Spawn (1997)

 

Spawn

(1997)

 

 

L’adaptation d’un comic-book au grand écran n’est pas chose aisée et le résultat confine plus souvent au ratage qu’à la réussite. Spawn est de la première catégorie, cumulant tous les défauts possible et imaginables et transformant l’œuvre glauque et malsaine de Todd McFarlane en gros navet aseptisé et politiquement correct.

L’histoire ne reprend que grossièrement celle de la BD. Ainsi Al Simmons, tueur à la solde du gouvernement américain, se fait assassiner par son patron, Jason Wynn. Ceci afin que son âme rejoigne les rangs du Malebolgia, le démon qui règne sur l’Enfer et qui monte une armée pour conquérir la Terre. Celui-ci propose à Simmons de retourner parmi les vivants pour revoir sa femme Wanda, avec pour condition de tuer Jason Wynn. Il accepte mais découvre alors que son corps est celui d’un brûlé vif méconnaissable et qu’il c’est passé cinq ans depuis sa mort. Cinq années durant lesquels son meilleur ami Terry a finalement épousé Wanda et a même eu une enfant avec elle. Désespéré, Simmons se voit poussé dans sa mission par le mystérieux Clown, un nain obèse, grotesque et pervers, envoyé par Malebolgia pour le surveiller. Sous la douleur et la rage, le soldat est à deux doigts d’agir lorsqu’il rencontre alors le mystérieux Cogliostro qui lui révèle que Malebolgia avait tout planifié et que la mort de Wynn ne servirait qu’à apporter l’Apocalypse sur Terre, via un virus mortel diffusé dans le monde entier. Une catastrophe qui permettrait à l’armée de l’Enfer d’entrer dans notre monde. Cogliostro demande donc à Simmons de se rebeller contre son maître…

 

 

Faisant abstraction d’un grands nombres de détails afin de ne garder que l’essentiel du sujet, Spawn commet cependant l’erreur de narrer son histoire de façon linéaire, à la place de celle découpée en flashbacks des comics. Grave problème puisque le film élude ainsi un grand nombre d’évènements-clés, par ailleurs pas tous dévoilés à l’époque en raison du rythme de parution du Spawn papier. Certes, pour ce qui est du film lui-même cela pourrait ne pas être important, mais pour tout fan de base du comic-book, ça se révèle être extrêmement désagréable car bien trop simplifié.

 

 

Et pourtant ce changement (bouleversement) du système de narration est le plus petit défaut du film. En terme de récit tout d’abord, il faut voir comment la totalité de l’œuvre originale est adoucie. Là où Spawn imposait un univers très adulte où la vulgarité et la violence sont ancrés dans le quotidien, et où l’on critique les médias, la politique et la religion, l’adaptation filmique se débine complètement faute à des producteurs trop peureux pour oser choquer et voulant vendre l’anti-héros de McFarlane comme un simple super-héros, afin de rendre le film plus accessible et donc faire plus grande recette. Une erreur monumentale et très souvent répétée dans les adaptations de comics. Spawn perd toute sa force, toute son essence, et sonne creux. Dépouillée de sa personnalité, de son âme, l’œuvre de McFarlane devient une farce grotesque, oubliant alors de plaire aux véritables fans (public de base) et s’adressant avant tout aux enfants. Un comble pour une BD horrifique très loin de l’héroïsme d’un Superman.

 

 

Édulcoré, le film l’est dans tous les sens. Sur les origines de son héros tout d’abord, qui plutôt qu’être persécuté par divers freaks et ne découvrant ses pouvoirs que très progressivement lors de scènes généralement très gores, nous n’avons ici que le basique récit initiatique du super-héros avec toutes les étapes que cela implique: découverte de sa nouvelle nature, refus des responsabilité, l’acceptation de soit et la conclusion sur la véritable naissance du surhomme héroïque. Pas question de sombrer dans la violence et l’ambiance dépressive, tout le reste est du même acabit. Ainsi le langage vulgaire est totalement évincé du film et pas une seule insulte n’est prononcée, ni même par Spawn ou Violator pourtant tous deux pas très tendres dans la BD. A la place nous avons droit à quelques répliques hautement ridicules, comme cet incroyable “Là où je t’envoie, c’est tous les jours Halloween”. Bien évidemment le nombre de morts est réduit au minimum syndical et Violator ne tue pas une seule personne du métrage, même lorsqu’il vient à attraper un pauvre clochard pour l’envoyer valdinguer ou… lorsqu’il s’en prend a un petit chien ! Bonjours le respect: comment croire un seul instant qu’un démon de plusieurs mètres de haut et lâché en pleine ville se contente de jouer à cache-cache avec Spawn dans une toute petite ruelle plutôt que de tout dévaster autour de lui ?

 

 

Mais l’outrage ultime c’est quand même de voir notre Spawn se faire coller dans les pattes deux sidekicks via un petit chien (Spaz, qui aura su reconnaître son maître et décidé de le suivre – le cliché ambulant du chien de compagnie de la famille modèle américaine) et un gamin sans-abris tout bonnement horripilant (et qui joue très mal). Inutile de dire que le peu qu’il restait de l’ambiance originelle est totalement brisée, et que le côté solitaire et tragique de Spawn n’existe plus. Et comme si le bon toutou et le mioche ne suffisaient pas, Cogliostro fait clairement partie des gentils, aidant Spawn pour la bonne cause alors que la BD laissait transparaître un personnage relativement mystérieux et ambigu, et pour cause d’énorme retournement de situation…

 

 

Visuellement, le film prolonge cette atmosphère aseptisée en offrant un Rat City (le dédale de rues crasseuses faisant office de “cité” aux laissés pour compte) se limitant à une seule ruelle minuscule et aux clochards très propres sur eux, sans couche de crasse ni bouteille à la main, n’ayant que leur haillons pour faire croire à leur misère. De plus l’endroit est présenté comme une sorte de havre de paix par Cogliostro, comme si Rat City était un véritable refuge où le sans-abri peut y vivre sans crainte… Hallucinant.

 

 

Du visuel parlons-en justement. Associé à un montage complètement épileptique, il rend l’action du film illisible par moment et même très pénible à supporter. On peut noter par exemple une introduction ultra-speed sous fond d’images digitales très mal incrustées, le tout présentant l’intrigue comme un résumé de la bande-dessinée avec la voix off de Cogliostro. Voix qui se fait d’ailleurs réentendre plus d’une fois, comme pour aider le spectateur à mieux comprendre les grandes lignes de l’histoire. Une séquence complètement à côté de la plaque et qui donne dès les premières secondes un aperçu de ce qu’est le film: un foutoir d’effets visuels foireux et un scénario ridicule et simpliste à l’extrême.

 

 

Mark A. Z. Dippé, provenant d’ailleurs du monde des effets spéciaux et dont il s’agit ici de son premier film en tant que réalisateur, use du numérique à outrance sans jamais pour autant le mettre au service du film: ils sont là pour faire beau et c’est tout. C’est ainsi que Spawn utilise ses pouvoirs infernaux (se limitant ici à sa cape et ses chaînes et deux ou trois autres broutilles) généralement sans qu’il y ait de véritable nécessité à cela. Déjà pas très bon à la base, cet abus d’effets spéciaux tout bonnement hideux enfonce encore un peu plus Spawn.

 

 

A ces effets foireux et moches se rajoutent les services du fameux Studio KNB, qui se révèlent ici être très décevant. Un costume de Spawn peu impressionnant, mélange raté des deux costumes des comics (le vieux et le nouveaux) qui ressemble plus à une simple armure qu’à un parasite de Nécroplasme, le maquillage de Simmons en grand brûlé pas terrifiant pour un sous (on est bien loin du visage ravagé de Liam Neeson dans Darkman) faisant regretter la tête de zombie pleine de vers de la BD, et un Violator assez joli mais et très mal animé. Tout cela est complété par un montage qui s’amuse à caser entre les scènes le plus d’effets de transitions, complètement ratés et bien trop stylisés pour s’intégrer au film. En clair, on a l’impression de revoir le même délire que dans Hurlement 2, mais en plus friqué. Ces transitions incessantes se font bien trop remarquer et constituent le seul véritablement élément nanar de Spawn.

 

 

Le film donne toutefois quelques apparitions de personnages secondaires. Ainsi croise t-on le temps d’un gala une rousse aux boucles d’oreilles en symbole de Hellspawn, représentant la magnifique Angela, ange chasseresse qui ne revient même pas en scène lorsque Simmons passe à l’attaque quelques secondes plus tard. Viennent aussi les deux flics Sam et Twitch lors du final et les présentateurs télés récurrent, dont la potiche de CNN, l’émission politiquement correct dans le comic-book, qui devient ici une reporter s’associant à Terry pour faire tomber Wynn… Pas terrible mais toujours mieux que les personnages principaux pas des plus respectés: Terry, censé être noir mais incarné par un blanc, Martin Sheen qui cabotine de trop en Jason Wynn…

 

 

Infidèle, moche, simpliste et aseptisé à mort, Spawn ne plaira à personne et surtout pas à ceux qui apprécie un tant soit peu l’œuvre originale. Un navet détestable dont la seule chose à tirer est le personnage de Jessica Priest, interprétée par la belle Mindy Clarke, remplaçant un Chapel jugé trop complexe à adapter, et qui a même droit à une mini-histoire faisant office de préquelle au film dans un numéro de Curse of the Spawn.

 

2 comments to Spawn (1997)

  • Rigs Mordo Rigs Mordo  says:

    Et bien je ne me souvenais pas de tout ça… Vu une fois à sa sortie, je dois dire… Pour moi, le film se résume à sa BO mélangeant metal et electro, le reste est trop lointain. Je n’y connais pas grand-chose à Spawn, j’ai bien lu des comics à l’époque (dont un vs Batman, si je me souviens bien…) et joué au jeu video Spawn in the Demon Hand sur Dreamcast mais c’est tout! Je trouve tout de même le clown réussit, visuellement…

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Oui, oui, y a un vs. Batman 😉 (même deux en fait, mais c’est… compliqué).
      Moi c’est l’inverse, j’ai plus AUCUN souvenir de la B.O. ! 😀

      Mais oui, et je me suis surpris à pas le retrouver ici, Violator (Clown) était avec Michael Jai White en Al Simmons deux très bons éléments. La gamine aussi était très bien en Cyan également (pas chiante, c’est jamais gagné à Hollywood). Mais le reste ressemble beaucoup plus à ce qu’aurait donné un dessiné animé Spawn tout gnangnan pour les gamins.

      Heureusement le vrai dessin animé il est super cool 😀

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