Talisman (1998)

 

Talisman

(1998)

 

 

Débutant sur des tournages de films pornos gays, David DeCoteau a toujours été attiré par les jeunes éphèbes imberbes et réussissait fréquemment à en caser l’air de rien dans ses films (dans Creepozoids, Linnea Quigley n’était pas seule sous la douche souvenez-vous). Si personne n’avait rien remarqué durant les années 80, la fin des années 90 change la donne, montrant un DeCoteau de plus en plus permissif qui allait progressivement remplacer la bimbo aux seins siliconés par l’éphèbe musclé au torse nu. Avec la série des The Brotherhood, des Voodoo Academy et la plupart de ses films de cette époque, David DeCoteau a clairement montré ses préférences en éliminant quasiment l’argument fantastique de ses métrages, en limitant ou supprimant les rôles féminins et en se livrant a du voyeurisme allant parfois un peu loin (de beaux jeunes hommes se caressant langoureusement). Talisman est pour ainsi dire l’un des premiers films de cette période. C’est aussi sous ce titre qu’il va utiliser pour la première fois son pseudonyme de Victoria Sloan avec lequel il va signer d’autres productions Full Moon tournées par la suite (Le Retour des Puppet Master et Shriek la même année, Castle of the Dead). Car malgré le manque de ressemblance (d’alors) de Talisman avec le reste des films de la firme, qui va progressivement s’enliser dans une certaine médiocrité à partir de là, il s’agit bien une production Charles Band même si ce dernier n’est pas crédité au générique.

 

 

Talisman raconte l’histoire d’un jeune garçon, Elias, arrivant à Gornek, un établissement institutionnel international pour garçons construit dans une église. Le jeune homme est hanté par d’étranges souvenirs qui se font de plus en plus explicatifs lors de la progression du film, et qui dévoilent comment ses parents sont morts en tentant un rituel étrange sur la tombe de son grand-oncle Stefan Mastur, avec un vieux médaillon tout moche acheté à la boutique goth du coin, assassinés par un gros type chauve aux yeux rouges. Sur place il sympathise avec un gentil Noir dont la moustache ressemble à celle d’Hitler, se fait l’ennemi d’un méchant gosse de riche et se trouve tout troublé à la vue de la seule jeune fille du coin. Fille de la froide et soupçonneuse directrice de l’école par ailleurs…

 

 

L’histoire ne progresse pas mais on comprend finalement que notre brave garçon est volontairement venu ici pour retrouver sa sœur qu’il n’a pas revu depuis la mort de leurs parents, laquelle lui a envoyé une lettre pour l’avertir que des choses étranges se passent dans l’établissement. Et effectivement, c’est le cas: le type chauve de ses souvenirs et le médaillon tout moche sont présents au sein de l’école et plusieurs personnes se font arracher le cœur de temps à autre. Quelqu’un cherche visiblement à poursuivre l’œuvre de Stefan Mastur, à savoir ouvrir les portes de l’Enfer en invoquant l’Ange des Ténèbres et permettre à l’armée de Lucifer de provoquer la fin du monde…

 

 

Talisman n’est qu’un brouillon du futur Voodoo Academy. Une histoire convenue et clichée à base de sorcellerie où il ne se passe jamais rien en dehors de quelques rituels et messes noires. Du fantastique économique en somme. Ici, il est question de l’Ange des Ténèbres, Theriel, chassé du Paradis pour ne pas avoir voulu s’agenouiller devant Dieu. Et si le médaillon du film le représente comme une espèce de gargouille démoniaque, son apparence dans le film est tout autre: un homme grassouillet qui renvoie immédiatement à l’Oncle Fétide de La Famille Addams ! Pour instaurer la peur on repassera. De plus, notre ange déchu au teint blafard est souvent accompagné d’atroces effets spéciaux qui ne l’aide pas à gagner en charisme: distorsions d’images, yeux clignotant, petites étoiles rouges sur sa main lorsqu’il transperce les corps humains, lumière orangée en surimpression sur son visage… Le pauvre aura beau marcher au ralenti en faisant claquer sa cape, il ne parvient jamais à impressionner. Quand en plus on entend le son de cocotte-minute que font ses mains lorsqu’elles chauffent (parce qu’elles viennent de l’Enfer !) pour mieux arracher et brûler des cœurs, on se dit que DeCoteau l’a fait exprès, ce n’est pas possible autrement.

 

 

Alors la question: comment ouvrir la porte de l’Enfer quand on est situé dans un trou perdu au milieu de nulle part ? Simple. Il suffit de sacrifier sept vies. Problème: avec un casting aussi restreint il y a tout juste le compte, donc hors de question d’enchaîner les morts à la manière d’un slasher sous peine de voir le film se terminer au bout d’un quart d’heure. Alors DeCoteau limite la durée de son film à seulement 72 minutes (il nous a déjà fait le coup autrefois, voyez Creepozoids) et la majeure partie du métrage étant gonflée artificiellement par des ralentis et des prises de vues inutiles sur les décors. Et autant le réalisateur va profiter de ces laps de temps et scénarii prétextes dans ses futurs films, pour se laisser aller à ses penchants, autant ici on sent qu’il n’a pas encore le courage ou la volonté de s’y plier, se contentant de filmer platement un script extrêmement bavard (pourtant signé Benjamin Carr, scénariste de nombreux Full Moon de l’époque comme les sympas Le Cerveau de la Famille, Hideous ! et The Creeps, ainsi que The Killer Eye, Stitches et Sideshow).

 

 

Les séquences relevant du Fantastique sont elles aussi très limitées: passé l’introduction où un étudiant se fait trucider, il faut attendre vingt minutes de présentation des lieux, personnages et intrigue avant de voir une nouvelle apparition de l’Ange des Ténèbres, causant deux nouveaux morts. Encore vingt interminables minutes où il ne se passe strictement rien pour quelques secondes de meurtres ridicules, un quart d’heure de suspense foireux et le final très soporifique et prévisible à l’avance… Au total le film n’a certes duré que 1h12, mais en a semblé le double (!) et seule l’apparition finale d’un démon façon Witchouse vient nous rappeler que l’on regarde ce qui est censé être un film d’horreur.

 

 

Talisman fut tourné en Roumanie pour un budget microscopique (on retrouve par ailleurs le nom de Vlad Paunescu au générique, un des piliers de la production Full Moon et accessoirement technicien ayant bossé sur les Subspecies). Le casting nous le montre d’ailleurs assez bien: trois acteurs américains, les autres ayant été recrutés sur place pour un moindre salaire. La réalisation tente de faire passer la pilule mais rien n’y fait. Que ce soit quand on nous relance quatre fois de suite le même plan d’un type entrain de faire ses pompes dans sa chambre (et dans la même scène !) ou lorsqu’un personnage raconte que quelqu’un fut poignardé une centaine de fois alors que quatre ou cinq coups sont visibles à l’écran, on comprend très bien que tout le monde se moquait éperdument de la qualité du produit. N’ayant même pas assez d’argent pour faire quelques prises de son supplémentaire, la production va jusqu’à insérer des cris préenregistrés (et très reconnaissable) au montage, parfois même simultanément au cri en prise directe des acteurs !

 

 

Talisman c’est aussi une imagerie de la sorcellerie très poussée, avec un médaillon satanique représentant une croix à l’envers sur un pentacle renversé (vraiment maléfique donc), un démon des plus simplistes avec grandes dents et arcanes sourcilières proéminentes en guise de monstre final, du gore furtif à base de jets d’hémoglobine sur le visage et de cœurs arrachés brièvement aperçus (quoique l’on peut aussi noter des yeux crevés avec des pouces, cheap mais très efficace) et surtout les prémices de ce qui va faire la signature du réalisateur avec ces minets faussement viriles et cette scène de musculation entre garçons, gros sous-texte homosexuel à l’appui, prouvant une bonne fois pour toute que notre pervers de DeCoteau est un fétichiste du boxer blanc.

 

 

Au final nous obtenons un navet obtenu à coup sûr volontairement par un réalisateur qui se fout un peu de la gueule du monde tant il ne se foule pas. Alors maintenant, Talisman est-il le pire des DeCoteau ? Il est pratiquement impossible de répondre tant le réalisateur va continuer de livrer des produits tout aussi nuls (La Légende de la Momie 2 par exemple), et de toute façon cela ne change pas les faits: Talisman est une véritable purge qui se regarde très difficilement.

 

2 comments to Talisman (1998)

  • Rigs Mordo Rigs Mordo  says:

    Je l’ai donc en DVD, depuis un bail, mais jamais vu. Bon, ça rassure pas ta chronique mais je m’y attendais un peu je dois dire… Par contre tu dis “les sympas Hideous et Le Cerveau de la Famille”, et bon, admettons pour Hideous, mais Le Cerveau de la Famille à part Jacqueline Lovell et ses jolies formes (elle est a poil tout le film, c’est le seul avantage du truc), le reste est atrocement nul!

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Entendons-nous bien, Hideous, Head of the Family et consort ne sont PAS de bons films. Ils sont ultra cheap, très très court et ne racontent pour ainsi dire pas grand chose. MAIS. A cette époque, la Full Moon produisait surtout des trucs comme ce Talisman, ou Witchouse 2, ou tous les Brotherhood / Voodoo Academy, Shriek, ou Ancient Evil où il ne se passe littéralement RIEN. Le néant. Pas un maquillage véritable, pas un second rôle sympa, pas un plan autrement que de la technique télévisuelle. C’est le level le plus bas de la firme.

      Du coup, aussi nazes soient les autres, ils présentaient au moins un petit quelque chose. Une Jacqueline Lovell toute nue (et qui semblait très amusée de jouer le jeu), un monstre en caoutchouc qui avait au moins un design intéressant, un scénario qui part dans le n’importe quoi, mais au moins il y a une idée, même des tentatives d’humour pourri. Bref, des trucs qui suffisent à raviver un brin l’attention et à se dire “au moins, ce n’est pas Talisman.”

      Je reconnais tous leurs défauts et leur qualité super moindre, mais je reconnais aussi qu’ils ont au minimum 1 élément qui vaut le coup d’œil. Et dans le cas du reste de la production Full Moon, c’était vraiment une aubaine. En-dehors de ça, oui, les films sont déplorables et clairement conçu avec des bouts de ficelles, nous sommes d’accord.

      Le seul que je sauverai complètement c’est Blood Dolls, qui lui est vraiment fou, vraiment marrant et qui semble vraiment avoir fait un effort pour raconter un truc qui change.

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