The Ghost Writer (1990)

 

The Ghost Writer

(1990)

 

 

Ces derniers temps j’ai plusieurs fois évoqué mon absence de considération pour le sitcom, et si l’on ne me surprendra jamais devant une rediffusion de Friends, je dois avouer avoir une certaine fascination pour le format. D’une part parce qu’il fonctionne sur le principe de narration perpétuelle, permettant aux scénaristes de générer des histoires en boucles avec un simple roulement de protagonistes sans avoir à s’embarrasser de logiques ou de justification. Un concept bien permissif qui engendre parfois des merveilles d’absurdité de la part d’auteurs prêt à tout pour capter l’attention du public. De l’autre parce qu’une fois sortie du traditionnel feuilleton familial, le genre a engendré d’innombrables rejetons étranges et inexplicables, comme ce Heil Honey I’m Home ! qui suit les aventures d’Adolf Hilter dans un cadre comique et contemporain. Sans être aussi fou, The Ghost Writer est lui aussi un représentant de ce côté obscure qui mérite l’attention.

 

 

C’est Anthony Perkins, légendaire interprète de Norman Bates dans Psychose, qui est à l’origine du projet. Ayant débuté en tant que comique avant que le film de Hitchcock ne le transforme en icône de l’Horreur, il se sentit de renouer avec l’humour à une époque où sa carrière stagnait dans l’épouvante télévisuelle (La Fille des Ténèbres, Psychose 4 et Robe de Sang, tous la même année) et contacta le producteur/scénariste Alan Spencer, immensément populaire grâce au succès de sa série Sledge Hammer ! (chez nous Mr. Gun), pour développer quelque chose. Ses exigences, simples, furent toutes acceptées: que le show soit tourné live devant une véritable audience, et avec plusieurs caméras afin de donner un aspect sincère à l’émission. Fut ensuite décidé de donner dans la comédie horrifique très légère histoire de jouer avec l’image de marque de l’acteur, et The Ghost Writer gagna alors quelques décors gothiques et effets spéciaux théâtral pour faire bonne mesure.

 

 

Le pilote, écrit par Spencer, s’intéresse au romancier Anthony Strack, un spécialiste de la littérature horrifique qui vient tout juste de se remarier après la mort accidentelle de sa première épouse, survenue dix ans plus tôt. La nouvelle venue, Elizabeth, découvre bien vite que son mari n’a pas vraiment fait son deuil et qu’un gigantesque tableau de la défunte trône dans le salon. Pour ne rien arranger, leurs enfants respectifs acceptent mal la situation et en rajoutent à la tension: Cindy, la fille de Madame Strack, est persuadée que son beau-père est un meurtrier et Edgar, le fils de l’écrivain, passe son temps à la terroriser. Les choses empirent lorsque Elizabeth, dans un accès de colère, décroche la peinture de sa rivale d’outre-tombe, provoquant la panique d’Anthony qui est persuadé que son fantôme hante les lieux… Autant de thèmes relativement sérieux qui vont passer à la moulinette du burlesque et du calembour.

 

 

Chaque dialogue est sacrifié au jeu de mot de façon outrancière, pour un résultat bien souvent pas très fin mais efficace lorsque délivré avec le bon timing. Anthony Perkins semble prendre particulièrement plaisir à déclamer ces imbécilités avec la meilleure diction possible, rendant même la blague la plus pathétique sympathique à l’oreille. La comédie de situation n’est pas en reste, mais c’est là que The Ghost Writer se révèle comme un sitcom un peu autre, faisant des choix parfois surprenant. Comme cette relation clairement affichée entre Edgar – 15 ans – et sa gouvernante, sosie de Magenta du Rocky Horror Picture Show. Une scène montre également l’adolescent se couper la tête avec une guillotine par pure dépression, et le script sous-entend qu’il ne s’agit pas d’une farce, et temps pis si aucune explication n’est donné quant à la réapparition du personnage quelques instants plus tard.

 

 

Ces instants de violence et de sexualité, bien que parfaitement inoffensifs et présentés comme de simples sous-entendus, tranchent sacrément avec le reste des sketches et ont tendance à débarquer sans prévenir. Naturellement le but du pilote était de faire une comédie noire façon La Famille Addams où ce genre de circonstances surréalistes arrive fréquemment, mais le scénariste ne parvient pas à intégrer naturellement ces séquences dans le reste du récit et donc celles-ci apparaissent comme démesurées vis-à-vis du ton général. Quelques exceptions demeures, comme la scène du repas où un cochon grillé se met subitement à couiner comme s’il était encore une vie lorsque la servante se met à le découper, et l’improbable conversation entre Anthony et son épouse morte mais revenue à la vie par jalousie. L’ancien couple fini par faire la paix et, à défaut d’un baiser, entame une dernière danse… faisant aussitôt perdre un bras à la revenante décomposée.

 

 

The Ghost Writer dispose évidemment des drôleries plus traditionnels et on se surprend parfois à sourire, comme lorsqu’un ambulancier venu soigner Elizabeth parvient à obtenir un autographe de M. Strack alors qu’il semblait lui présenter un document administratif, ou devant les titres de certains livres de l’écrivain (Am I Dead or Just in Pittsburgh ?). Tout n’est pas bon, loin de là, mais il y a pire ailleurs et les personnages sont parfois touchant. Ainsi une conversation dans un cimetière brumeux entre le père et le fils est bien plus réussie qu’elle ne devrait l’être, et la conclusion montre avec tendresse le héros essuyer une larme pleurée par la peinture de son ex-femme. Inattendu mais tout à fait à l’image d’Anthony Perkins, dont le charisme naturel fonctionne à plein tube (cathodique) malgré la stupidité de l’ensemble. Il est d’ailleurs assez bien soutenu par un casting talentueux dont on reconnaitra quelques membres.

 

 

Le garçon jouant Edgar n’est autre que Joshua John Miller, l’enfant vampire de Aux Frontières de l’Aube et victime mémorable de Halloween 3 (il est aussi le scénariste du sympathique slasher meta Final Girls). Leigh Taylor-Young, qui joue Elizabeth, n’est autre que l’héroïne de Soleil Vert et les plus attentifs reconnaitront le méconnu Kurt Paul, qui fut la doublure de Perkins dans Psychose 2 et 3. Le bonhomme aura joué plus d’une fois sur ce fait, devenant un Norman Baines dans K2000, Norman Blates dans Sledge Hammer ! et enfin Norman Bates lui-même pour un autre pilote de série infructueux, le Bates Motel de 1987. Plus incroyable: David DeCoteau, inoubliable auteur de Creepozoids, Puppet Master III et A Talking Cat !?! se trouve être l’un des producteurs ! Tout ceci fait regretter que The Ghost Writer n’ai pas su trouver sa place à la télévision américaine, même pour une saison, pour voir ce qu’une telle équipe aurait pu accomplir.

 

 

L’air de rien le décor était original, gigantesque manoir occulte rempli à ras-bord de crânes, grimoires, planchettes Ouija et d’instruments de torture, et certains effets n’étaient pas si mauvais malgré le budget ridicule, comme lorsque Judith se déplace sous terre façon Tremors de sa tombe à la bâtisse, ou lorsqu’elle émerge de dessous les escaliers où elle a trouvé la mort auparavant, sous la forme d’un squelette portant une robe de mariée. Le public présent pour la représentation live aurait été très enthousiaste et le synopsis de la série écrit par Alan Spencer appelait pour de fréquentes incursions dans le surnaturel: chaque épisode aurait montré Anthony Strack, victime de blocages d’écriture, recevoir la visite de fantômes et de zombies dont les tribulations lui servirait d’inspiration. Diffusée une seule fois uniquement en Août 1990, le pilote ne fut finalement pas retenu et n’a jamais connu la moindre réédition officielle depuis lors.

 

 

Seule une workprint disponible sur Internet permet de témoigner de son existence, encore que celle-ci comporte des scènes qui furent coupées durant la programmation originale en plus de ne pas être complètement achevée, manquant le générique de fin et des plans extérieurs de la maison servant de cadre. Au rayon des coupes sombres citons une séquence ou Strack visualise une idée pour son roman, un mort sortant de son cercueil pour étrangler son frère venu présenter ses respects, et une rencontre avec un gardien de cimetière nommé Paul Bearer que la WWE n’aurait sans doute pas laissée passer. La chaine ABC trouva le sitcom trop sombre pour sa grille de programme et la Fox fit l’impasse en sachant que le showrunner travaillait déjà sur un autre show à l’époque (The Nutt House, avec Mel Brooks), craignant qu’il ne pourrait pas porter toute son attention sur The Ghost Writer. Des excuses officielles auxquelles il faut rajouter des non-dits plus embarrassant.

 

 

Car cette même année Anthony Perkins découvre qu’il a le SIDA et, malgré toute sa discrétion, son état de santé ira en faiblissant avec le temps. On a tendance à l’oublier maintenant, mais les malades d’alors étaient souvent dénigrés et considérés comme responsable de leur propre malheur. Il est donc probable que cela ait joué dans la décision finale de ne pas poursuivre la production du sitcom, même si nous ne saurons jamais la vérité. Triste constat pour le business du divertissement.

 

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