Spider-Man (2002)

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Spider-Man

(2002)

 

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Avant toutes choses remettons les choses au clair: ce Spider-Man cuvé 2002 n’est pas la première adaptation cinéma du Monte-en-l’air et celui-ci avait déjà une belle carrière derrière lui avant cela, avec tout un tas de productions live action. Citons la série The Amazing Spider-Man des années 70, dont certains épisodes furent combinés pour former trois films, le feuilleton tokusatsu de la même époque qui accoucha d’un long-métrage en guise de spin-off, un apparition non officielle dans 3 Dev Adam, délire turc qui l’associe à un faux Captain America et un faux Santo, et quelques fanfilms d’avant Internet comme celui du bisseux Donald F. Glut et celui du cascadeur fou Dan Poole, qui accrochait vraiment des cordes aux immeubles pour s’y balancer comme le super-héros. Naturellement ces versions restaient très limités par leur budget et ce qui leur était alors possible de faire en terme d’effets spéciaux, et aucune n’y montre ce que les lecteurs de Marvel pouvaient trouver dans chaque mois dans leurs revues. En confiant les rennes de ce nouveau projet à Sam Raimi, Sony prit la meilleure décision de toute sa carrière, le style délirant du réalisateur d’Evil Dead collant parfaitement à la nature comic-book du sujet.

 

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Il l’avait déjà prouvé auparavant avec Darkman, un peu le prototype de ce blockbuster par bien des aspects, et même si sa folie visuelle se retrouve atténuée par rapport à ses débuts (contrôle hollywoodien oblige) le résultat est pour ainsi dire parfait, la caméra virevoltant comme il se doit autour de Spider-Man durant ses acrobaties, et l’humour slapstick fonctionnant à merveille tant lors des combats que des séquences humoristiques. Mais plus que ça, on sent que le metteur en scène est sincèrement fan du personnage et a lu ses aventures lorsqu’il était plus jeune. Si plusieurs idées sont tirées de déclinaisons récentes comme Ultimate Spider-Man, c’est clairement le golden age et les vieilles BD qui sont à l’honneur ici, avec une représentation finalement assez vieillote de Peter Parker du temps où il était perçu comme un geek célibataire, un vilain plus nécessairement à la mode et depuis dupliqué en quinze exemplaires dans les magazines, et un triangle amoureux à la Archie Comics absolument plus représentatif de la vie sentimentale et sociale du protagoniste dans les années 2000. Et cela passe très bien grâce à la nature d’origin story du script.

 

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Le jeune Peter est donc un paria dans son lycée, rejeté de tous, constamment moqué et humilié par ses camarades. Orphelin, il vit avec sa tante May et son oncle Ben, et ne possède qu’un seul ami, Harry Osborn, qui a ses propres problèmes avec son père Norman, scientifique de génie et directeur d’une grande compagnie qui ne lui accorde que peu d’intérêt. C’est lors d’une visite dans un laboratoire que l’adolescent est mordu par une araignée (génétiquement modifiée plutôt que radioactive, et combinant ici les caractéristiques de plusieurs espèces), sujet d’expérience s’étant fait la malle. La structure ADN du garçon est modifiée et celui-ci gagne d’incroyables pouvoirs qu’il va découvrir progressivement: adhérence aux murs, force surhumaine, légère précognition l’avertissant du danger, et capacité de lancer de la toile résistante par des poignets. Grisé par ces changements, Parker gagne confiance en lui et espère bien impressionner Mary-Jane, sa belle voisine et amie d’enfance pour qui il a toujours craqué. Mais tout bascule lorsqu’un voleur, qui avait croisé sa route et qu’il a laissé fuir, tue Ben.

 

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Le jeune homme devient Spider-Man, un super-héros patrouillant dans New York pour aider son prochain. Une double-vie qui n’arrange en rien sa situation et qui va empirer lorsqu’apparait le mystérieux Green Goblin (connu autrefois chez nous sous le nom de Bouffon Vert), psychopathe costumé qui va semer la terreur en ville. Celui-ci n’est autre que Norman Osborn, devenu fou après l’injection d’un sérum destiné à améliorer le potentiel de l’être humain. Equipé d’une armure high-tech et d’une aile volante, celui-ci assassine ceux qui lui ont causé du tort. Les deux vont inévitablement s’affronter et les choses vont se compliquer au fil du temps, Norman finissant par découvrir la véritable identité de son adversaire. Pendant ce temps Harry rompt avec Mary-Jane qui se rapproche de Peter, May fini à l’hôpital après une confrontation avec l’antagoniste et l’autoritaire J. Jonah Jameson, dirigeant du Daily Bugle pour lequel travail Parker, commence une campagne de diffamation contre le Tisseur sans raison particulière ! Un programme bien rempli pour seulement deux petites heures, et pourtant ça marche.

 

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Rien ne semble précipité et les différents éléments sont bien balancés, ce qui pourra paraître évident aux spectateurs d’aujourd’hui habitués aux films de super-héros ultra soignés, mais ne l’était pas du tout à l’époque. Chapeau à David Koepp (L’Impasse, Jurassic Park et le Dark Angel avec Dolph Lundgren et Matthias Hues) qui ce faisant aida le genre à sortir des limbes de la médiocrité dans laquelle il était coincé depuis le Batman de 1989, à l’exception de ses prédecesseurs Blade et X-Men dont le succès permis justement le développement de ce Spider-Man. Combiné à la mise en scène de Raimi, cela transforme le film en un bulldozer de créativité: Spidey est projeté par le souffle d’une explosion comme Ash est poussé par la force maléfique au début de Evil Dead 2, le Green Goblin est traité comme une seconde personnalité avec conversations par miroir interposé (l’idée fut ensuite volée par Peter Jackson pour Gollum dans Le Seigneur des Anneaux, alors qu’on peut la retracée dans Evil Dead 2 le temps d’un gag visuel), les proies d’Osborn sont désintégrées jusqu’au squelette façon Mars Attacks !

 

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Les transitions sont intéressantes (les débris d’une explosion devenant le lancé de chapeaux d’une remise de diplôme), les plans “comics” sont légions (la chute de MJ se réfléchissant sur les lentilles du costume du héros) et on retrouve quelques plans subjectives dont Scott Spiegel s’était rendu maitre, dont certains du Monte-en-l’air en l’air alors qu’il se balance de gratte-ciel en gratte-ciel. La famille Raimi est évidemment présente (Bruce Campbell en annonceur de catch qui donne son nom au héros, Ted Raimi en assistant de Jameson, Scott Spiegel en flic, la Delta 88 en voiture de Ben inévitablement maltraitée durant une course-poursuite) et tant qu’à faire on retrouve même un plan truqué volé à Darkman, qui montre les synapses de Peyton Westlake lors d’une crise de nerfs, recyclé pour simuler la mutation génétique de Parker (avec de petites araignées en CGI rajoutées pour faire cache-misère). La même séquence utilise aussi un stock shot de L’Au-Delà de Lucio Fulci, avec le gros plan d’une tarentule issue de la séquence où un type se fait bouffer les yeux ! Et que dire de ce bref plan de Osborn avec des yeux blancs comme un Deadite ?

 

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Au jeu des références cela va parfois même un peu loin, comme lorsqu’apparait sur un mur le dessin du même oiseau rouge que Nicolas Cage porte en tatouage dans Raising Arizona des frères (et membres du clan Raimi) Coen, mais les fans auront de quoi trépigner tant ont les brossent dans le sens du poil. Les bombes citrouilles de Gobby sont bien là, le Tisseur place ses appareils photos stratégiquement pour capturer ses actes et les revendre au Bugle, la mort de Gwen Stacy est révisée avec MJ, laquelle surnomme Peter “Tiger”, et Betty Brant fait une apparition au journal. Le Dr. Connors est mentionné, de même qu’un photographe nommé Eddie bossant pour Jameson, et si Spider-Man est ici doté de webshooters organiques, la toile ne sort que lorsqu’il fait son fameux signe de la main comme dans la BD…Quant à l’héroïne, top modèle séduisante dans les magazines, elle est ici aussi présentée comme une déesse, l’actrice paradant dans des tenues sexy: T-shirt court à large décolleté, petite jupette, robe chinoise serrée et robe mouillée par la pluie dévoilant des tétons durcis sous le tissu.

 

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Enfin il convient de mentionner le soin apporté à la période catcheur de Spidey, avec l’apparition surprise du Macho Man himself dans le rôle d’un hilarant Bone Saw McGraw surgonflé aux stéroïdes. Celui-ci est accompagnée de Bone-ettes musclées en bikini de cuir tandis que la foule montre un tas d’affiches délirantes (“File under D for Dead” dit l’une tandis qu’un type exhibe une gigantesque scie en carton). Difficile de ne pas penser à Naked Man, co-écrit par Ethan Coen, lorsqu’apparait une collection de lutteurs haut en couleurs en backstage et que le héros perturbe le combat en utilisant ses pouvoirs (bonne idée que le cage match pour cela d’ailleurs). De quoi donner envie que Sam Raimi fasse un film sur le sujet ! Hélas tout n’est pas parfait contrairement à ce que la majorité pense et Spider-Man accuse de quelques défauts, petits et grands, qui peuvent malgré tout irriter, à commencer par le costume du Green Goblin qui, comme tout le monde s’accorde à le dire, fait très Power Rangers. Si je serais le dernier à critiquer une oeuvre pour donner dans le tokusatsu, il faut reconnaître que ce choix étonne.

 

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C’est d’autant plus incompréhensible que les behind the scenes ont révélés une autre version plus fidèle et très impressionnante, qui aurait parfaitement collé à l’univers rétro voulu par Sam Raimi. Autre élément qui interpelle, l’appelle à l’unification du peuple New Yorkais contre le terrorisme. Débarquant très peu de temps après les attentats du 9 Septembre 2001, le film avait déjà vu l’un de ses teasers être censuré pour simplement montrer les Twin Towers en arrière-plan. Et donc, alors que le Monte-en-l’air est connu pour être un héros rejeté comme les X-Men, en raison de son image médiatique peu reluisante, il se retrouve ici adulé par une foule qui va jusqu’à le défendre contre Norman Osborn dans le dernier acte, avec une réplique peu subtile à cet égard (“You mess with one of us, you mess with all of us !”). Spider-Man 2 se montra encore plus insistant sur le sujet, transformant Peter en une figure christique qui, inconscient, se retrouve porté par une foule, les bras en croix. Certains dialogues frôlent parfois la ringardise de Batman & Robin (“It’s you who’s out, Gobby. Out of your mind !”) et la musique de Danny Elfman est en auto-pilote.

 

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Celui qui avait produit la musique iconique de Batman et s’était déjà revisité sur Darkman livre une score si banal que l’on en retient aucune mélodie particulière, aucun Spider-Man theme fredonnable, tandis que certaines tonalitées gothiques sonnent hors-sujet devant l’univers coloré de Spidey qui n’est pas vraiment comparable à celui du Dark Knight (à moins de prendre en compte le costume noir ou la vision de Todd McFarlane au début des nineties, qui n’est pas du tout la période ciblée par le réalisateur). On pourra toujours se rattraper avec la chanson promotionnelle Hero de Chad Kroeger, le chanteur de Nickelback, mais pas sûr que cela plaise à tout le monde. Au moins le casting est impeccable, Tobey Maguire faisant un Peter Parker pas nécessairement raccord avec la version moderne du personnage mais totalement “Raimi” dans l’âme (en gros, un idiot). Un petit bémol quand même sur son Spider-Man qui ne plaisante jamais, ce qui est tout de même une sacré trahison, mais que voulez-vous… Kirsten Dunst est adorable et jolie à regarder, et J.K. Simmons est si parfait qu’il semble être né pour jouer J. Jonah Jameson.

 

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Mais c’est Willem Dafoe qui est la vraie star ici, cabotinant à mort et flirtant plus d’une fois avec le ridicule (un vrai “bouffon” donc), mais se montrant si divertissant qu’on lui pardonne tout ses excès – mieux, on les applaudits ! James Franco se montre en revanche plutôt transparant dans un rôle finalement très banal et en retrait, et il fallu attendre les suites pour le voir s’épanouir un peu plus. Parmi les figurants on trouve aussi quelques apparitions surprises comme Octavia Spencer en hôtesse d’accueil sarcastique, Lucy Lawless en punk de rue, le cascadeur Dick Warlock, alias Michael Myers dans Halloween II, en “man on the roof”, et bien sûr Stan Lee, à peine visible mais qui protège une petite fille durant l’attaque de la parade par le Green Goblin. Hors caméra, Kevin Feige aurait fait office de producteur exécutif sans être crédité. Pas de bol, celui qui l’est, Avi Arad, profita du succès du film pour s’imposer comme principal architecte des adaptations Marvel suivantes. Cela nous valu quelques belles déconvenues comme Daredevil, Elektra, Les 4 Fantastiques avec Jessica Alba et les deux Ghost Rider, et au bout de quelques années la Maison des Idées décida de créer sa propre compagnie – Marvel Studios – afin de réctifier tout ça, avec Feige comme chef d’orchestre.

 

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Spidey quant à lui connu deux suites toujours sous la direction de Sam Raimi, avant que Sony ne prenne la pire décision de sa carrière (disons l’une des pires) en le virant du quatrième opus prévu parce qu’il souhaitait prendre son temps pour bien le préparer. Devant le refus de son équipe de continuer sans lui, il fut décidé de rebooter la franchise avec deux désastreux Amazing Spider-Man qui durent composer avec l’hostilité du public et des réécritures foireuses visant à créer un univers cinématographique qui rivaliserait avec celui de Kevin Feige. Quelques temps plus tard Sony fut contraint de prêter les droits du personnage à ce dernier afin de survivre suite à de nombreux échecs financiers, pour un second reboot bien plus accepté. Près de vingt ans après ce premier Spider-Man, Sam Raimi a rejoint l’écurie Marvel pour Doctor Strange 2 tandis que Tobey Maguire a reprit le rôle de Parker dans un crossover improbable où il croise ses successeurs. Désormais on évoque la possibilité d’un Spider-Man 4 qui réunirait l’équipe originale pour conclure les choses convenablement en dépit des décénies passées. La vie imite l’art, dit-on. Qui aurait cru en 2002 que les choses deviendraient aussi alambiquées dans la vraie vie que dans un comic-book ?

 

You know, I’m something of a scientist myself.

 

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