ROAD TO HALLOWEEN X
Trick or Treats
(1982)
Gare à celui qui pendra ce Trick or Treats pour un vieux slasher tourné en plein boom du genre, car la chose est en réalité une vaste blague. Pas une parodie à proprement parler, mais un farce commise à l’encontre du public par Gary Graver. Plus connu pour ses frasques pornographiques sous le pseudo de Robert McCallum, avec des titres comme Barbara la Barbare et Jeux Sexuels d’une Jeune Fille Gourmande à son actif, il n’a jamais caché son amour pour la série B et l’horreur, épousant l’actrice Jillian Kesner (Firecracker, Raw Force) et tournant des trucs comme Les 13 Marches de l’Angoisse et Moon Scorpio dans son temps libre. Ici il produit, écrit et réalise ce qui semble être l’habituelle histoire du maniaque au couteau frappant durant une nuit de fête, reprenant même à son compte le cadre de Halloween pour profiter du succès encore récent d’un certain film, mais c’st un écran de fumée pour mieux confondre le spectateur et le prendre à revers avec une caricature d’intrigue qui ne prend rien au sérieux et ne cherche ni à choquer, ni à faire peur.
Sur le papier Trick or Treats se rapproche plutôt d’un proto-slasher, avec un bodycount minimaliste et une intrigue s’intéressant plus à la folie du psycho killer qu’à ses méfaits. Ce qui n’est pas étonnant si l’on considère que le genre émergeait à peine et que le responsable n’avait à sa disposition ni effets gores, ni talent pour créer l’ambiance. Ce qu’il avait, c’était l’envie de faire de l’humour noir et d’exploiter le côté trick d’Halloween, où les vilains garnements embêtent le voisinage quand ils ne sont pas satisfait. Un bon concept, associé à un antagoniste original car plus pathétique que terrifiant puisqu’il cherche à se venger de quelqu’un qui lui a causé du tort. Malheureusement l’exécution laisse à désirer tant du côté de l’écriture que de la réalisation, et les comédiens sont en roue libre, improvisant comme ils peuvent. Guère surprenant quand on connait le passif de Graver (Double Penetration 5, quoi) mais le résultat peu faire peine à voir si l’on s’attendait à quelque chose de plus traditionnel.
Cela commençaient plutôt bien avec cette bourgeoise qui fait interner de force son mari à l’hôpital psychiatrique pour s’emparer de sa fortune. Quatre ans plus tard elle s’est remariée et file le parfait amour avec David Carradine tandis que sa victime croupit parmi les demeurés, parfaitement consciente de ce qui est arrivé. Désireux de se venger, le « fou » s’évade le soir d’Halloween dans l’intention de tuer son ex-femme, mais il ignore que le couple est déjà parti à une soirée costumée, abandonnant leur jeune fils Christopher avec une babysitter. Et tandis qu’il se rapproche toujours plus de la demeure, l’enfant traumatise sa gardienne en multipliant les mauvais tours au point qu’elle se retrouve incapable de différencier les coups de téléphone menaçants qu’elle reçoit des autres farces… Une scénario qui construit donc clairement son final, mâchant presque le travail au public lorsque l’héroïne évoque le conte de L’Enfant qui Criait au Loup, et qui n’avait qu’à faire monter la tension en escaladant la guéguerre que se livrent les deux innocents.
Hélas la dernière partie jette tout cela aux orties au profit d’un basique jeu du chat et de la souris entre la jeune femme et l’assassin, et jamais l’idée de base n’est exploitée. Chris est endormi quand débarque le tueur et n’a jamais à convaincre sa babysitter de la menace, et à l’inverse il ne pense jamais que celle-ci tente de le prendre à son propre jeu lorsqu’elle explique la situation, puisque l’intru se révèle aussitôt. Même les vilaines farces du gamins ne grandissent pas en méchanceté, si ce n’est pour celle où il prétend se noyer avant de s’enfuir une fois sa surveillante en pleine crise de panique. Il se contente de l’effrayer avec des masques, des pétards et du faux sang, plus comme un petit garçon en manque d’attention (ce qu’il est, et l’intrigue utilise à peine l’idée) qu’un polisson mal intentionné. En fait il y a là une occasion manqué de rendre Christopher sympathique, livré à lui-même entre un père enfermé et une mère qui l’ignore et le critique pour un rien. Seul son beau-père, censé être cupide et volage, a de la peine pour lui.
La chose est montré à travers un regard que s’échange les deux, comme si l’adulte hésitait à l’approcher, et à l’excitation dont fait preuve le môme lorsque la babysitter arrive. Ses premières farces sont innocentes et on peut voir sa frustration grandir tant la femme s’énerve sans raison après lui. Jamais elle ne lui propose de manger, de regarder la télé ou de lui faire des tours de magie comme il les affectionne, et au final on se range derrière l’enfant tant cette « héroïne » semble narcissique et impatiente. Dommage qu’à l’écran cela se traduise par la répétition des mêmes évènements en boucle: Chris provoque la babysitter, celle-ci tombe dans le panneau et le rouspète, et pendant ce temps le papa fou fait son chemin jusqu’à eux. Répétez pendant une heure jusqu’aux dernières minutes ennuyeuses où les personnages se cherchent dans les coins sombres de la maison, et vous obtenez un film vain et dépourvu d’intérêt. Même le dernier frisson de la conclusion est ineffectif car tiré par les cheveux et expédié à toute allure.
Bref, dire que Trick or Treats est bâclé serait un euphémisme et on ne peut véritablement le défendre. Sauf que Gary Graver se moque éperdument du produit final et veut surtout se marrer un bon coup avec ces copains, traitant la plupart des scènes comme de simples plaisanteries. Le fugitif possède toute une odyssée qui l’amène à se déguiser en infirmière, se faisant alors draguer dans la rue par quelques pochtrons, à braquer des clodos pour leurs piquer leurs fringues et à visiter un bistro pour voler un couteau. Christopher utilise l’équivalent d’un magasin entier de farces et attrapes avec masque de Tor Johnson, faux doigt coupé et guillotine miniature, tandis que sa chambre est un musée dédié à Houdini: le générique crédite carrément Orson Welles comme « Magical Consultant ». L’ambiance Halloween est sincère avec costumes, décorations et trick or treaters en quête de bonbons, le petit héros possède les BO de Maniac et Hurlements dans sa collection et des filles regardent une série Z où un vampire savant fou tente de donner vie à un cadavre façon Frankenstein, avant de se rappeler qu’il a oublié de lui mettre un cerveau !
Le pompon revient aux séquences en psychiatrie, hilarantes tant les acteurs poussent le bouchon le plus loin possible pour agir comme des attardés mentaux. De la bouffonnerie pure à laquelle se rajoutent les apparitions surprises et guest stars, tous cabotins aux possibles: Paul Bartel en clochard confus, David Carradine en pervers alcoolique (!), Catherine E. Coulson (la Log Lady de Twin Peaks) en infirmière nymphomane, mais aussi John Blyth Barrymore (frère de Drew) en Dracula d’opérette et Steve Railsback (Helter Skelter, Lifeforce) dont l’épouse Jacqueline Giroux joue la babysitter. Dans le rôle des parents ennemis: Carrie Snodgress (Furie de DePalma, Pale Rider de Eastwood), dont la propre maison fut utilisée pour la majeur partie du tournage, et Peter Jason (Invasion Los Angeles, Prince des Ténèbres et quelques autres Carpenter), qui sauve le film en jouant la drag queen sans complexe. Quant à Christopher, il n’est autre que Chris Graver, le fils du réalisateur. Tous s’y amusent comme des fous.
C’est peut-être bien cela le plus important, car malgré les longueurs et l’impression que Trick or Treats ne rime à rien dans le grand ordre des choses, cette bonne humeur fini par être communicative et on abandonnera vite l’idée de suivre une histoire pour juste regarder tout ça comme on le ferait des clowneries de potes de beuverie: c’est très con, mais le coeur y est. A ne pas confondre avec les similairement nommés Trick or Treat (1986) et Trick’r Treat (2007) en revanche. Ceux-là sont bien meilleurs à tous points de vue.
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