Highlander: The Series
The Modern Prometheus
(1997)
“Do you want a tombstone that reads ‘he lived for centuries’,
or one that says ‘for centuries, he was alive’ ?”
Il est intéressant de noter que, même si désormais archaïque, Highlander: The Series a façonné la série télé moderne pour le grand public. C’est à travers elle que les spectateurs ont fini par ne plus suivre un show comme une succession interminable d’épisodes, et à prendre en compte la notion de “saisons” contenant des fils rouges avec un début et une fin. Après quelques talonnements bien sûr, mais avec du temps et le développement d’une fanbase, la production a fini par prendre son envole et abandonner les idées ne menant nulle part. Bien que l’on retrouve toujours les duels entre bons et méchants Immortels, le secret derrière leurs origines et leurs pouvoirs fut de plus en plus exploré, créant tout une mythologie importante qui sera suivie par un public pas nécessairement aussi nerdy que les supporters de Star Trek ou de Twin Peaks.
Bien sûr la série a connue des hauts et des bas avec pas mal d’aventures ennuyeuses et répétitives, voir parfois un peu hors sujet concernant le thème (un remake de Die Hard avec Andrew Divoff, sans le budget ni le décors !), et le fait que les scénaristes n’ont jamais pu prendre de gros risques, donnant lieu à des storylines parfois ridicules (le Dark Quickening qui peut transformer un saint en cruel psychopathe, en une reprise peu subtile du côté obscure de la Force).
Mais le charisme de l’acteur principal Adrian Paul, la musique de Queen et tout simplement le concept même de Highlander forment un cocktail plutôt réussi, permettant de suivre cet univers année après année là où les imitateurs se heurtèrent vite à un mur (The Crow: Stairway to Heaven pour ne nommer que lui). Qui plus est, il fallait compter sur une multitude d’invités appréciables (Brion James, Vincent Schiavelli, Ron Perlman… Franck Dubosc) et des gimmicks comme ce crossover avec Christophe Lambert, héros du film original, ou ce The Modern Prometheus, qui comme son titre l’indique s’inspire du Frankenstein de Mary Shelley. Du moins, en partie. Le scénario s’amuse en effet à lier les origines du roman aux mœurs fantastiques des Immortels, l’écrivaine trouvant l’inspiration en étant témoin d’un combat à l’issue… électrisante.
Pour autant celle-ci n’est pas le sujet de cet épisode. Et non, il n’est pas question d’en faire une Immortelle ! A la place, c’est au poète décadent Lord Byron que s’intéresse l’histoire, et à son comportement destructeur qui n’est pas sans avoir de nombreuses conséquences pour son entourage. Se trouve naturellement revisitée la fameuse rencontre entre Byron et Shelley à la Villa Diodati, qui mena la jeune femme à développer Frankenstein et John Polidori à écrire The Vampyre. Un évènement déjà maintes fois exploré, entre autre avec le film Gothic de Ken Russell.
Comme d’habitude la série mêle le passé et le présent, et du coup l’intrigue se concentre avant tout à notre époque avec les héros habituels de la série: Duncan MacLeod, son ami Joe Dawson et l’énigmatique Methos, éternel depuis si longtemps qu’on ne sait que son véritable nom a été perdu dans le Temps et dont on ne sait pratiquement rien. Le trio retrouve Byron un beau soir alors que celui-ci revient d’un concert, car le poète n’a jamais cessé d’écrire et s’est fait rock-star en utilisant son ancienne identité comme un nom de scène. Si Methos est ravi de le retrouver, MacLeod va vite réaliser qu’il est une très mauvaise fréquentation: arrogant, égocentrique, il commet les mêmes excès qu’autrefois et abuse de l’alcool et de la drogue, le vrai problème étant qu’il n’hésite jamais à embarquer des fans dans ses délires, s’amusant avec leur vie.
L’histoire demeure prévisible: Byron s’amuse à corrompre un jeune guitariste en lui faisant miroiter monts et merveilles, le manipule et le fait sombrer dans les substances illicites. Le Highlander, défendeur de la veuve et de l’orphelin, va vouloir mettre le holà à cette situation mais l’écrivain n’est pas du genre à écouter. Et quand le jeune garçon meurt accidentellement, la confrontation est inévitable…
Forcément le présent semble moins intéressant que le passé et on se moque gentiment de ce cette énième confrontation, d’autant que le cas d’un Immortel dépressif et nihiliste menaçant autrui par ses agissements avait déjà été visité des années plus tôt avec Studies in Light. Forcément l’idée de visiter la Suisse de 1816 est bien plus séduisante, entre le fameux concours d’histoires de fantômes organisé par le poète, les cauchemars de Mary Shelley qui ne s’est jamais remise de la mort de son enfant, la romance qui s’installe doucement entre elle et John Polidori – en fait Methos ! – et ce qui sera le tout premier combat de Byron contre un de ses semblables, alors qu’il est lui-même novice en matière de combat.
Le poète apparait totalement hors de contrôle, grisé par son invulnérabilité et gonflé de prétentions. Il traite Percy Shelley, un lèche-cul, comme un chien, se montre brutal avec la jeune femme qui est sa maitresse, la menaçant avec une arme juste pour la terroriser, et critique son propre travail en public juste pour faire taire ses admirateurs. Un chien fou qui cache en réalité deux secrets: le premier, c’est qu’il se déteste depuis qu’il est revenu à la vie et qu’il a perdu toute inspiration depuis lors (là encore déjà exploré avec une Immortelle pianiste qui n’arrivait plus à jouer après sa résurrection dans un autre épisode). Le second c’est qu’il est tout simplement un psychopathe.
Si cela ne l’embête pas de maltraiter Methos et les mortels qui l’entourent, ou de provoquer un adversaire dangereux en s’envoyant sa femme, il ne tolère pas la moindre insulte à son encontre et réagit impulsivement. Amusant de le voir d’abord refuser un combat en prétextant qu’il est poète et non guerrier, avant de foncer dans le tas aussitôt qu’il se fait traiter d’estropié. Pour autant The Modern Prometheus se garde bien de le montrer comme l’habituel vilain assoiffé de sang ou de pouvoir, lui donnant au contraire une allure pathétique. Et cela va trouver superbement écho dans les scènes du “présent”, où il se montre encore plus survolté qu’auparavant: sociopathe, suicidaire et sans aucune considération pour quoi que ce soit. Il avoue passer son temps à se droguer car se percevant comme vide, creux, et réalisant qu’il est une abomination quand il se regarde dans le miroir – référence subtile au Portrait de Dorian Gray. Il se perche à des hauteurs dangereuses avec des mortels, leur ordonnant de sauter dans le vide avec lui sous peine de ne pas garder contact avec eux, ou s’agrippe à un paratonnerre durant une nuit d’orage en défiant le ciel de le foudroyer.
Et bien sûr, il est totalement obsédé par le mythe de Frankenstein dont il possède un poster gigantesque dans son antre. Car jamais les mots de Mary ne l’on quitté depuis cette nuit fatidique où elle fut témoin de son premier Quickening.
Croyant à une querelle, l’auteure cru voir Byron mourir de ses blessures avant que la foudre ne s’abatte sur lui et ne le fasse revenir à la vie. Ainsi cette jeune femme coincée, que lui et Methos cherchaient à débaucher, va découvrir qui ils sont pour finalement partager le même avis que le poète: ce sont des créatures torturées, des perversions de la nature devant vivre caché sous peine d’être pourchassé. L’idée de son personnage lui vient subitement, comme un flash (et avec une image subliminale de Boris Karloff maquillé), et son roman se trouve être en fait une façon détournée de parler des Immortels et de leur tragique existence. C’est aussi une revanche puisqu’elle s’indigne de voir quelqu’un comme Byron revenir à la vie alors que sa fille est morte à un très jeune âge.
Voilà ce qui rend cet épisode plutôt remarquable par rapport aux autres: l’idée d’explorer le concept de Highlander mais de façon différente de l’habituelle vengeance s’étalant sur plusieurs siècles. La preuve qu’il est possible d’aborder la franchise avec un angle complètement différent, même si cela était un peu trop tôt à l’époque. En tout cas cela surpasse haut la main Highlander: Endgame et Highlander: The Source, ça c’est sûr ! Il y a quelques autres petites surprises comme se mauvais rêve de Shelley où elle rencontre une version démoniaque de son enfant, et le fait que Methos ne sait même pas comment prendre la défense de son protégé.
Il reconnait ses travers et, lorsqu’il cherche à dissuader MacLeod de l’affronter, défend plus son talent artistique que ses valeurs humaines. Les fans de la série pourront apprécier d’en savoir plus sur celui-ci à une époque où il est encore impliqué dans le Jeu tout en cherchant à s’en détacher: est-ce un hasard s’il a choisi de former un Immortel boiteux et donc forcément plus handicapé que les autres pour se défendre ? L’épisode joue d’ailleurs de cette infirmité, offrant au personnage une canne-épée en guise d’arme. Plus tard on le voit brandir un Derringer et tirer dans la jambe du Highlander afin que le mettre “en égalité” avec lui. Autant de petites choses qui élèvent The Modern Prometheus, même si celui-ci accuse de l’âge: une Sonate au Clair de Lune avec un accompagnement à la guitare électrique, des effets de montage obsolètes…
On pourra au passage remarquer que c’est Adrian Paul lui-même qui le réalisa, offrant quelques cadrages inspirés ici et là même s’il lui arrive de se planter (le premier combat de Byron, à moitié décadré). Pas une première puisqu’il s’était déjà essayé à la mise en scène par trois fois auparavant, mais jamais il ne recommencera, Highlander: The Series touchant de toute manière à sa fin. Saluons aussi le travail de Jonathan Firth, comédien britannique qui incarne brillamment Lord Byron et qui évoque désormais beaucoup le vampire Lestat par son look et sa théâtralité, ceci bien avant Entretien Avec un Vampire !
Oh, et parce que si je ne le dis pas quelqu’un d’autre le fera: si l’utilisation de la foudre comme moyen de donner vie au Monstre par le Dr. Frankenstein est extrêmement célèbre, et que c’est toute l’idée autour de laquelle s’articule The Modern Prometheus, il est bon de rappeler qu’il s’agit d’une invention du film de James Whale. Dans le livre, le procédé est totalement différent ! Oups…
“My task is done. My song has ceased.
My theme has died into an echo… It is fit.”
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