Art LaFleur (1943-2021)

 

 

C’est pas des préservatifs qu’il lui faut. C’est une muselière.

 

 

Ce mois de Novembre s’achève et avec lui disparaît ce bon vieux Art LaFleur, dont nous étions sans nouvelles depuis son départ à la retraite en 2017. Acteur méconnu du grand public pour la simple raison qu’il n’a pratiquement jamais eu le moindre grand rôle malgré sa participation à quelques grosses productions, mais il aura su s’imposer auprès des cinéphages et des fans de séries B grâce à un physique imposant et un charisme indéniable lui permettant de se faire remarquer. Spécialisé dans les personnages secondaires, voir même tertiaires, il fit évidemment son pain sur de nombreuses séries télé à la mode depuis le début des années 1980 et on l’y retrouve un peu partout: Alerte à Malibu, Angel, Cold Case, Dr. House, Drôles de Dames, L’Incroyable Hulk, M*A*S*H, Macolm, Le Rebelle, Urgences et même le totalement oublié Wizards and Warriors, un show typé fantasy médiéval plein de princesses en bikini et de vilains sorciers forcément inspiré par le succès de Conan le Barbare. Dans le lot, au moins un chef d’oeuvre: What’s Cookin’, excellent épisode des Contes de la Crypte issu de la quatrième saison.

 

 

Un bijou d’humour noir où se retrouvent – excusez du peu – Christopher Reeve, Judd Nelson et Meat Loaf, ainsi que l’héroïne des Dents de la Mer 3D, tous impliqués de près ou de loin dans le succès fulgurant qu’obtient un petit restaurant de quartier en se lançant dans la cuisine cannibale. Il y joue un policier peu concerné par les multiples disparitions qui secouent la ville, plus intéressé par la bonne assiette que lui offre l’établissement, et puisque la série était produite par les créateurs de L’Arme Fatale, il nous y gratifie de la fameuse réplique “I’m too old for this shit”. Probablement l’une de ses plus célèbres apparitions avec celle du Blob de Chuck Russell, où il incarne un pharmacien exaspéré par les commandes de préservatifs d’ados en rut. Surtout quand il retrouve l’un d’eux chez lui pour partir en rencard avec sa fille ! Enfin il fut également le sympathique McNulty dans la série des Trancers de la Full Moon, un flic du futur surveillant de près les agissements de son collègue Jack Deth qui se retrouve transporté au XXème siècle pour le besoin de quelques enquêtes. En apparence un cliché sur patte tout juste bon à gueuler dès que le héros se montre trop revêche ou trop violent.

 

 

Une idée habilement rattrapée par le scénario qui transporte les protagonistes dans la peau de leurs ancêtres: si Deth conserve pratiquement la même apparence en se réincarnant dans un aïeul journaliste, McNulty se retrouve coincé dans le corps d’une gamine de huit ans, devant faire des pieds et des mains pour esquiver ses parents et rejoindre son complice. Si la saga compte pas moin de six films, on ne l’y retrouve que dans l’original et Trancers II, mais également le court-métrage City of Lost Angels, à l’origine un sketch pour l’anthologie Pulse Pounders que Charles Band annula après le tournage des différentes vignettes, faute de budget pour finaliser la chose. Des années plus tard le producteur fini par ressortir les pellicules de son placard et vendre deux des trois segments à l’unité, histoire de se refaire. Pas un mal pour le coup puisque cela permet d’apprécier une énième collaboration entre LaFleur et le génial Tim Thomerson, interprète de Deth. Car au cours de leurs carrières respectives les deux hommes furent amené à se croiser plus d’une fois, avec notamment l’amusant Zone Troopers, toujours produit par Band à l’époque d’Empire Pictures.

 

 

Dans celui-ci un vaisseau spatial s’écrase en Italie durant la Seconde Guerre Mondiale et l’alien survivant est fait prisonnier par les Nazis. Quelques soldats américains vont tenter de le secourir tout en se retrouvant poursuivit par le Fuhrer lui-même. Le clou du spectacle ? Tel Captain America, Art LaFleur étale Adolf Hitler en lui collant son poing dans la gueule ! Au fil des ans les deux gus se retrouvèrent aussi bien dans des comédies grasses (Blaireaux and Co, avec Brion James et John Goodman), de la parodie de classiques (Jekyll and Hyde… Together Again), de la namsploitation guillerette (Air America, avec Mel Gibson et Robert Downey Jr.), de la bluette (Last Chance, de et avec Bryan Cranston) et du bien sûr du gros B qui tâche (le DTV War Wolves, où cachetonnent aussi Adrienne Barbeau et John Saxon). Ce dernier genre fut justement une véritable terre d’accueil pour l’acteur, pour qui le cinéma était avant tout un métier. On le retrouve alors dans un tas de trucs de qualité variable et dont l’intérêt est surtout de le voir intéragir avec quelques autres seconds couteaux biens connus.

 

 

Citons Best of the Best 4, qui n’a plus rien du film d’arts martiaux mais confronte le héros à Tobin Bell, Coups Pour Coups, film de prison musclé où il brutalise Jean-Claude Van Damme, En Direct du Couloir de la Mort avec cette prise d’otage qui a lieu au moment d’une exécution, le médiocre House Hunting, thriller paranormal avec Marc Singer, le monster movie The Rig, avec William Forsythe et une grosse bête sur une plateforme pétriolière, ou encore The Three Kings avec Lou Diamond Phillips, qui inspira sans doute les Inconnus pour leur Rois Mages, et le téléfilm The Invisible Woman… Dans le lot hélas, il y a parfois du mauvais et même du très mauvais: Ace Ventura Jr, Beethoven 4, le soporifique Keaton’s Cop avec de très vieux Abe Vigoda et Don Rickles (une arnaque de la Cannon où il ne se passe strictement RIEN) ou encore ce gros Z de mauvais goût qu’est Dahmer vs. Gacy, où s’affrontent les clones des deux serial killers. Heureusement qu’Hollywood permet de relever un peu le niveau ! Car notre homme est présent aux génériques de quelques bonnes petites choses comme Ça va Cogner… avec Clint Eastwood (et un ourang-outan).

 

 

Il côtoya Sylvester Sallone dans Cobra, le retrouva avec Tim Curry dans L’Embrouille Est Dans le Sac de John Landis, croisa Eastwood et Burt Reynolds sur le tournage de Haut les Flingues ! et joua avec Bruce Willis et Kevin Pollak dans Otage. Il participa au Sang du Châtiment de William Friekin aux côtés de Michael Biehn et rejoignit on ne sait comment dans le remake américain du Grand Blond avec une Chaussure Rouge, où Tom Hanks remplace Pierre Richard. Étrange aussi de le retrouver dans le rôle de la Petite Souris dans les suites de Super Noël avec Tim Allen, mais il n’y est pas plus mal loti que Judge Reinhold, Martin Short et Peter Boyle. Sa route croisa encore une fois celle de Mel Gibson dans Forever Young et Maverick, et les Wachowskis l’embauchèrent parmi plein d’autres pour leur Speed Racer. Bref, un parcours hétéroclites avec autant de haut que de bas, de bons comme de mauvais rôles et de figurations comme de bonnes secondes places. Dommage toutefois que l’on ne puisse toujours pas voir ce Bring Me the Head of Lance Henriksen, projet annoncé vers 2010 et visiblement annulé depuis.

 

 

Art LaFleur y aurait retrouvé Tim Thomerson pour la énième fois, le casting annonçant également la présence de Adrienne Barbeau, John Saxon, Lance Henriksen et Martin Kove, tous dans leur propre rôle ! L’air de rien cet entourage encapsule plutôt bien le type de cinéma dans lequel évoluait le comédien, en tout cas celui où il semblait le plus à sa place. S’il est évident que le grand public ne versera pas une larme sur son sort – trop inconscient de son existence, il existe tout une population élevée au vidéoclub qui le regrettera et reconnaitra l’importance qu’il a pu avoir au sein de cette catégorie d’acteurs “de second plan”. C’est ce Mercredi 17 qu’il nous à quitté, des suites de Syndromes Parkinsoniens Atypiques. Il avait 78 ans.

 

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