Shootfighter: Duel to the Death
(1993)
Le shootfighting est une discipline oubliée de nos jours, mais elle a pourtant eu sa petite importance dans le monde des arts martiaux modernes puisqu’il s’agit grossièrement de l’ancêtre du MMA. L’idée était d’organiser des compétitions où les participants seraient libre de mélanger différents styles plutôt que de ne représenter qu’une seule école, combinant de multiples techniques issues aussi bien du karate et du jiu-jitsu que du kenpō américain et de la lutte anglaise. Il n’est guère surprenant de voir le cinéma d’action s’emparer de la chose à une époque où Bloodsport et ses petits frères étaient encore très à la mode dans les vidéo clubs, même si le résultat ne change pas trop des traditionnels tournois de kickboxing comme on en trouvait à la pelle à cette époque. Avec Shootfighter: Fight to the Death, le réalisateur Patrick Alan (un des danseurs du clip Smooth Criminal de Michael Jackson !) ne réinvente pas vraiment la poudre.
Nous avons là l’habituel histoire de combats clandestins où le perdant est bien souvent mis à mort, et il est difficile de croire qu’il fallu la participation de trois scénaristes pour composer une telle intrigue. Deux d’entre eux se spécialiseront ensuite à la télévision (Judd Lynn, notamment, se concentra exclusivement sur Power Rangers, continuant encore de nos jours !) et le dernier ne fit rien d’autre de spécial hormis Shootfighter 2. Plus incroyable: apparemment l’Exterminator lui-même, Robert Ginty, aurait mis sa patte dans l’affaire même s’il n’est pas crédité au générique. Seule l’IMDB semble avancer cette rumeur, mais l’idée est tellement surprenante qu’il est bien plus drôle de se dire que c’est la vérité. Dans tous les cas le scénario se concentre sur la rivalité qui oppose le paisible Shingo au tyrannique Lee, un guerrier qui ne croit qu’en la loi du plus fort. Durant un championnat mondial celui-ci tue le meilleur ami de son adversaire sur le ring et se retrouve banni de toutes compétitions officielles…
Des années plus tard il est devenu le dirigeant d’une organisation criminelle à Tijuana, arrangeant des combats sans règles pour une riche clientèle. Lorsque Ruben, le jeune disciple de son ennemi, se retrouve endetté, il l’engage dans son championnat sous la promesse d’argent facile, espérant attirer l’attention de Shingo et le forcer à la confrontation. Avec son meilleur ami Nick, le jeune homme commence à se battre dans l’arène et prend goût à la violence, devenant de plus en plus agressif et s’éloignant des valeurs qu’on lui a inculqué… Un scénario archi convenu qui mène obligatoirement au duel final entre Lee et Shingo, et pour être franc il ne se passe pas grand chose d’ici là. Certes les protagonistes se combattent régulièrement tout au long du film, que ce soit lors des qualifications pour le dangereux tournois ou d’autres scènes d’action comme cette baston de bar parfaitement gratuite, mais rien n’est jamais vraiment spectaculaire.
On s’ennuie assez vite, surtout lorsqu’il faut entendre les jérémiades de la copine de Ruben qui ne comprend plus son mec, ou les états d’âme de Nick qui refuse de céder au côté obscure et fini par s’entrainer dans les règles de l’art auprès de Shingo. Des séquences de remplissage montrant les deux hommes courir, soulever des poids et jouer au basket qui volent toute la place à l’intéressante corruption de Ruben, qui lui se met en forme en provoquant volontairement des petites frappes, nettoyant alors son quartier. Il fini par se mettre tout le monde à dos, de sa petite amie à son maître, tandis que son meilleur pote lui pique sa position d’élève, et plonge dans l’horreur lorsqu’il réalise trop tard qu’il va devoir tuer pour survivre à la compétition. S’il s’était concentré sur cette intrigue, Shootfighter aurait été bien plus prenant et mémorable, et rien ne le prouve mieux que la dernière demi-heure où le réalisateur change justement son fusil d’épaule.
Subitement nous voilà plongé dans une sorte de Mortal Kombat où les adversaires abordent des looks délirants et où chaque combat se solde par une mise à mort sanglante. Non pas qu’on s’en serait rendu compte avant l’édition Blu-ray, puisque le film fut censuré presque partout dans le monde. De nombreuses séquences gores ont ainsi disparues, achevant de rendre Shootfighter parfaitement anecdotique face à sa rude concurrence. Heureusement le montage original est désormais disponible et en met plein la vue: gorges arrachées à mains nues, fractures ouvertes avec os qui jaillissent au ralentis, morsures cannibales avec crachat d’un morceau de chair sanguinolent sur le tatami, éventrements à l’épée et j’en passe des moins graphiques. De véritables “fatality” qui raviront les fans de Midway Games et NetherRealm Studios, même si la présentation est d’une qualité un peu inférieure au reste du transfert HD en raison de l’état de la source originale.
La plus mémorable reste celle du type qui troue la poitrine de son adversaire d’un coup de poing avant de lui arracher le cœur, Kano style. Si la première heure avait été de ce niveau, nul doute que nous aurions obtenu une petite œuvre cult, et il faut vraiment remercier le succès du jeu de Ed Boon et John Tobias qui cartonnait dans les salles d’arcades à l’époque. Cet héritage se retrouve aussi dans l’apparence et l’attitude de certains personnages qui possèdent des gimmicks comme au catch: il y a celui qui crache sur le public, celui qui escalade la cage de l’arène comme un singe et même un clone de Jake “The Snake” Roberts débarquant avec son python. Le casting fini d’enfoncer le clou puisqu’il se compose presque essentiellement de bonnes trognes reconnaissables du circuit de la série B. Outre Martin Kove et William Zabka qui rejouent pratiquement les mêmes rôles que dans Karate Kid, on peut reconnaitre Edward Albert (La Galaxie de la Terreur) et Gerald Okamura (Samurai Cop).
Star éclaire de l’actioner des 90s, Michael Bernaro incarne un gentil voyou tandis que le colossal blondinet Bob Schott (Le Cerveau de la Famille) vient jouer les gros bras. Les plus connaisseurs reconnaitront aussi James Pax (le Raiden original vu dans Big Trouble in Little China), Hakim Alston (le type qui défiait Liu Kang au bâton dans le film Mortal Kombat) ou encore – moins marrant – le terrifiant Joe Son, ex-lutteur MMA finissant actuellement ses jours en prison pour viol et acte de barbarie sur une adolescente, ainsi que l’assassinat de son codétenu. Ouch. Mais bien sûr la véritable vedette reste Bolo Yeung, inoubliable adversaire de Jean-Claude Van Damme dans Bloodsport qui interprète ici le vénérable Shingo. Un rôle que le réalisateur est forcé de mettre en retrait du fait du très mauvais anglais de l’acteur, et le personnage reste muet pendant pratiquement tout le film pour pallier à ce problème.
On aurait aimé le voir plus souvent, mais hormis ses combats dans l’intro et la conclusion il se contente de traverser le film comme un fantôme, observant les évènements plus qu’autre chose. Cela n’empêche pas son charisme de fonctionner et l’homme reste impressionnant aussitôt qu’il s’agit de mettre des claques. Dommage que son affrontement contre Lee soit si maltraité au montage, mais Martin Kove s’était méchamment cassé le bras avec une hélice de bateau et dû porter un plâtre durant le tournage. Résultat son personnage est lui-aussi relégué en arrière-plan et ne se bat pratiquement jamais malgré que toute l’intrigue repose sur sa conception agressive des arts martiaux. Rien de bien grave, mais entre ça et la première heure un peu molle, Shootfighter: Fight to the Death peine parfois à capter l’attention.
La version non censurée est un gros plus non négligeable qui permet rattraper un peu tout ça, mais ces éclats de divertissement interviennent bien trop tard pour sauver les meubles et le public non averti pourrait bien ne pas tenir jusqu’au bout. Malgré tout, cela n’empêcha pas le film de rencontrer un modeste succès et d’engendrer une suite, Shootfighter II, toujours avec Bolo Yeung, Michael Bernardo et William Zabka, et malheureusement les mêmes défauts…
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