Feeders (1996)

 

Feeders

(1996)

 

 

Venus du fin fond de la Pennsylvanie et ressemblant un peu à Ned Flanders des Simpsons mais en plus bouseux, les frères Polonia comptent parmi les plus grandes vedettes du shot on video. Des réalisateurs cultes du cinéma Z ayant bricolé de petits films avec les moyens du bord depuis leurs adolescences, faisant leur entrée dans le business avec Splatter Farm en 1987. Presque dix ans plus tard débarque ce Feeders, qui demeure à ce jour leur plus gros succès et leur titre le plus célèbre. Une histoire d’extraterrestres surfant sur la mode du Petit Gris et des soucoupes volantes, très en vogue à l’époque notamment grâce au phénomène X-Files. Réalisé conjointement avec leur partenaire régulier Jon McBride, lui aussi un habitué du SOV (Cannibal Campout, dont la fameuse jaquette en aura trompé plus d’un), ce nouveau méfait marche dans les traces de Critters et met en scène de petites créatures très voraces atterrissant sur Terre afin de tous nous dévorer. Une histoire simple que l’équipe tourne en quelques jours seulement avec du matos de location.

 

 

En résulte une petite bande d’à peine une heure qui accumule évidemment toutes les tares possibles du cinéma amateur: prises de son directes difficilement audibles, acteurs non professionnels jouant comme des tartes, décors inexistants (une forêt et la maison des Polonia) et images ayant la qualité d’un caméscope du début des années 90. Bref c’est moche et mal foutu, mais a vrai dire cela fait partie du charme de ce type de production. Certes on a vu bien plus soigné et plus maitrisé (les Things produits par David Serling, c’est du haut standing en comparaison), mais les Polonia n’ont jamais été connu pour leur cinématographie, bien au contraire. En revanche c’est bien le rythme chaotique qui peut poser problème, avec ces longues scènes d’errances dans les bois ou en voiture où il ne se passe strictement rien. Un fait récurrent dans le domaine du micro-budget, aussi bien lié à un manque de maitrise de l’art du montage qu’à la nécessité de gonfler la durée du film par tous les moyens possibles, pour lui faire atteindre la durée réglementaire pour une exploitation commerciale.

 

 

Heureusement Feeders n’est pas ce qu’il y a de plus ennuyeux dans le genre et parvient à divertir suffisamment son public grâce aux nombreuses attaques de ses aliens carnivores qui entrecoupent le roadtrip inintéressant de ses héros, Bennett et Derek. Deux copains en vadrouille pour les vacances qui débarquent dans une petite commune forestière au même moment où une soucoupe volante survole la région. Tandis que plusieurs habitants sont tués et mangés sur place par les envahisseurs, le duo rencontre une victime délirante qu’ils emmènent à l’hôpital puis aperçoit un OVNI dans le ciel avant de tomber en panne d’essence à la nuit tombée. Prit en chasse par une horde d’extraterrestres affamés, ils se réfugient dans une maison isolé où il vont se barricader et se préparer à l’affrontement. Un dernier acte rendant évidemment hommage à La Nuit des Morts-Vivants (après tout nous sommes en Pennsylvanie) au point d’en reprendre la lente exploration de la demeure, découverte de cadavre grignoté incluse.

 

 

Si la première partie du film est la plus drôle, elle est également la plus répétitive avec cinq ou six attaques se déroulant toutes de la même manière. On s’y amuse bien et une ambiance proche du slasher s’installe gentiment, n’empêche que Feeders stagne et n’exploite jamais vraiment l’aspect “science fiction” de son scénario. Si les petits monstres maitrisent le voyage spatiale et utilisent parfois quelques gadgets pour neutraliser leurs victimes, ils se comportent comme de vulgaires animaux, poussant des grognements inintelligibles et se bâfrant comme des porcs, tête la première dans les plaies béantes. Heureusement c’est gore, avec des effets certes rudimentaires mais forts plaisants: tête coupée mais toujours vivante qui se fait gober les yeux, bras arraché découvert à la bougie dans la pénombre, crâne humain sanguinolent avec cervelle apparente et jusqu’à un hilarant squelette en plastique d’Halloween en guise de cadavre rongé jusqu’à l’os. Les Petits Gris ne sont pas en restes et périssent eux aussi dans d’horribles conditions tout au long du film.

 

 

Bennett en massacre un à la faucille avant de cracher dessus par mépris, bottant le cul d’un autre qui s’explose violemment à l’atterrissage, et une demoiselle bien dégourdie écrase une tête sous sa botte avec un flot de sang jaune avant de brûler un autre assaillant à la torche. Malgré les économies le résultat reste efficace et les “feeders” deviennent vite les véritables vedettes du film. En tout cas bien plus que les personnages principaux joués par John Polonia et Jon McBride, totalement transparents. Et ils sont pas mal réussi d’ailleurs, avec leur peau presque métallisées et leurs longs doigts effilés, véritables pantins fait maison et animés à la main. Conçus par Bill Morrison, un collaborateur de J.R. Bookwalter croisé sur The Dead Next Door, Robot Ninja et Zombie Cop, ils n’existent qu’en deux exemplaires même si le script appel à une dizaines de créatures. Ils ont au moins le mérite de posséder chacun une tête sensiblement différente afin que l’on puisse les différencier un peu.

 

 

En revanche leurs bouches sont si petites qu’elles se perdent dans la qualité vidéo, donnant l’impression de voir des carnassiers dépourvues de gueules ou de crocs ! Mais peu importe car ces bestioles restent l’intérêt premier du film en plus d’être au centre des meilleurs scènes, comme ce cadeau surprise à la morgue avec un défunt renfermant un alien jusqu’ici trop occupé à lui dévorer les entrailles pour se dévoiler, qui se libère aussitôt que le médecin de garde à le dos tourné. Ma séquence préférée reste la rencontre avec le pêcheur, une des créatures profitant qu’il regarde ailleurs pour lui faucher son poisson, se barrant en courant avec et poussant un grondement presque moqueur ! Lorsque vient la partie “maison assiégée”, cette ambiance bonne enfant retombe un peu au profit d’un suspense pas si mal géré que ça, entre le crachat de venin venant brûler la main de Derek qui s’infecte salement et la capture de Bennett, alors téléporté dans le vaisseau et soumis à de douloureuses expériences à base de sondes et de vivisection.

 

 

Les Polonia y exploitent même le fait d’être de véritable jumeaux, opposant le personnage ramené sur Terre à son double maléfique créé par les aliens façon Invasion of the Body Snatchers. Si le dénouement de l’affrontement demeure prévisible (Derek est incapable de faire la différence entre son ami et le sosie, devinez lequel il fini par abattre ?), la scène demeure intéressante puisque rarement vue dans le cadre d’une série Z fonctionnant à l’économie la plus totale. La conclusion se permet même d’être atmosphérique et un rien cauchemardesque, montrant la fuite du héros survivant à travers une ville totalement déserte et enveloppée de brouillard. Quant au final, il invoque carrément l’attaque de notre planète par les envahisseurs avec d’adorables stock shots d’immeubles en démolition pour simuler les bombardements. Il alors presque dommage que les soucoupes volantes n’aient pas été faites à l’ancienne, les réalisateurs ayant opté pour des effets digitaux primitifs sans doute trafiqués à l’aide de ce bon vieux Video Toaster.

 

 

L’ordinateur permet aussi de faire disparaitre les acteurs pour les besoins d’une décapitation ou d’un corps avec un trou béant à la Alien dessiné via MSPaint, et quelques filtres négatifs ou psychédéliques simulent la vision subjective des extraterrestres. Même pour du SOV, Feeders est excessivement cheap et cela lui vaut évidemment les rires des spectateurs et les moqueries faciles. Pourtant le film fut un incroyable succès commercial, échappant même à sa petite cible démographique pour envahir les salons des gens normaux ! Car en 1996 le Independence Day de Roland Emmerich fait trembler les salles obscures, et pour profiter du phénomène à moindre coût, le géant Blockbuster (le McDonald’s de la location vidéo, désormais disparu) sélectionna Feeders en guise de substitut comique. L’ancêtre du mockbuster moderne à la Asylum en gros, et prélude à la culture du Nanar de nos temps. Le succès fut tel qu’il permis aux Polonia et à Jon McBride de non seulement produire une suite, Feeders 2: Slay Bells, mais surtout de continuer leurs aventures cinématographiques pour les années à venir !

 

 

Du moins jusqu’à la tragique disparition de John Polonia en 2008, décédé à seulement 39 ans d’un anévrisme de l’aorte. Aujourd’hui encore son frère continue de tourner, perdant hélas d’autres amis en cours de route (Matt Satterly, partenaire avec qui il fondit Cinegraphic Productions), tandis que McBride semble avoir prit sa retraite en 2005 pour ne jamais revenir. Malgré tout la passion demeure et Mark Polonia devrait bientôt sortir Return to Splatter Farm, suite très tardive de son premier film commercial. Sait-on jamais, peut-être que Feeders 3 finira par voir le jour dans un avenir proche !

 

 

 

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