Angel of Darkness
(1994)
“Thanks, you perverted dwarf !”
Dans le milieu de l’animation hentai, nombreux sont les titres étant de simples adaptations d’eroge plus ou moins populaires. La compagnie ELF par exemple loua plusieurs de leurs licences à différents studios pour produire de rentables OVA (Dragon Knight, Él, Isaku, Words Worth, la liste est longue). Pour le profane il sera donc facile de croire que ce Angel of Darkness conçu par Pink Pineapple (melon rose, subtile) est dans le même cas, surtout lorsqu’il existe bien un jeu du même nom sur Windows 95. Mais non, celui-ci fut créé sur le tard et l’anime est donc pour le coup totalement original. De son véritable titre 淫獣教師, ou Injū (sexual beast) Kyōshi (teacher), il fut un franc succès et le premier opus d’une double franchise: celle des Angel of Darkness, qui généra plusieurs épisodes en animation et quelques films live action, et celle moins des Injū, toujours traduit par Darkness en anglais, avec un tas d’autres vidéos du même genre – le fameux tentacle erotica bien connu au Japon, mais sans lien immédiat avec la série principale. Une réussite qui s’explique par son esthétisme plaisant et son mélange des genres inattendu.
Réalisé par Kanenari Tokiwa (Demon Beast Invasion, d’après le créateur d’Urotsukidōji) et avec Kazuma Muraki à la direction artistique (Inma Yōjo 2, Rei Rei), ce premier volet tire tant sur le genre horrifique que l’urban fantasy et oppose traditionalisme et modernité aussi bien dans son intrigue que dans ses scènes de sexe, où les demoiselles sont violées à la fois par les lianes tentaculaires d’une créature ancestrale et par l’équipement de pointe d’un savant fou. L’histoire se déroule ainsi dans une prestigieuse académie pour filles récemment remise à neuve. Durant les travaux une équipe met à jour un ancien sceau dans la forêt qui borde l’établissement, que le vilain Professeur Goda va briser afin de libérer la puissance maléfique qui s’y cache. Il s’agit de l’Injū, créature qui sema le trouble sur Terre il y a bien longtemps, alors que l’Homme vivait encore en harmonie avec la nature et les êtres féériques. Pratiquement indestructible puisque se regénérant via l’énergie sexuelle humaine, il fut finalement vaincu par le Petit Peuple qui s’unit pour l’enfermer grâce à sa magie. Réveillée et toujours malintentionnée, la bête parasite alors son sauveur…
Long d’une quarantaine de minutes, le film élude un peu sur les intentions exact des antagonistes et jamais nous ne saurons jamais vraiment comment le scientifique a eu vent de l’existence de l’Injū, ni ce qu’il comptait en faire avant d’être infesté. De même le scénario passe complètement sur son alliance avec la directrice de l’école et il faut attendre les derniers moments pour comprendre que celle-ci est une simple tordue assoiffée de sexe et de pouvoir au point de faire un pacte avec le Diable pour obtenir ce qu’elle souhaite, mélangeant son sang à celui de la bête pour gagner une force surnaturelle qui n’est d’ailleurs jamais utilisée. Et si cela peut paraître sans importance tant l’intérêt réside dans l’érotisme, le soin apporté à l’ensemble est tel que ces tares se font quand même bien ressentir. Mais tant pis, et Angel of Darkness sait se faire pardonner grâce à ses belles images et ses scènes chaudes qui le rendirent assez mémorable face à la concurrence d’alors. Les couleurs sont vives et stylisées, les dessins fins et adorables, et une ambiance très “aristocratie européenne” ressort nettement du projet.
De la chapelle chrétienne au violon que joue une enseignante pour séduire ses élèves, en passant par l’aspect très »korrigan » des yōkais qui résident dans les parages, l’OVA semble faire sont possible pour gommer les stéréotypes nippons et donner une atmosphère unique à son univers. Bien sûr les pétales de cerisiers pleuvent quand même sur l’école avec l’arrivée du printemps et beaucoup d’éléments très japonais dans l’âme demeurent. Malgré tout beaucoup n’y prêteront pas attention à la première vision puisque c’est l’aspect pornographique qui retient l’attention: les expériences de Goda se déroulent dans le sous-sol du bâtiment, transformée en cave gluante façon ruche Xénomorphe, où réside un incubateur géant qui contient un fœtus Injū nécessitant les sécretions sexuelles de jeunes femmes afin de grossir. Plusieurs étudiantes y sont torturées, violées par tentacules du professeur métamorphosé et soumises par la directrice qui utilise ballgags, cravaches et électrodes pour en faire ses esclaves, tandis leur “essence” est absorbée via un tuyau inserré profondément en elles, les fluides venant nourrir l’Injū.
On remarque l’absence de gros plans et de détails explicites, mais le film compense aisément grâce à ses idées excitantes et sa mise en scène inventive. L’héroïne se retrouve attachée comme Gulliver par des petits lutins qui vont la lécher partout avant de la mordre jusqu’au sang en s’emportant dans leurs désires, une dominatrice aux cheveux de feu laisse des trainées rouges sur la peau de porcelaine de ses victimes qu’elle fouette, leur pinçant les seins et les doigtant avec ses gants en cuir, et les héroïnes lesbiennes font tendrement l’amour dans leur chambre avant de paniquer lorsque quelqu’un vient frapper à la porte. Goda bâillonne ses proies en enfonçant ses appendices dans leur bouche, la sœur d’une des protagonistes est ligotée à une table d’accouchement et se fait introduire le fœtus Injū dans l’utérus afin qu’elle puisse fusionner avec lui et devenir une version femelle du monstre pouvant accoucher d’innombrables démons, et une jolie étudiante toute innocente se retrouve attachée et léchouillée par ses camarades de classes hypnotisées sous la lumière d’un gros projecteur…
La créativité ne s’arrête pas là et Angel of Darkness est blindé de petites choses amusantes ou intéressantes, comme son écran-titre en kanji dégoulinant qui évoque tant du sang que de la semence, les bruitages gluants caricaturaux dès que les tentacules apparaissent, la possession du professeur qui se fait en ombre chinoise durant une nuit d’orage au rythme des éclairs, et bien sûr ce discour sur la modernisation dangereuse du Japon, avec une critique de la déforestation qui fait disparaître les yōkais avec le temps, leur pouvoir protecteur diminuant progressivement. La conclusion montre le gentil elfe Rom se transformer en un arbre titanesque, émergeant de la chapelle moderne en béton pour la détruire complètement. L’héroïne fusionne un temps avec lui pour se mesurer aux vilains, devenant bodybuildée et surpuissante, et elle utilise un bâton de lacrosse pour terrasser l’antagoniste supposément invincible. Le body horror est présent avec les transformations dégoûtantes de Goda qui vomit ou change ses membres en tentacules extensibles, lesquels s’allongent à n’en plus finir, et un bref instant de gore montre la directrice broyer un gnome à main nue en un déluge de sang et de tripes.
Tout ça on le doit sans doute à Yukihiro Makino (storyboardeur et animateur principal sur tout un tas de trucs comme Berserk, Bubblegum Crisis, Kiddy Grade et quelques Gundam et Pokémon), ici crédité comme superviseur de l’histoire originale. A cela se rajoute la musique de Takeo Nakazawa, sincèrement bonne et mémorable, surtout le thème principal qui intervient dès qu’une scène à caractère sexuelle a lieu, et on ne pourra jamais assez complimenter le chara design de Kazunori Iwakura (Burn-Up Excess, El Hazard), très agréable à regarder et donnant aux filles des formes voluptueuses mais jamais exagérées. Considérant cela, il est presque normal que les suites partent dans leur propre direction, laissant ce premier épisode intact et indépendant. Angel of Darkness II, III et IV proposent alors leur propre trilogie, certes basées sur les mêmes thèmes et concepts (école hantée, savant fou, plantes mutantes et étudiantes homosexuelles) mais délaissant la fantasy au profit de l’horreur pur et abandonnant l’imagerie occidentale pour une représentation du Japon bien plus classique.
Une série live action succéda aux OVA avec pas moins de cinq films au compteur, du V-Cinema ultra cheap qui reprend le concept de l’Injū exhumé, mais en limitant à peu près tous les excès de ses prédecesseurs faute de budget. Les producteurs s’inspirèrent principalement de La Mutante avec ces infestés draguant à tout va pour assouvir leurs besoins impies, un des scripts repompant même L’Exorciste avec ce prêtre chrétien tentant d’exorciser une jeune fille possédée. Pendant ce temps Pink Pineapple continua de sortir d’autres animes aux titres et sujets similaires, tous nommés Injū-quelque chose: ce sont Alien From the Darkness (Injū Alien), Bride of Darkness (Injū Nerawareta Hanayome), Idol of Darkness (Injū Nerawareta Idol), Lesson of Darkness (Injū Kateikyōshi), Mission of Darkness (Injū Daikessen), School of Darkness (Injū Onna Kyōshi) et Spy of Darkness (Injū vs. Onna Spy). Tous différents en ton et en style, allant de la comédie grasse à la tragédie sombre, mais tous à propos de grosses bêbêtes sexuellement voraces s’en prenant à de jolies jeunes filles avec leurs tentacules phalliques. Comme quoi, on ne se refait pas.
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