Lily-C.A.T. (1987)

 

Lily-C.A.T.

(1987)

 

 

Imaginez Alien. Maintenant imaginez Alien où le vilain robot et le chat de Ripley ne ferait qu’un, et vous aurez une bonne idée de ce qu’est Lily-C.A.T. (ou リリイ • キャット), petit OAV de 67 minutes désormais plutôt oublié mais qui possède encore une certaine réputation auprès des otakus. La raison pour cela est principalement la présence de Yoshitaka Amano au générique, célèbre illustrateur et designeur surtout connu par chez nous pour son travail sur la saga Final Fantasy, qui s’est ici occupé de conceptualiser le monstre. Mais pour être franc le fait est que cet anime est plutôt bien foutu malgré son budget, débarquant à une époque où les productions japonaises étaient clairement influencées par Hollywood mais avec ce côté edgy qui viendra plus tard définir la pop culture de la fin 90s / début 2000, ainsi qu’une passion pour la machinerie détaillée et la haute technologie. Et puis le projet s’est trouvé un dirigeant très sérieux en la présence de Hisayuki Toriumi (Les Mystérieuses Cités d’Or, plusieurs itérations de Gatchaman) qui fut quand même le mentor de Mamoru Oshii en son temps.

 

 

Celui-ci écrit et réalise, revisitant le film de Ridley Scott mais plus dans l’idée de reproduire le côté low tech réaliste de l’oeuvre que la partie monster movie. Il copie à l’identique les coursives du Nostromo tout en donnant à son vaisseau – le Sadles – un aspect plus réaliste en forme de satellite géant. De nombreuses minutes distillées à travers tout Lily-C.A.T. viennent nous montrer le fonctionnement des générateurs, lumières et moniteurs de l’appareil, retrouvant à merveille l’ambiance lugubre qui émanait d’un tel endroit dans Alien. De son propre aveu, dans la novélisation, c’est ce qui l’intéressait le plus avant que son amour pour la série B ne finissent par prendre le dessus avec la créature décimant l’équipage. Et cela se reflète clairement dans l’intrigue qui, avec ou sans bestiole, demeure bien sinistre. Nous sommes ainsi dans un lointain futur en plein âge de l’exploration spatiale, et des tas de compagnies privées et de multinationales envoient des équipes au quatre coin de la galaxie dans l’espoir de faire de grandes découvertes.

 

 

Sauf qu’il n’existe pas encore de vitesse lumière ou de portails intergalactiques, et les allez-retour durent plusieurs décennies durant lesquels les explorateurs sont placé en hybernation afin de les empêcher de vieillir. Certes ils y gagnent un gros salaire mais en échange ils doivent encaisser cette perte de temps une fois revenu sur Terre, perdant amis et familles ainsi que tout repaire concernant la mode ou la politique. Certains criminels deviennent même adeptes de la chose pour éviter la prison, leurs méfaits étant oubliés au fil des ans. Un portrait de l’humanité peu glorieux se dresse alors, comme lorsque le capitaine avoue avoir plus de 200 ans et s’être totalement isolé du reste de l’humanité à force de voyages, ou quand l’héroïne regrette d’avoir embarqué sur un coup de tête puisqu’elle comptait juste faire une mauvaise blague à une copine lui ayant piqué son petit ami en revenant 40 ans plus tard mais toujours jeune tandis que l’autre aurait alors bien vieilli. Et naturellement l’idée de la compagnie immorale demeure.

 

 

C’est la Syncam Corporation qui tire les ficelles et détourne secrètement une mission pour son propre intérêt. Car alors que tout le monde dors en attendant l’arrivée en orbite autour de la planète LA-03, un robot continue de travailler et surveiller sans jamais s’arrêter. Ridley Scott réintroduira ce concept dans la saga Alien sans même sans rendre compte avec Prometheus et son Michael Fassbender psychopathe, mais le script l’utilise ici pour critiquer l’automatisation du travail et présenter une vision de l’avenir encore plus fataliste. Cette machine c’est évidemment le chat du titre, même si son existence est gardée secrète pendant les deux tiers de l’histoire. Car il y a bien deux félins ici: Lily, le minou de l’héroïne, et le C.A.T. (anagrame ultra grossier pour Computerized Animal-shaped Technological robot), drone de surveillance qui erre dans le Saldes à l’insu de tous et reste en communication permanente avec Syncam. C’est donc lui, en employé fidèle, qui va causer la perte de l’équipage d’abord par accident puis par décision.

 

 

Car une dizaine d’années après le départ, le vaisseau va croiser la trajectoire de débris organiques dérivant dans l’espace. Le robot va tenter d’en récupérer un échantillon pour analyse mais la force de propulsion va provoquer des dégâts, un fragment finissant sa course dans la réserve d’eau du Saldes où il va se dissoudre. Là des bactéries inconnues vont se développer et se propager une décade plus tard au réveil des explorateurs, le réservoir étant utilisé pour l’air conditionnée. Mâlin, Lily-C.A.T. utilise alors son robot pour nous faire croire un temps que le monstre est déjà là, la chose se comportant comme le chien de The Thing en observant tout le monde suspicieusement tandis que le vrai chat est utilisé comme seconde distraction pour garder secrète la véritable nature du drone. Et à ce la se rajoute une sorte de whodunit avec ce message découvert bien trop tard annonçant que deux passagers ne sont pas qui ils prétendent être, la transmission ayant été coupée par l’un des responsables avant que les noms ne soient diffusés…

 

 

Lorsque les voyageurs commencent à mourir les uns après les autres, tout le monde – y compris le spectateur – se demande alors qui est le coupable. Sauf qu’avec une heure pour tout caser, l’OVA ne peut se permettre de vraiment jouer du mystère et l’existence des bactéries est aussitôt révélée par un médecin, tuant dans l’oeuf pas mal de possibilités narratives. A la place se présente la dangerosité de la contamination qui affecte non seulement les humains mais le Saldes lui-même, la maladie provoquant un effet de corrosion rapide qui le détériore de plus en plus. Pire: l’organisme extraterrestre ne tue pas ses hôtes mais les transforme, détruisant ses cellules pour mieux les reconstruires en une masse unique mais protéiforme qui cherche à assimiler tout le monde. Plutôt The Thing que Alien donc, et c’était là encore volontaire de la part du réalisateur même si le design original de Amano (très JRPG dans l’âme) a dû être altéré pour l’occasion, en plus d’être simplifié de base à cause de la différence de style et de technique des illustrateurs.

 

 

La chose évoque un insectoïde noir de grosse taille et doté de piques et de crocs. Du monstre générique comme on en voyait à foison dans les productions japonaises d’alors. Le body horror arrange heureusement les choses à renfort de visions dantesques: Lily se fait dépecer vivante, le réseau artériel d’un type prend vie pour s’échapper de son corps, des cadavres sont visible à travers de gigantesques tubes digestifs externes, et lorsque la bête ouvre la gueule, elle dévoile une langue en forme de tête humaine. Le célèbre double-visage The Thing est repris, et lui pousse un troisième en plein milieu (celui du chat), une jolie fille découvrant sa poitrine pour un scan médical est attaquées par une masse de tentacules sans que cela vire au hentai, et en réalisant sa fin iminente l’extraterrestre utilise les voix de ses victimes pour supplier les survivants de l’aider, sans que l’on sâche si c’est une ruse ou s’ils sont toujours conscients à travers lui. Pendant ce temps C.A.T. vient freiner les efforts de l’équipage pour le détruire.

 

 

L’ouverture d’un sas sur le vide spatial provoque des glonflements faciaux à la Total Recall et le robot imite Terminator dans le dernier acte après avoir été amoché, son visage à moitié arraché pendouillant de son menton tandis que ses parties mécaniques deviennent pleinement visibles. La seule chose qui manque à tout ça est justement la contamination du drone, qui ne devrait pas être épargné par la corrosion et aurait pu être contrôlé à son tours par les bactéries. Toriumi étant sans doute trop occupé à pomper Alien pour y penser: demoiselles en petites tenues à la sortie des caissons cryogéniques, cantine agréable où tout le monde fait causette, duo de réparateurs copié sur Brett et Parker, sans parler d’une Mother Room clignotante où l’androïde communique avec la compagnie… Une fuite de liquide de refroidissement évoque la coulée d’acide post opération sur Kane, des éléments du Saldes explosent dans l’espace après éjection et l’alien évite la mort en se cachant dans la capsule de sauvetage des héros pour mieux cramer à l’extérieur.

 

 

Autant d’emprunts que Lily-C.A.T. aurait pu éviter, car ses propres idées n’étaient pas si mal. Comme le rappel de la gravité légère durant les combats, les personnages utilisant fusil ou lance-flammes devant encaisser un effet de recule, ou ce détail du bruit mécanique des pattes de C.A.T. qui trahit sa vraie forme. D’un autre côté il faut aussi compter sur quelques éléments caricaturaux un peu too much comme ce clone d’Arnold Schwarzenegger qui ne lâche jamais ses armes à feu, ces noms occidentaux qui sonnent faux (Dick Berry quoi) et quelques fautes de goûts comme lorsqu’un riff de hard rock vient ponctuer une attaque du monstre pour seulement quelques secondes. Il conviendra de se raccrocher aux bons trucs, comme ce détective prêt à tout pour ramener son prisonnier malgré la menace, qui place les bactéries mangeuses d’homme sur le même plan qu’un criminel lui tirant dessus, où le fatalisme du commandant de bord qui espérait que ce voyage soit son dernier, lequel possède un briquet où l’on peut lire le message d’une amoureuse sans doute morte depuis une centaine d’année.

 

 

Ce sont ces petites choses que l’on retient au final, et qui viennent rappeler que le réalisateur est également un écrivain. Le protagoniste, étudiant en médecine, prend la décision logique de se suicider pour éviter un sort horrible, pointant une arme sur sa tête avec une impassibilité effrayante et ne retenant sa main que lorsqu’il réalise que le Sadles reste en assez bon état pour faire le voyage retour sur Terre avec la maladie. L’évadé garde une menotte accroché à son poignet à la mort de son poursuivant, respectant jusqu’à la fin sa dédication pour son métier, et la conclusion n’a rien de libératrice puisque si quelques personnes parviennent à échapper à la destruction du vaisseau en fuyant vers LA-03, ils demeurent contaminés et voués à une mort prochaine en plus de mettre les bactéries en contact avec toute une planète. Sans surprise, car sans doute frustré par les restrictions de l’OVA, Toriumi développa son univers à travers une novélisation qui place l’aspect série B de l’intrigue en arrière-plan au profit d’un worldbuilding plus sérieux.

 

 

Si le livre n’est jamais sorti en-dehors du Japon, les applications de traduction mordernes permettent de s’en faire une idée grâce aux critiques nippones et ainsi peut-on apprendre que l’histoire possède un chapitre préquelle se déroulant un jour avant le réveil de l’équipage, mais surtout d’un épilogue se déroulant 43 ans après les faits – le temps d’un nouvel allez-retour où une équipe de secours se rend sur place pour comprendre ce qui s’est passé, ramenant sans le savoir des débris contaminés du Saldes sur un satellite en orbite autour de la Lune. Les origines de C.A.T. sont expliquées et la chose devient assez ironique puisqu’il fut développé par le propre frère de l’héroïne comme outil de protection. Comme dans Prometheus l’idée était d’utiliser une I.A. pour réduire au maximum tout risque d’accidents durant le sommeil des voyageurs, le scientifique ne pensant pas que la Syncam pourrait retourner la chose contre eux à distance. Sa ressemblance avec Lily est aussi présenté comme une blague de la part du staff qui connaissait bien la jeune fille et son félin.

 

 

La conclusion montre le frérot, désormais vieux et ayant succédé à son père comme président de la compagnie, se rendre sur le satellite lunaire suite à la perte de contact avec les 120 travailleurs qui s’y trouvaient – tous évidemment tués par les bactéries. La narration sous-entend fortement sa mort et la contamination de la Terre sans le montrer directement, ce qui est d’autant plus tragique que cela réduit à néant les efforts des protagonistes de Lily-C.A.T. dans la dernière partie. Un bouquin sans doute intéressant puisque mêlant la SF horrifique américaine de vidéoclub aux jeux vidéos japonais lourds d’informations (savoir que le C.A.T. fut un échec commercial pour la Syncam est totalement inutile mais on l’apprend quand même), mais qui est voué à rester dans l’obscurité car il n’intéressera personne. Tant pis et cela nous permettra de s’intéresser un peu plus aux talents derrière l’OVA à la place. Car outre Amano et Toriumi on y croise aussi Yasuomi Umetsu (les sexy Kite et Mezzo Forte) au chara design et la voix de Hiroyuki Okita (le chanteur des musiques de Olive et Tom, alias Captain Tsubasa) dans la bouche du protagoniste. Le Saldes fut quant à lui élaboré par Yasuhiro Moriki, qui travailla l’année précédente sur le similaire Roots Search.

L’amateur d’animes vintage et violents pourra se faire un double-programme plutôt chouette, et se rajouter le similaire mais encore plus dingue Hell Target en guise de dessert. Mais qu’il soit prévenu: dans le genre, il ne fait qu’égratiner la surface.

 

 

 

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