Flagellation Mentale, Chapitre 5

FLAGELLATION MENTALE

 

Midi… La matinée c’est achevée et je me sens encore un peu moi‑même… C’est une victoire. Je me rends compte que j’ai pas bouffée un repas correct depuis une éternité.

Et c’est pas près de changer.

Je pourrai faire tout apparaître par la Marelle, mais me voilà en pleine rue sur l’Ombre‑Terre, à entrer dans une supérette. Il y a de tout, alors je prends ce qui me fait envie. Ce petit moment, étrangement, est le meilleur de ma journée. Et c’est presque comme si un vague sourire se dessine sur mes traits, quand j’imagine le goût des aliments.

Un gros monsieur passe. Des gens. On est pas nombreux , mais ça respire l’insouciance et la vie. Un couple.

Vincent…

Une mère et sa fille…

Cynthia…

Et un type louche, tremblant , nerveux. Il porte un imper’ beige et semble cacher quelque chose dessous. Personne ne l’a repéré. Personne sauf moi et l’unique caissier. Puis c’est l’apocalypse pour ces Ombriens. L’homme hurle et brandit un fusil à pompe. Les gens se couchent, la fillette pleure. Le caissier tremble tandis que l’homme s’adresse à lui.

Tires-toi…

Moi j’ai mon sac plein de provisions et j’avance vers lui et la caisse. Il me repère et me hurle de m’arrêter, de me coucher comme les autres. Il dit qu’il va me tirer dessus.

Parfait.

Un camé.

Un déchet.

Un pauvre type.

Un obstacle à exterminer.

Je le regard fixement. Il bafouille. Il est en manque. Il est perdu dans mes yeux verts.

Ça a toujours obsédé tout le monde ça…

Je suis plus petite que lui, mais sur le moment j’ai l’impression de faire trois têtes de plus. Je le domine.

Éradique celui qui t’a ôté ton seul moment de détente.

Son arme commence à pointer vers le bas et il prend peur tandis que j’avance un peu plus. Il tire une rafale, levant à peine son arme.

De la mitraille s’enfonce dans mon corps. Mon ventre est touché. La douleur me fait reculer un instant, mais je ne sens rien de vraiment grave. Ou peut‑être, je sais pas.

“Quel est ton nom, fils ?”

Surpris, il veut tirer encore, mais le fusil est long. Un coup de main l’envoie ailleurs. Maintenant je vais dégainer je pense… ou alors…

Le laisser partir, il n’est pas responsable.

… Je m’amuse. Tandis qu’il bégaye quelque chose et sort un gros revolver pour le pointer sur moi, je souris. J’attrape l’arme par le barillet. Il appuie sur la détente mais ça ne marche pas. Visiblement il ne s’y connaît pas en arme à feu. Souriant encore plus, je colle le canon de l’arme sur mon front.

“Vas y ! Tire ton coup ! Éclate-moi la tête ! Repeints les murs !”

Il écarquille les yeux et plus personne ne prononce un mot. Même la fille ne pleure plus. Ils ont peur. Je le regarde intensément.

“Tu as peur ?”

Il tremble de plus en plus, ses mains ne tiennent presque pas la crosse du revolver. Il me répond par la négative.

“Tu devrais.”

Ma voix est sombre et mes yeux le transpercent. Il s’effondre au sol. Il se pisse dessus. Je le toise et pointe le revolver vers lui. Il est sur le point de crier.

… Non…

Je n’ai plus qu’à appuyer sur la détente et adieu.

NON !

… Je le regarde encore… Quelque chose me pousse à lui laisser la vie sauve.

JE VEUX PAS LE TUER !!!

Pourquoi ? Il n’est pas différent de ceux de tout à l’heure, avec les autres… Lui aussi il en veut à ma vie.

C’est pas pareil ! C’est pas pareil !

… Je le regarde encore…

“Tu veux vivre ?”

Il réussi au bout d’un moment à me dire que oui. Je le fixe encore.

“Je suis le visage de la terreur que tu scrutes sans relâche. Je suis la peur personnifié.”

Il est pétrifié, il ne comprend pas.

“Va. Un mort t’as parlé.”

Je pose son revolver près de la caisse et me désintéresse de lui pour payer. Il se relève et fuit en hurlant. Cet homme ne survivra pas longtemps. Mais pourquoi ne l’ai‑je pas tué ?!

Je veux pas…

Je repars tandis que les autres sont encore trop abasourdis pour bouger. Puis sur le pas de la porte je m’arrête et me retourne.

Est‑ce que tout le monde va bien ?

Ils n’ont rien. Seule la petite fille est debout, me regardant étrangement.

Je lui souris.

“Au revoir ma toute belle !”

Je sors.

J’ai la dalle.

Ça aurait pu être pire.

Je mange. Ils n’existent déjà plus.

Je suis encore bonne à quelque chose l’air de rien.

C’est bon…

… Maintenant l’après‑midi… je crois ?

Perdu dans le temps. Perdu dans la vie. C’est ridicule.

Que faire ?

Mourir ?

Leave a reply

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>