Firepower
(1993)
Figure incontournable du marché vidéo des années 90, la PM Entertainement aura été responsable d’un nombre incroyable de petits films d’action pétardant commandés par les chaines câblées. Dans le lot il y avait du bon et, il faut bien le dire, beaucoup de téléfilms mous du genou servant juste à remplir les grilles de programme sans chercher à se montrer créatif. Pour un Hologram Man ou un Steel Frontier explosif, combien de Repo Jack ou de Cyber Tracker soporifiques ? Surprenant, quand on y pense, que la société soit devenu si populaire malgré cette majorité de titres sans intérêt tandis que son concurrent direct (Shapiro-Glickenhaus Entertainment) mettait le paquet de façon bien plus régulière et faisait appel à des acteurs sympathiques que l’on se plaisait à retrouver d’une production à l’autre (Billy Blanks, Bolo Yeung, Jalal Merhi, Matthias Hues, Roddy Piper). Heureusement Firepower marche sur les traces de ce grand rival en choisissant de se montrer généreux tant sur le casting et le rythme que les péripéties.
Réalisé par Richard Pepin lui-même, le film met en scène le toujours génial Gary Daniels et Chad McQueen (fils de Steve et membre des Cobra Kai dans Karate Kid) dans un buddy movie situé dans un futur dystopique fortement inspiré par New York 1997 et sa scène de combat de gladiateurs. Nous sommes en 2007 (techniquement 2006 et tous les résumés semblent se planter sur ce point, mais bon) et, pour lutter contre un taux de criminalité record, la ville de Los Angeles a créée une zone spéciale où les services de police n’interviennent pas, permettant à tous les délinquants, meurtriers et autres junkies d’œuvrer sans inquiétudes en un même lieu. Mais des années après sa création, la « Hellzone » ne suffit plus aux gangsters qui recommencent à attaquer le centre-ville avant de se réfugier dans leur repaire pour échapper aux forces de l’ordre. Le puissant Swordsman, un véritable géant, semble être le leader de ces incursions illégales, et lorsqu’enfin il se fait arrêter, ses hommes n’hésitent pas à prendre d’assaut le commissariat pour le délivrer.
Nick Sledge et Darren Braniff, deux super-flics, sont bien décidés à poursuivre l’évadé afin de venger la mort d’une collègue, et tant pis pour le règlement. Ils le suivent dans son monde et vont mettre un jour un trafique de contrefaçon du vaccin du Sida, maladie supposément éradiquée des années plus tôt mais qui connait un retour inattendu, le remède coûtant évidemment un prix d’or. Ça et l’habituel tournoi de combats à mort où les participants utilisent aussi bien les armes que les arts martiaux. Comprenant que les deux affaires sont liées, nos héros vont alors se faire passer pour des voyous et s’engager dans la compétition tout en questionnant leur nouvel entourage. Sledge, imbattable, se rapproche toujours un peu plus du grand champion qui se trouve être Swordsman, tandis que Braniff va craquer pour une jolie serveuse qui appartient évidemment au patron de l’arène, lequel est aussi responsable du trafique de médicaments…
On reconnaitra que ce n’est pas vraiment original, mais l’intérêt de Firepower ne repose pas sur son scénario mais sur l’accumulation de petites choses qui composent ce film. L’action est extrêmement variée, combinant crashs et explosions de véhicules, courses poursuites, fusillades avec poches de sang pour les impacts et bien sûr des combats aux corps-à-corps utilisant une multitudes d’accessoires pour éviter d’être redondant. Ceux-ci sont plutôt bien troussés mais c’est vraiment lorsque Gary Daniels entre en jeu que le résultat devient spectaculaire, le karatéka blondinet étant alors au sommet de son talent. Il frime, imite le grand écart de Jean Claude Van Damme, s’amuse à esquiver les coups d’un adversaire tout en restant les bras croisés et assène de nombreux coups de pieds voltigeurs avec une aisance presque indécente. L’acteur semble s’éclater autant que son personnage à combattre dans le Death Ring, ce qui force grandement la sympathie. Il est même étrange que le réalisateur n’en fasse finalement qu’un sidekick, le véritable héros étant en comparaison beaucoup plus ennuyeux avec ses problèmes couples et le jeu endormi de son interprète.
Mais pas le temps de s’embêter car Firepower fonce à toute allure et enchaine les séquences dynamiques et les touches d’humour (volontaires ou non): un hélicoptère fait du rase motte sur une voie rapide, les Hellriders qui dévastent L.A. conduisent des minibus blindés et font tout péter au fusil laser tandis que des effets gores inattendus pointent le bout de leur nez (une main arrachée d’un coup de fusil à pompe, une tête tranchée au katana exhibée à la foule). Les figurants en font des caisses et la mode vestimentaire chez les brigands prête à sourire puisqu’elle combine surplus militaire, équipement de sport et uniforme de bikers sans la moindre cohésion. Tout le monde porte des casques et des tenues rapiécées en jean ou en cuir clouté comme à la bonne vieille époque des clones de Mad Max 2, le bandeau de pirate est très tendance et toutes les filles, serveuses, danseuses ou prostituées, portent des déshabillés sexy. En comparaison la police s’équipe plutôt du côté de chez Judge Dredd avec ces casques à grosses visières noires ne laissant voir que le bas du visage et même ces pistolets high-tech dotés de « smart bullets » qui ressemblent à s’y méprendre aux fameux Lawgivers des comics.
Des petits détails comme ça, servant à rappeler que l’intrigue se déroule dans un « futur proche », il y en a plein: motos lance-roquettes, tatouages code-barres pour criminels, vidéophones et écrans tactiles présents partout. Même le ring est électrifié tandis que les armes s’y débloquent électroniquement à la manière d’un jeu vidéo. En bref, malgré son budget riquiqui, Firepower fait un certain effort pour respecter l’environnement de son histoire et lui donner vie. Ce n’est certes pas grand chose, mais dans ce type de DTV et considérant l’époque, voilà qui est suffisamment rare pour être signalé. D’ailleurs le scénariste a lui aussi voulu marquer le coup en injectant une noirceur surprenante à la dernière partie de son intrigue: à quinze minutes du final, le héros perd à la fois son partenaire et sa femme, assassinés par les bad guys ! Heureusement qu’il lui reste sa nouvelle copine à sauver, sans quoi la conclusion aurait été franchement sinistre…
Tout cela permet de classer le film dans le haut du panier des productions PM, mais il y a un atout supplémentaire non négligeable à mentionner: comme chez Shapiro-Glickenhaus, on retrouve ici plusieurs visages familiers à commencer par celui qui incarne Swordsman, puisqu’il s’agit… du légendaire Ultimate Warrior ! Alors tout juste retiré des rings suite à une utilisation abusive de stéroïdes qui lui valu d’être renvoyé par la WWF, le colosse possède encore sa crinière de lion et sa musculature de titan qui le rend si impressionnant. C’est bien simple: lorsqu’il débarque avec épaulières et grande cape, il ressemble à un personnage tiré d’un manga de Tetsuo Hara, le dessinateur de Ken le Survivant ! Ironique puisque face à lui, physiquement plus mince, Gary Daniels ressemble alors beaucoup plus au héros de cette BD que dans la véritable adaptation qu’il tournera quelques temps plus tard… Comprenant toutes les limitations de grand gaillard pour la comédie, le réalisateur ne lui donne pratiquement aucune ligne de dialogue, laissant sa carrure et sa gestuelle faire le travail. L’amateur de catch pourra même s’amuser de le voir reprendre la gestuelle du Warrior lorsqu’il monte sur le ring.
A ses côtés le chauve mais prestigieux Gerald Okamura, vu aussi bien dans Samurai Cop que dans G.I. Joe et qui compte une bonne cinquantaine de série B dans sa filmographie. Mentionnons également Nils Allen Stewart (Abobo dans Double Dragon), le cascadeur/réalisateur Art Camacho (il a tourné le très appréciable Gangland avec Sasha Mitchell et Costas Mandylor), cette vieille trogne de Joseph Ruskin (vu dans Cyber Tracker et King Cobra), mais encore George Murdock (Dieu dans Star Trek V) et la jolie Alisha Das (héroïne de l’onirique Nightwish, un ersatz de From Beyond) dont les charmes font du bien après un tel étalage de masculinité. Conclusion, Firepower est un DTV extrêmement efficace, à ranger à côté d’un Ring of Fire II ou d’un TC 2000, qui viendra flatter la fibre nostalgique de l’ancien habitué de vidéoclubs qui visionnait ce type de film par dizaines. Honnêtement mon seul reproche tient dans le fait qu’un combat annoncé entre deux lutteurs nommés respectivement Dr. Death et Tumor n’a finalement pas lieu. J’étais vraiment curieux de voir ça !
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