées sans la moindre notion de rythme ou de surprise. Mais est-ce vraiment grave quand le personnage principal est un sosie de Kenshirō en veste croco et coupe mulet, capable de pleurer virilement tout en bandant ses énormes muscles ? Ce manga, qui aurait sans doute dû s’appeler Devil’s Gun ou The Gun of Darkness pour claquer encore plus, est ce que l’on pourrait un plaisir coupable. Une oeuvre que rien ne destine au succès, mais qu’il est impossible de détester. Bien évidemment la chose demeure inédite chez nous comme à l’international, trop obscure pour mériter une sortie officielle en occident.

 

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Heureusement il est possible de compter sur Internet et le travail de quelques fans passionnés, et une petite recherche sur Google devrait vous permettre de facilement trouver la traduction non officielle d’un dénommé SystematicChaos, présentée par les groupes Illuminati-Manga et Hokuto no Gun à travers un scan de bonne qualité du livre. Un don du ciel qu’il convient de partager: jetez-y un oeil pour voir, c’est une lecture rapide et assurément fun. L’essayer, c’est l’adopter !

 

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