Star Crystal
(1986)
Lorsqu’une conversation s’oriente sur Alien et ses multiples clones de vidéoclubs, les titres les plus évoqués sont les productions de Roger Corman Mutant et La Galaxie de la Terreur, deux films bien souvent ridiculisés par leurs détracteurs en raison de leur budget rachitique, de l’amateurisme de leurs effets spéciaux et de certaines décisions scénaristiques surprenantes. Étrangement ces gens là ne semblent jamais évoquer Star Crystal, un autre avatar au rabais du film de Ridley Scott qui partage pourtant les mêmes problèmes… et les amplifient au centuple. Pensez ce que vous voulez des œuvres évoquées ci-dessus, elles demeurent malgré tout de petites séries B certes conçues avec les moyens du bord mais aussi avec un minimum de professionnalisme devant ou derrière la caméra. Star Crystal est lui d’un tout autre niveau d’incompétence et mérite bien plus l’appellation “nanar” que ses célèbres prédécesseurs.
Réalisé et écrit par un Lance Lindsay dont il s’agit du premier long métrage et qui n’avait rien d’autre à son actif qu’un rôle minuscule dans un épisode d’une série télé oubliée, le film pèche dans pratiquement toutes les catégories, de l’acting au montage en passant par la mis en scène. Tout ici transpire l’absence totale de moyens et d’expériences, provoquant l’amusement à force de mauvais choix et d’incompréhensibles intentions. Pas nécessairement une critique étant donné que cela permet de supporter le scénario mollasson où il ne se passe pas grand chose entre chacun des meurtres commis par la créature extraterrestre qui rôde dans le vaisseau spatial. Le bodycount est d’ailleurs très léger avec seulement trois victimes, toutes tuées de la même façon et principalement hors champ, et il faut savoir que ce sont seulement les vingt dernières minutes qui valent la peine de suivre l’aventure jusqu’au bout.
Le spectateur ignorant risque bien de s’arrêter avant, mais ça serait dommage car le retournement de situation final est si incroyable qu’il justifie totalement la vision de Star Crystal. Tout commence de façon bien routinière cependant, avec cette expédition organisée sur Mars par la NASA. Nous sommes en 2032 (et pas 2035 comme le prétend le poster) et des chercheurs découvrent un étrange minerai enterré sous le désert rouge. La roche est ramenée à la navette et celle-ci va éclore comme un œuf, libérant un cristal ainsi qu’un d’embryon gluant qui va grandir pour devenir une grosse limace qui brille dans le noir. Lorsqu’un dysfonctionnement de l’ordinateur central coupe l’arrivée d’oxygène, tout l’équipage trouve la mort à l’exception de la créature. Deux mois plus tard l’appareil retourne à la station spatiale la plus proche et une enquête sur l’incident est aussitôt ouverte. Hélas la base tombe elle-même victime d’un réacteur défaillant et bientôt tout explose.
L’intrigue s’intéresse évidemment au groupe de rescapés ayant trouvé refuge dans la navette qui abrite le petit monstre. Bloqués au milieu de nulle part, les survivants n’ont pas assez de nourriture pour tenir durant le long voyage retour vers la Terre et l’engin n’est même pas conçu pour atterrir. L’absence de véritable commandement désorganise toute leur hiérarchie et l’isolation spatiale engendre la panique chez certains. Autant d’éléments emprunté au récit catastrophe qui ne sont jamais exploités, puisque à peine sont-ils évoqués qu’ils disparaissent au profit de l’habituel schéma slasheresque de l’ersatz d’Alien. Les personnages s’affairent, se séparent et tombent comme des mouches à chaque confrontation avec le passager clandestin qui utilise des tentacules épineux pour leur sucer le sang, ou peut-être leur injecter son propre mucus (on ne sait pas bien), abandonnant leurs corps momifiés derrière lui.
Plus problématique encore est l’intelligence de l’extraterrestre qui semble pouvoir pirater l’ordinateur de bord, couper les communications avec les secours et même protéger la navette d’une pluie de météores à l’aide d’un champ de force qui ne devrait pas exister. Surprise: le mollusque n’est pas un simple animal agressif mais un être d’intelligence supérieure capable de télékinésie, et son cristal est une sorte de terminal lui permettant de consulter et calculer n’importe quelles données. Plus incroyable ? Il n’est pas sanguinaire mais au contraire pacifiste ! Ses actions violentes n’étaient que défensives et ce sont les humains qui l’attaquent en premier à chaque fois (sans doute parce qu’il est très moche). Nommé Gar, il prend sur lui de se renseigner sur l’espèce humaine et fini par découvrir notre système de croyance, allant jusqu’à avoir une révélation en lisant le Nouveau Testament ! Plutôt surprenant de voir le Xénomorphe de service subir une transformation spirituelle et devenir une sorte de E.T. Born Again chrétien…
Sans surprise Star Crystal est principalement connu pour cette révélation délirante qui a effectivement pour elle de ne jamais avoir été vu ailleurs. Et honnêtement pendant un bref instant le film devient sincèrement intéressant avec la démonstration de pouvoir de la limace et le récit de sa version des faits. Les personnages se retrouvent à devoir travailler ensemble pour survivre, ce qui n’est pas sans rappeler un peu la série Star Trek où l’équipage devait gérer avec diplomatie des situations similaires, et l’aspect repoussant de Gar est contrebalancé par ses yeux de cocker globuleux mais attendrissants qui lui donne des airs de Bourriquet dans Winnie l’Ourson. Mais bien sûr il ne faut pas compter sur ce film pour faire montre de retenue, et les choses dérapent aussitôt avec une musique guillerette et des séquences improbables: Gar joue aux dames avec les héros et utilise ses pouvoirs mentaux pour leur passer le sel lors du repas !
Un petit côté Lassie dans l’espace qui ne peut que faire rire, surtout si l’on repense aux cadavres desséchés qui trainent encore dans les autres pièces de la navette. Des comme ça il y en a plein, et il semble parfois que le scénario et la mise en scène sont en compétition pour livrer le plus de conneries possible. Comme cette station spatiale utilisant une maquette de Millenium Falcon en guise de texture futuriste ou la reprise des violons de Psychose au synthé lors des attaques du monstre. L’héroïne est inexplicablement hostile envers le personnage principal durant tout le film, et ce dernier se montre lui-même très désagréable vis-à-vis de Gar alors qu’ils sont supposément amis (“Why is he such a jerk ?” demande la limace à la scientifique). Les fans de Star Trek remarqueront ce fameux appareil à tubes laser qui était déjà le sujet d’un gag dans Y a t-il Encore un Pilote dans l’Avion ? tandis que le film se conclut abruptement sous la larmoyante chanson Crystal of a Star chantée par Stefani Christopherson, qui fut la voix originale de Daphné dans Scooby-Doo !
A cela se rajoute le montage chaotique où les voix des acteurs ne suivent pas toujours leurs lèvres, une base intergalactique simulée par un building tout à fait ordinaire avec musique d’ascenseur et employés en costards-cravates, et le nom stupide donné à l’ordinateur central – Bernice – évidemment copié au Mother d’Alien. Même le générique de fin s’y met, nous promettant que le film a entièrement été filmé dans l’espace et que le doubleur de Gar est une bestiole surnommée le Gling ! Bref, Star Crystal est un véritable festival de n’importe quoi soutenu par le jeu particulièrement mauvais de ses comédiens, et la seule chose que l’on peut véritablement lui accorder est sa façon de ne dévoiler que progressivement sa créature, avec notamment quelques gros plans répulsifs sur sa bouche et ses yeux. L’œuvre de Lance Lindsay mérite ainsi plus légitimement la qualification de nanar que La Galaxie de la Terreur ou Mutant en cela qu’elle correspond à l’étymologie du terme: profondément mauvais, mais assurément sympathique !
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