Santa Jaws
(2018)
“See you in jingle hell”
De nos jours les films de requins se suivent et se ressemblent tous malgré des gimmicks sans cesse plus extravagants pour attirer le public: Noah’s Shark, Sharkula, Sharks of the Corn… Difficile du coup de s’intéresser à ce Santa Jaws qui nous balance des attaques de squales en plein pendant les fêtes de Noël, d’autant que le projet a été torché par Active Entertainment pour la chaine Syfy – même pas pour une sortie en fin d’année, pensez-vous, mais en plein mois de Juillet dans le cadre d’une Sharknado Week ciblant principalement les fans de (faux) nanars en les aspergeant de DTV moisis pleins de CGI volontairement mal branlés. D’ailleurs la réalisatrice, Misty Talley, est déjà responsable de quelques rejetons du genre comme Mississippi River Sharks, Ozark Sharks et Zombie Shark. Et pourtant c’est à un petit miracle que nous avons affaire ici, puisqu’à la surprise général le résultat n’est pas si mauvais ! Cela arrive de temps en temps, et la compagnie productrice nous avait déjà gratifié des sympathiques Swamp Shark et Ghost Shark par le passé. Ici il convient de remercier le script délirant de Jake Kiernan, qui n’avait jamais rien fait avant, et qui n’a jamais rien fait depuis non plus.
Il est question d’un stylo magique que reçoit comme cadeau le jeune Cody, illustrateur en herbe et sosie d’Edward Furlong dans Terminator 2. Un adolescent de mauvaise humeur car il ne trouve pas le courage de déclarer sa flamme à sa jolie voisine et parce que ses parents lui prennent la tête la veille de Noël pour une broutille. Agacé, il souhaite sans vraiment le penser être débarassé de son encombrante famille, tout en griffonant le monstre de sa petite BD, Santa Jaws. Mal lui en prend car sa plume va matérialiser celui-ci dans la réalité, lequel va s’empresser de traquer et dévorer son entourage ainsi que quelques autres malheureux. Découvrant avec horreur la situation, il va s’associer à son meilleur ami et scénariste du comic-book pour convaincre ses proches de la menace et stopper la créature avant qu’elle ne tue tout le monde. Et au passage il va se rapprocher de sa futur copine, comme par hasard grande fan du 9ème art… Une intrigue qui met clairement le requin en retrait, préférant se concentrer sur les protagonistes et l’affaire délirante dans laquelle ils se retrouvent. Un choix peu rassurant de prime abord, qui amène le risque d’interminables séquences de bavardages en lieu et place d’action.
Et pourtant cela fonctionne quand même, en tout cas la plupart du temps, grâce à un scénario qui ne se prend jamais au sérieux et lorgne tant du côté de la comédie que du traditionnel conte de Noël plein de bons sentiments, forcément en décalage avec la menace. Et comme le film ne dépasse pas 88 minutes, les choses s’enchainent plutôt vite et évitent les temps morts, ce qui ne gâte rien. Les personnages sont même un peu plus creusé que d’habitude, à commencer par Cody, jeune adolescent qui pour le coup se comporte bien comme un gamin de son âge et pas comme un mini adulte. Égocentrique, susceptible et maladroit, il se fâche rapidement lorsque les choses ne vont pas dans son sens et garde ce comportement tout au long de l’aventure, clashant régulièrement avec son meilleur ami ou les membres de sa famille. Une dynamique qui change un peu, au même titre que le twist autour de certains stéréotypes (le frangin jock qui ne se moque pas des geeks et se fait au contraire agressé par l’un d’eux, l’oncle riche présenté comme prétentieux mais qui se révèle être sympa avec tout le monde) et l’exagération de quelques autres (la bimbo idiote qui ne quitte plus son bikini après l’avoir enfilé et ne pense jamais à se rhabiller).
On pourra aussi s’amuser de voir les héros s’armer de répliques de GN récupérées à la boutique de comics du coin et ne jamais questioner la non-efficacité de leur équipement, et la dernière partie imite Maman J’Ai Raté l’Avion et la préparation des pièges, la famille construisant ici une improbable catapulte à dindes piégées à la poudre à canon. Quant au stylo magique, il est évidemment convoité par un loser qui va l’utiliser pour s’enrichir et surtout se créer une copine parfaite, forcément belle… et muette ! Mais la vraie vedette c’est Santa Jaws elle-même, car oui c’est bien son nom, et oui c’est une femelle. Héroïne d’une histoire nonsensique qui évoque un rien Hook Jaw, même s’il est clair que les responsables du film n’y connaissent rien en BD (les héros ont déjà imprimé leur revue malgré qu’elle soit inachevée, la terminant telle quelle sur le papier, et ne citent que des titres inventés en parlant super-héros), elle est présentée comme le squale le plus rapide et le plus intelligent de l’océan, ayant gagné en taille et puissance après avoir dévoré un Santa Claus maléfique et absorbé sa puissance. Un bonnet de Noël décore désormais son aileron dorsal et ses yeux brillent tout rouge comme le nez de Rudolph.
Et la bête n’en finira pas d’upgrader son look, gagnant une guirlande électrique qui va s’emmêler autour de sa queue et lui servir de lasso pour attraper ses proies, ainsi qu’une corne en canne à sucre avec laquelle elle va empaler quelques malheureux. L’ingestion de clochettes permet de prévenir son arrivé à la manière du score de John Williams dans Les Dents de la Mer, et lorsque Cody fini par effacer ses dents afin de la rendre inoffensive, elle les remplace aussitôt en brisant des boules de sapin avec ses gensives… Bref, c’est du n’importe quoi, bien en phase avec les autres films de requins du même type, mais l’intrigue ne cesse de jouer avec les détails, rajoutant régulièrement des éléments pour maintenir le spectateur engagé. Hélas, faute de moyens, et parce que les producteurs semblent vouloir garder une classification tout public, les attaques sont loin d’être aussi fun, la plupart des victimes étant happées sous l’eau pour simplement disparaître, souvent sans même le moindre bouillon de sang. Il y a quelques exceptions, comme la personne dévorée sur le ponton après que le monstre ait sauté hors de l’eau pour l’attraper, ou lorsque l’animal pousse un bateau contre les jambes d’un type assis sur le quai, les membres arrachés tombant au fond de l’eau comme dans l’oeuvre de Spielberg, mais elles sont trop rares.
A la place il faudra se contenter de cette idée que Santa Jaws attaque en priorité tout ce qui est lié à Noël (les musiques servent alors d’appât), se retrouvant elle-même vulnérable aux armes noëlisées comme cette comme cette arbalète couverte de guirlandes ou ses boules transformées en grenades. Et puis au moins l’aileron fendant les eaux est un véritable accessoire à l’ancienne, ce qui est si rare de nos jours que cela mérite d’être signalé. Les images de synthèse simulant le squale sont dans la norme dans ce type de téléfilm: mauvaises mais acceptables, et dans le cas présent limitées au strict minimum. A vrai dire elles sont même moins gênantes que l’acting de certains comédiens, pour le coup franchement mauvais ou alors mal choisis pour leurs rôles (les parents de Cody, inintéressants et insupportables, surtout la mère), ou simplement mal dirigé (très peu d’émotions lors des disparitions, notamment celle du gentil grand-père dont la mort aurait dû ébranler un peu plus le héro). Aussi il y a une étrange abondance de calembours et de jeux de mots qui fini par devenir assez lourdingue. Des défauts auxquels il fallait bien s’attendre vu le type de production, et il n’y a là rien d’insurmontable pour le spectateur habitué.
Au final Santa Jaws est un petit DTV imparfait qui souffre principalement d’une mise en scène expédiée (la chose fut clairement tournée en plein été et tôt le matin, car il n’y a pas âme qui vive dans les rues) et d’un montage un peu lâche qui aurait mérité d’être un peu resserré par endroit. Deux postes justement occupé par la même personne. Mais tout film qui montre un Santa Claus maléfique se faire latter les couilles avec bruit de clochettes à l’appuie ne peut être complètement mauvais. Attention en revanche, il existe deux autres Santa Jaws qui sont en fait des livres pour enfants: celui de Mark Sperring, illustré par Sophie Corrigan, datant de 2020, et celui de Bridget Heos, avec les graphismes de Galia Bernstein, paru en 2021. Veillez à ne pas vous tromper lors de votre commande au Père Noël !
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