THE PLEDGE
(USA, 2001)
Réalisation: Sean Penn
Scénario: Jerry et Marry Olson-Kromolowski (d’après le roman de Friedrich Dürrenmatt)
Musique: Hans Zimmer, Klaus Badelt
Avec: Jack Nicholson, Robin Wright Penn, Aaron Eckhart, Tom Noonan, Sam Shepard, Vanessa Redgrave, Lois Smith
Après la découverte du corps d’une fillette victime d’un pédophile, l’inspecteur Jerry Black fait la promesse aux parents de retrouver le coupable, bien qu’il soit à quelques heures de la retraite…
Après The Crossing Guard, Sean Penn traite à nouveau de la perte de l’enfant.
Prenant à contre-pied le polar hollywoodien, le réalisateur ne se focalise pas sur l’enquête mais sur Jerry Black, son personnage principal. L’affaire n’est qu’un prétexte, tout comme la quête de l’identité du tueur. The Pledge narre l’histoire du déclin d’un homme. Déclin commençant par la retraite et finissant dans la folie. D’ailleurs, le film démarre sur un Jack Nicholson devenu fou, répétant sans cesse des phrases inaudibles, perdu dans ses pensées, ce qui nous offre un pied-de-nez aux films policiers stéréotypés et à leurs conclusions en happy end. Là, le cinéaste prend son temps dans la construction. Partant d’une enquête, il fait doucement glisser ce qui est un objectif prioritaire du film au second plan. Et lorsque l’on ne pense plus avoir affaire à un film policier mais à un drame psychologique, de nouveaux éléments font revenir l’enquête sur le devant. Mais ceux-ci pourraient très bien être des mirages, des hallucinations de Jerry Black, vestiges de son passé intervenant dans un présent monotone, le faisant peu à peu déconnecter de la réalité. Ceux-ci se limitent en effet aux apparitions de certaines personnes déjà rencontrées (les parents à qui il a fait la promesse, un enfant témoin) ou à des coïncidences qui sèment le doute (la voiture noire et le “géant” apparaissant sur un dessin de la fillette victime, la gamine de l’héroïne qui s’habille comme toutes les victimes: robe rouge et cheveux blonds). Toutes les possibilités sont envisageables et l’ancien policier peut aussi bien avoir tort que raison.
Comme toujours, Sean Penn use de ralentis, qui suivent ici la folie progressive de Black. Ainsi, avant même que l’enquête ne soit commencée, que le corps ne soit découvert, on sent qu’il n’est pas en accord avec lui-même lors de la fête pour sa retraite. Il apparaît comme décalé par rapport aux autres, la caméra se focalisant sur lui. C’est pour échapper à cela qu’il va participer à l’enquête au début de l’histoire.
C’est ainsi que tout le long du film, le retraité reste dans cet état, au bord de la folie, et surtout solitaire, sans personne pour véritablement l’accompagner dans son périple. Cette solitude est formée par une sorte de “trinité” de regard sur ce personnage: le regard de l’acteur, Jack Nicholson offrant un jeu sans sourire carnassier (pour une fois), construisant un individu psychologiquement torturé par le comportement humain (le meurtre) et la fin de sa carrière (la retraite, synonyme de vieillesse). Le regard du réalisateur, voyant en Jerry Black un personnage isolé (par deux fois divorcés, sans parler de la fin de sa relation avec l’héroïne), jusqu’au point de faire une scène le montrant dans un bar, regardant à la télé l’enquête qu’il vient de commencer, et semblant considérer sa propre silhouette comme celle d’un parfait inconnu.
Et le regard du spectateur, doutant parfois de lui, au point même de se demander s’il ne serait pas le meurtrier (après tout, ne pêche t-il pas dans un endroit semblable à celui où l’on a découvert le corps au générique de début ?). La musique elle-même, magnifique, s’ajoute à la mélancolie ambiante et à la solitude du personnage. Encore une fois, Sean Penn met en guest stars des amis: Benicio del Toro (méconnaissable) en indien attardé, Mickey Rourke, saisissant en père bouleversé par la disparition de sa fille, ou encore Harry Dean Stanton en pompiste. Sans parler de sa propre femme, Robin Wright Penn, dans le rôle de l’héroïne.
The Crossing Guard et The Pledge prouvent l’angoisse du réalisateur quant à l’idée de pouvoir perdre son propre fils. Dans ces deux films, les personnages principaux correspondent à une part de Sean Penn. Quant à Nicholson, il semble être la représentation idéale du réalisateur.
Parvenu en compétition du Festival de Cannes 2001, The Pledge fut en concurrence avec la Palme d’Or, La Chambre du Fils de Nanni Moretti, et ne reçu aucun prix, le jury marginalisant une fois de plus ce cinéaste. Un film touchant, prouvant aussi l’assagissement de Sean Penn, qui vieillit lui aussi, à l’image de Jerry Black.
LA SCÈNE: La scène finale, déjà présente au début du film, lorsque Jerry Black devient fou alors qu’il était sûr de lui quant à la vérité sur toute l’affaire. Saisissant moment que Sean Penn tient de son grand-père, qu’il a vu progressivement décliner lorsqu’il fut à la retraite, la vie n’ayant alors plus aucun sens pour lui…
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