Sleepaway Camp III: Teenage Wasteland
(1989)
“PARTY ALL NIGHT ! TEENAGE WASTELAND !”
Dire que la mise en chantier de Sleepaway Camp III fut précipitée est un euphémisme. Le projet fut conçu en plein pendant le tournage du second opus, la faute à la bonne ambiance générale et les images prometteuses déjà emballées qui montèrent à la tête des producteurs. Donnant le feu vert sans attendre de voir les chiffres du box office, ils ne laissèrent guère de temps à l’équipe pour se préparer, ce qui força le scénariste à rédiger le script alors que le réalisateur filmait encore des scènes pour Sleepaway Camp II tandis que l’équipe n’eut qu’une semaine de pré-production une fois celui-ci achevé pour tout planifier. Entre ça et le budget minuscule alloué au film, autant dire que cette nouvelle aventure d’Angela Baker ne risquait pas de faire des étincelles et d’ailleurs on ne peut pas vraiment parler de séquelle ici, le résultat s’apparentant plus à un add-on, ou DLC, de jeu vidéo, qui offre un peu de contenu supplémentaire en recyclant les assets de l’oeuvre principale: nouveau costumes, nouveaux personnages, mais mêmes décors, mêmes accessoires et ambition générale revue à la baisse.
L’intrigue imaginée par Michael Hitchcock, toujours sous le pseudonyme de Fritz Gordon, tient d’ailleurs plus du gimmick qu’autre chose puisque l’idée était de flirter avec la thème naissant de la hoodsploitation, la tueuse étant ici confronté à la jeunesse violente du ghetto plutôt qu’aux enfants de bonnes familles. Cela fait au moins pour une introduction intéressante qui quitte la campagne en faveur du centre-ville de New York, cadre totalement nouveau pour la série. Une adolescente des quartiers défavorisés s’apprête à prendre le bus pour se rendre en camp de vacances lorsque soudain un gigantesque camion poubelle la prend en chasse, la poursuivant jusque dans une ruelle déserte avant de l’écraser. Le chauffeur jette son corps dans le compacteur et vole son identié avant d’embarquer à sa place pour Camp New Horizon (aucun lien avec Roger Corman). C’est bien sûr Angela, et celle-ci revient incognito sur le site de son dernier massacre, Camp Rolling Hills, qui un an après les faits a été racheté par deux arnaqueurs comptant bien s’en mettre plein les poches en en faisant le moins possible sous couvert d’expérience sociale…
Leurs pensionnaires sont divisés en deux groupes, avec d’un côté les gamins de bourgeois plein aux as avec princesses prétentieuses et fils à papa, et de l’autres des voyous des cités forcément drogués et armés. Le programme prévoit de rapprocher tout ce petit monde en leur proposant de travailler de concert dans divers épreuves, mais les deux directeurs comptent juste leur refiler du boulot au lieu d’engager du personnel, l’un glandant tranquillement tandis que l’autre drague à tout va. Seul un moniteur semble prendre les choses au sérieux, mais celui-ci est en réalité un flic et père d’une des victimes de la dernière fois qui espère bien faire la peau à Angela si jamais elle revenait dans les parages. C’est dire si l’ambiance est bonne, et rarement on aura vu notre protagoniste être si frustrée par son entourage, absolument personne n’ayant envie d’être ici à part elle. Ses pulsions meurtrières se déclenchent d’ailleurs juste quelques minutes après être arrivée, et heureusement le personnage reste fidèle à lui-même, tuant avec joie et créativité selon son code moral ou son humeur du moment. Là-dessus, pas de doute, c’est bien du Sleepaway Camp pur jus.
L’Ange de la Mort refile du décapant en poudre à celle qui lui demande de la cocaïne, plante un pétard dans le nez d’un ronfleur pour lui exploser le crâne, brûle vif un pauvre type avant de sortir les chamallow et nous offre une décapitation plutôt cool à la hache. Elle hisse une idiote à un mat comme un drapeau vivant avant de la lâcher pour qu’elle s’éclate le melon au sol, attache un pervers à un arbre, les bras reliés à une voiture qu’elle démarre en trombe pour les arracher (une mort si cool que Robert Hiltzik, le réalisateur du premier film, la volera pour son propre Return to Sleepaway Camp des années plus tard, troquant les membres pour le pénis de la victime) et enterre une mégère jusqu’au cou dans une fosse à ordures avant de lui broyer le visage à la tondeuse à gazon ! Un rapper se fait planter un piquet de tente dans la tête et un piège à la Saw fait tomber des haches sur les fuyards ayant marché sur le fil déclencheur. Angela utilise même un flingue pour expédier une confrontation avec le flic qui s’annonçait prometteuse en deux coups de cuillère à pot. Marrant, mais un peu décevant par rapport à ce que l’on pouvait en attendre.
Hélas la plupart de ces actions sanglantes sont sévèrement tronquées, la faute tant au budget qu’à la censure. D’une part on ressent le manque de moyen lorsque les trois-quart du film est tourné dans la forêt et que l’héroïne utilise quatre ou cinq fois la même branche pour assommer ses proies, mais surtout Sleepaway Camp III souffre du même problème que Vendredi 13, Chapitre VII, à savoir des coupes sauvages et parfois très voyantes qui gâchent le spectacle. Le visage pulvérisé par la tondeuse est sans doute le plus visible du lot, encore que le meurtre au pétard et le lâché du mat sont également mal remontés. Triste, car ces meurtres cartoonesques étaient toute la raison d’être de cette suite qui du coup fait pâle figure en comparaison de ses aînés, ne pouvant compter ni sur sa violence, ni sur sa narration. Reste la nudité, peut-être bien plus copieuse que la dernière fois ou tout simplement plus graveleuse, notamment lors de préliminaires entre une jeune comédienne mal à l’aise et l’acteur Michael J. Pollard, assez vieux pour être son père et possiblement sous l’influence de supéfiants au moment du tournage.
Reste l’humour, même si plus grande monde n’a envie de rire à ce stade, qui vient principalement de Pamela Springsteen. Toujours parfaite dans le rôle d’Angie, elle se montre encore une trois très énergique et expressive, assurant un minimum de divertissement. Adepte de la blagounette, elle en fait des caisses lors de chaque crime pour notre plus grand bonheur: “Thank God, there’ll be one less idiot in politics” balance-t-elle lorsqu’elle trucide un érotomane promis aux plus hautes sphères. “Seems like everytime I go to camp, somebody loses their head” commente t-elle après un énième tranchage de tête. Elle enregistre un rap insultant au fan de hip-hop qu’elle s’apprête à tuer, avoue aux héros survivants qu’elle les laisse vivre parce qu’elle les trouve mignon ensemble et questionne l’air de rien une campeuse pour déterminer de son sort: Fait-elle partie des pom-pom girls ? Est-elle encore vierge ? Prend t-elle de la drogue ? “Strike three” déclare-t-elle sans surprise après avoir eu ses réponses. Amusante conclusion aussi lorsque la final girl rembarre son compagnon en précisant qu’elle a déjà un petit copain, alors qu’elle flirtait avec lui durant tout le film.
Autrement une nana à les mots milk et shake tatoués sur les seins, Angela pêche un masque de hockey dans le lac du coin en une double référence à Vendredi 13 et Sleepaway Camp II, et l’écran-titre en jette un max avec ce grafitti annonçant que “Angela is back” tandis que la bande-son crache du hard rock. Dommage quand même que certaines idées aient fini sur le banc de touche par soucis d’économie, comme ce chien que la tueuse devait épargner par gentillesse mais qui revenait quand même la bouffer à la fin de l’histoire, ou cette brochette enflammée plantée dans l’entre-jambe d’un chaud lapin, Angela parlant alors de saucisse grillée. A la place il faudra se contenter d’une horrible séquence où elle poursuit le bonhomme en faisant des ronds autour d’une tente, le tapotant à répétition avec une brindille jusqu’à ce qu’il s’écroule. De l’improvisation pitoyable rendue d’autant plus difficile à regarder que la victime, Michael J. Pollard, semble totalement à côté de la plaque. Ami du réalisateur qui avait déjà fait appel à lui dans Fast Food, l’acteur a clairement abusé de la drogue ou de l’alcool lors du tournage et se comporte étrangement.
Il gesticule beaucoup et fait de nombreuses grimaces comme s’il ne pouvait pas se contrôler, improvise clairement devant la caméra. Il n’a pas beaucoup de répliques non plus, ce qui soulève quelques questions vu qu’il était un vrai professionnel. Certes on peut toujours se dire qu’il cabotine, sans doute désintéressé du rôle vu le niveau de la production, et le voir jouer avec sa boucle de ceinture au logo de Playboy reste amusant, mais il y a quand même anguille sous roche et sa scène de sexe fait peine à voir, surtout quand sa partenaire lui attrape une main pour l’empêcher de la tripoter trop bas. A ses côtés figure une jeune Tracy Griffith (The First Power avec Lou Diamond Phillips, Skeeter avec des moustiques mutants), la petite sœur de Melanie, qui avait à l’origine auditionné pour jouer Angela. Jugée trop mignonne par le metteur en scène, elle se retrouve ici avec un rôle de consolation qui lui va effectivement mieux. L’expert en série B pourra quant à lui repérer la totalement inconnue Jill Terashita, vue l’année précédente dans Night of the Demons et ici remarquable en petite punkette trop vite assassinée. L’horrible perruque dont est affublée Springsteen mérite également une mention malgré l’excuse scénaristique de son existence.
Il est franchement regrettable que Sleepaway Camp III ait été handicapé à ce point, puisque conservant dans son ADN le fun absolu qui animait son prédecesseur. Aurait-il été mieux mûri qu’il aurait pu l’égaler au lieu de quasiment tuer la franchise. Car si Sleepaway Camp IV: The Survivor commença sa production peu après en 1992, c’est une tout autre équipe qui s’en occupa. Le projet fut rapidement abandonné après la faillite de la compagnie de production, avec seulement une poignée de scènes terminées. La chose fut inexplicablement exhumée et complétée en 2012 à l’aide de nombreux stock shots des autres films. Quant à Return to Sleepaway Camp, la “véritable” suite de l’original orchestrée par Hiltzik, elle connue aussi de gros problèmes, lancée en 2003 et achevée en 2008, avec une workprint qui s’est entre temps retrouvée sur Internet. Teenage Wasteland, lui, ne possède toujours pas de version intégrale à ce jour, ses scènes coupées étant seulement trouvables en bonus sur le DVD d’Anchor Bay de 2002. Avec sa petite durée de 75 minutes hors génériques, ça ne serait pourtant pas du luxe de la reconstruire.
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