Conton
(1987)
Petit morceau de V-Cinema n’excédant pas les 45 minutes, Conton (ou peut-être ConTon ou Con Ton) sorti de nulle part, refusa d’élaborer et disparut aussi vite, puisqu’il ne connu qu’une seule édition en VHS. De son véritable titre Jûshin Densetsu (獣神伝説, Legend of the Beast God, ça claque mais ça n’a aucun rapport avec l’intrigue), ce moyen métrange est l’unique réalisation du scénariste Takuro Fukuda, alors débutant et désormais surtout connu pour sa participation aux séries Kamen Rider Ghost et Kamen Rider Saber. Ici il semble avoir voulu jouer sur le thème des rêves avec de fortes références à la transformation des choses de Tchouang-tseu, où un homme rêve d’être un papillon et perd toute notion de la réalité, se demandant s’il n’est pas un papillon rêvant d’être un homme lorsqu’il se réveille. Une philosophie au service d’un tokusatsu gore qui tape dans le body horror crade et fou.
L’histoire, confuse et peu élaborée (sans doute volontairement vu les faibles moyens et la courte durée du film), tourne autour de Goh, un adolescent qui souffre d’un rêve récurrent où une créature monstreuse est traquée par ce qui ressemble à des chevaliers démoniaques qui veulent la détruire. Une vision qui le poursuit même lorsqu’il est éveillé, la moindre situation stressante générant des épisodes inquiétants. Et stressé le garçon l’est énormément depuis la mort de son père l’année précédente. Désormais endetté jusqu’au cou et contraint de sécher les cours pour travailler à mi-temps, il se retrouve harcelé par des yakuzas qui en veulent à son argent. Seule sa petite copine tente de le soutenir, mais le manque de sommeil et la peur des gangsters commencent à lui perdre ses repères. Bientôt il va devoir fuir ses créanciers qui lui courent après, se retrouvant dans la même situation que la créature de ses cauchemars…
En fait ce n’est pas une surprise de découvrir qu’un lien unis le héros à l’horrible bête, qui peut-être ne fond qu’un, une séquence à la Freddy montrant Goh se réveiller en douleur après un rêve où le monstre est blessé par les soldats. Conton ne durant pas bien longtemps et son créateur étant encore inexpérimenté, les idées les plus abstraites sont jetées à au visage du spectateur sans trop de subtilité: la copine du protagoniste étudie le Zhuangzi et le bassine avec la question d’identité, le rêveur sculpte une figurine de sa bestiole comme pour lui donner vie et le scénario n’est pas au-dessus de nous faire le coup du rêve dans le rêve, pour nous faire douter de ce qui est réel ou pas. Au moins cela fait pour un joli plan final où ce qui arrive à Goh est reproduit à l’identique à travers la maquette qu’il concevait durant tout ce temps. Mais qu’importe le sous-texte, Conton est avant tout une petite bande déjantée qui propose des séquences très graphiques.
Goh vomi une bouillie verdâtre d’où émerge son propre visage, lequel régurgite à son tour une larve aux mâchoires humaines qui va l’attaquer. Il découvre une tête coupée mais toujours vivante lorsqu’il ramasse un haume médiéval trouvé dans son salon, et lui arrache accidentellement le faciès lorqu’il en tombe à la renverse. Et quand accablé par les yakuzas qui capturent sa petite amie et menacent de la violer, il se métamorphose enfin dans une scène totalement calquée sur celle du Loup-Garou de Londres ! Sa nouvelle gueule continue encore de pousser alors qu’il s’en prend à ses tortionnaires et il devient une sorte de mix entre le Rawhead Rex et un dinosaure, avec de longues épines de porc-épic en guise de cheveux. Sa revanche est évidemment sanglante avec visages épluchés dans un flot de sang et décapitations qui collent aux murs.
Les choses ne seraient pas complètes sans un démon à tentacules (qui embête malheureusement un Goh torse nu au lieu de sa jolie copine), mais on préfèrera le look très dark fantasy des chevaliers infernaux qui poursuivent le héros, sorte de mix entre le robot de Mikadroid et les Slayers de Krull. Ajoutez à cela un écran-titre qui imite celui de The Thing mais en plus cheap et avec le lettrage de Démons, une musique qui imite totalement celle de Phenomena, un sympathique dolly zoom et un moment vidéoclip parfaitement gratuit qui fleure bon les années 80. Les otakus s’intéresseront aussi à la chambre du garçon où trainent quelques jouets comme des kaijūs de Ultraman et Godzilla, et même une figurine Daimajin à peine visible. Un E.T. en plastique traine sur sa table de chevet et un poster de Ghostbusters au logo inversé orne un de ses murs.
Comme pour Guzoo: The Thing Forsaken by God et l’éphémère VZone, Conton est l’unique titre de Zeus, un label de la compagnie Roco qu’il convient de ne pas confondre avec cet autre défunt label du même nom de Giga, producteur de tokusatsu coquins, et ce distributeur homonyme spécialisé dans les gravure idols qui semble lui aussi ne plus être en activité. Résultat, trouver la moindre information à son sujet est un parcours du combattant et, hormis son réalisateur seul l’un des acteurs semble avoir fait carrière par la suite (Kazuhisa Kawahara, ici leader des voyous, qui s’est illustré dans Initial D et Kamen Rider Decade). Cela signifie aussi que se procurer une copie du film est n’est pas chose aisée et les versions bootlegs trouvables sur la toile sont forcément de très qualités. C’est pour cela qu’il convient de saluer l’internaute Isaille1, qui a fait sa mission de préserver et restaurer nombre de raretés.
Ce brave homme a digitalisé sa propre copie, traité l’image, réupscalé le tout et intégré des sous-titres (anglais) via un traducteur professionnel. Du boulot impressionnant et digne d’un vrai éditeur qui permet de profiter de cette perle obscure dans les meilleurs conditions possibles. Merci à lui et espérons que cela encourage d’autres techniciens à faire de même, car trop d’oeuvres intéressantes restent encore inaccessibles de nos jours pour de stupides raisons.
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