Terrordrome 2, un échec annoncé

 

Huracan Studio est une petite compagnie de jeu vidéo indépendante et, disons-le clairement, insignifiante. Il est par ailleurs difficile de savoir sur quels jeux ses membres ont travaillé, en-dehors des récents Land of Labyrinth et T-Rex: Eat and Run qui ne sont même pas terminé: nul doute que c’est surtout la création de modèles 3D et la créations d’assets pré-programmables qui lui permet de survivre, cependant il faut lui reconnaitre au moins un projet personnel qui se sera fait connaitre dans le monde entier: Terrordrome: Rise of the Boogeymen, un improbable jeu de combat réunissant les plus grandes icônes du cinéma d’horreur moderne ! A l’origine un simple hobby qui a fini par se faire remarquer et remporter l’adhésion d’un grand nombre de fans des différentes franchises, grâce au soin véritable apporté à l’ensemble. L’idée est fortement inspirée de Mugen, un éditeur 2D permettant de récupérer des éléments jeux vidéos (sprites, décors) pour les incorporer en une sorte grosse compilation customisable, vous permettant de créer votre propre jeu de combat. Des personnages de Street Fighter 2 et Mortal Kombat peuvent ainsi s’affronter dans les arènes d’un Dragon Ball Z. Toutefois les responsables conçoivent un jeu moins grossier et plus impressionnant grâce à leurs graphismes 3D, et après neuf ans de développement (de 2005 à 2014), ce sont pas moins de treize personnages qui peuvent s’affronter dans des duels à mort délirant.

 

 

Ce sont Freddy Krueger, Jason Voorhees (humain ou zombie), Michael Myers, Leatherface, Chucky, Ash des Evil Dead ou encore le chef Cenobite Pinhead. A leurs côtés se trouvent d’illustres collègues autant appréciables: Candyman, Pumpkinhead, le Tall Man de Phantasm, Herbert West version Jeffrey Combs de Re-Animator et même Matt Cordell, le Maniac Cop. Personnage gag, le Ghostface de Scream est bien présent, l’intrigue précisant qu’il est incarné par tout un tas de personne différente. D’autres apparaissent également dans le mode Histoire à travers des images et des blocs de textes (Predator, Alien, Warlock, et à ce titre l’épilogue de Ghostface, qui se fait entuber par le Djinn de Wishmaster, est hilarant). Chacun est doté d’un stage inspiré des décors de ses films et des coups spéciaux reprit à un moment fort de leur carrière. Même la “psychologie” des protagonistes est respectée, les monstres muets n’émettant pas de bruitages hors-propos tandis que les Boogeymen furtifs comme Michael Myers ne peuvent pas courir. Mais le détail qui a vraiment permis à Terrodrome de se faire une réputation, c’est qu’il est à 100% gratuit ! Une obligation en fait, puisque l’utilisation de différentes licences empêche toute exploitation commerciale possible. Et a vrai dire même en l’état, Huracan a eu quelques démêlés avec des studios comme Orion ou la Warner Bros. qui désiraient retirer leurs propriétés intellectuelle du produit final…

 

 

Dans tous les cas, et parce qu’il est un peu unique, le jeu reste appréciable pour ce qu’il est malgré quelques défauts évident. S’il reste encore joli visuellement, le gameplay demeure limité et les écrans du mode Histoire font plutôt brouillon avec leur police en résolution baveuse et les images pixellisées qui illustrent les textes. Le fait est que les programmateurs ont réalisé tout ceci avec les moyens du bord et qu’ils n’ont pas les ressources de Capcom ou de Namco. On peut arguer que cet aspect un peu perfectible du jeu sied tout à fait au sujet et possède même un certain charme, pour autant il est clair que ce résultat ne peut absolument pas concurrencer les jeux AAA dans le rayon jeux vidéos de la FNAC, ni même les produits de qualité trouvables en Streaming.. Huracan, malgré toute sa bonne volonté et sa passion, reste à certain stade d’amateurisme qui ne lui permet pas de s’élever. Et pourtant, le succès de Terrordrome fait évidemment naitre des idées et des espoirs, et durant les neuf années de productions vient naturellement l’envie de gagner un peu d’argent sur ce projet. Impossible avec ce Rise of the Boogeymen, mais pourquoi ne pas refaire la même chose avec des personnages inventés ou libre de droits ? Ainsi né Terrordrome 2, un successeur spirituel plus qu’une véritable suite, qui reprend le concept à l’identique avec un nouvel engin plus performant, pour un produit qui sera cette fois disponible à la vente.

 

 

Huracan y croit dur comme fer, probablement très motivé par le succès du reboot de Mortal Kombat en 2011, et sa suite de 2015, qui incorporaient Freddy et Jason en personnages bonus. En fait cela semble même avoir blessé leur égo puisqu’ils iront déclarer dans une FAQ que les gars de NetherRealm leur ont carrément “piqué leur idée” sans qu’ils n’aient leur mot à dire ! Leur incapacité à développer rapidement ce nouveau jeu les oblige a avoir recours au crowdfunding avec une campagne sur Kickstarter, et le lancement est d’abord prévu pour Décembre 2015 avant d’être abandonné, faute de démo convaincante et de contenu détaillé. L’équipe fait un break, revoit son projet puis revient à la charge en Novembre 2017… pour mieux annuler encore une fois. C’est finalement en Mars 2018 que Terrordrome 2, rebaptisé Terrordrome: Reign of the Legends, est mis en route avec pour but d’atteindre un financement de 83 000$. Manque de bol, la démo n’est pas convaincante et l’idée de base ne fonctionne pas vraiment. Les combats de monstres c’est bien, mais les créatures génériques ne sont pas aussi intéressantes que les icônes de la pop-culture ! Reprendre le nom Terrordrome sans garder ce qui en a fait sa renommé est une grossière erreur qui a fait perdre l’intérêt de beaucoup. Résultat, avec seulement cinq jours restant avant la date butoir, la cagnotte n’a ramassée que 6000$. Les stretch goals, s’étalant à plus de 100 000$, sont évidemment à oublier.

 

 

Quel est le problème alors ? Et bien malgré un nouvel engin plus performant et des personnages plus détaillés, cette nouvelle version s’avère beaucoup moins fun. S’il est amusant de voir Ash pourrir Chucky, ou Pinhead se chamailler avec Leatherface, qui a vraiment envie de voir Dracula affronter le Monstre de Frankenstein dans un décors triste pour la énième fois ? D’une part le nouveau roster n’apparait pas très convaincant, mais en plus le scénario se veut presque trop sérieux, trop premier degré par rapport à l’opus précédent. Ainsi l’histoire tourne autour d’une guerre secrète que se livrent Dracula, qui a établit un véritable empire au fil des siècles et dirige désormais une multinationale (à la manière de Dracula Vit Toujours à Londres), et le descendant de Van Helsing, un aventurier et chasseur de monstres qui cherche à l’arrêter. Lorsque le jeu démarre, le vampire cherche à dominer le monde en asservissant les êtres humains et son adversaire se prépare à lancer l’assaut contre lui, avec des alliés d’origines surnaturelles. Outre Dracula et cet Alex Van Helsing qui évoque plus les comics des années 90 que le personnage de Bram Stocker, on retrouve le Monstre de Frankenstein (qui ici se nomme juste Frankenstein car il se considère comme l’enfant légitime de son créateur) et le Dr. Jekyll, qui se transforme évidemment en Mr. Hyde (un sosie de Bruce Lee de 2m de haut !). Voilà pour les personnages “classiques”, un loup-garou et une momie étant prévu pour les saisons 2 et 3 de DLC.

 

 

Viennent ensuite les légendes urbaines, anciennes ou modernes, avec Bloody Mary, la Dame Blanche, le Sasquatch et Neverman, qui à l’origine était bien le Slender Man, mais il faut supposer qu’il y a eu un changement pour des raisons quelconques. Plus tard devraient théoriquement arriver Mothman et le célèbre alien Petit Gris. Puis il y a la classe mythologique qui se contente pour le moment du Wendigo, même si Krampus et Baba Yaga ont été annoncé en cas de succès. Reste enfin une classe “libre” permettant aux programmateurs d’inventer leurs propres monstres, et son seul représentant est T.H.I.S., qui n’est rien d’autre qu’une pâle copie du Pennywise de Ça (ou IT, tout en majuscule, dans la V.O.) avec le côté polymorphe de The Thing pour justifier ses transformations. Devrait suivre un Android et un Reptilian qui n’évoquent pas grand chose. Alors il n’est pas inintéressant de retracer une sorte d’Histoire de l’Horreur en tapant dans des personnages autant moderne qu’ancien, et dans le meilleur des mondes Terrordrome 2 avec ses trois saisons pourrait être une incroyable réunion de monstres de toutes les époques, mais le fait est que ces combattants font pâles figures face aux monstres de cinéma que l’on connait. La faute peut-être aux designs pas toujours inspirés, trop conventionnels, qui ne donnent pas envie. Et c’est dommage car il reste deux invités surprises qui eux auraient fait de ce second volet le digne successeur du premier !

 

 

Pour plus de 105 000$ étaient prévu un nouveau Herbert West, celui de l’histoire originale de H.P. Lovecraft, qui est l’opposé total de la version Jeffrey Combs (grand, blond et calme), et surtout la géniale Cassie Hack, héroïne de la série de comics Hack/Slash, apparemment gracieusement prêtée par Tim Seeley, son créateur. Un personnage qui aurait été parfait dans le jeu original, mais qui ferait tout aussi bien ici puisque incarnant la figure traditionnelle de la Final Girl des slashers. L’y voir tabasser Dracula ou la Dame Blanche avec sa fidèle batte de baseball est une idée séduisante qui, elle, donne envie de jouer à ce Terrordrome 2. Dommage que l’état du financement de la campagne tue dans l’œuf toute possibilité d’inclure ces deux là, qui auraient pu servir de super tremplin pour le jeu ! Outre ces DLC, le manque de backers compromet également les objets servant de contrepartie et de merchandising. Devaient être produit une B.O. en vinyle (The Record of Horror), un artbook (The Dark Book) et une jolie statuette du Neverman. Et dire que Huracan caressait le doux rêve d’une forte participation, leur permettant de créer de véritables cinématiques et de rendre cette suite disponible sur PS4 et X-Box One… Mais pas d’inquiétude. Malgré l’échec évident de cette campagne, rien n’empêche l’équipe de repenser son concept et de le proposer à nouveau. Qui plus est, plusieurs modèles et décors ont déjà été finalisé pour la démo disponible: dans le pire des cas, ils pourraient toujours être recyclé pour le jeu original en guise de suppléments.

Pour ça il faudra quand même espérer que la fierté des programmateurs n’en prennent pas un nouveau coup, mais après tout leur premier volet a mis neuf ans avant de voir pleinement le jour. Terrordrome: Reign of the Legends évoluera peut-être lentement aussi. Affaire à suivre d’ici la fin de la semaine !

 

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