Pinocchio’s Revenge (1996)

 

Pinocchio’s Revenge

(1996)

 

 

Kevin Tenney on le connaît pour être le responsable de quelques Z, dont notamment les plutôt connus Witchboard et Night of the Demons, ses deux premiers films. S’il peine à se renouveler (il a réalisé Witchboard 2 et écrit les scenarii de Night of the Demons III et des deux séquelles de Witchboard), on le retrouve parfois à la barre de quelques œuvres un peu différentes comme The Second Arrival, suite du film de David Twohy, ou encore cette Revanche de Pinocchio. Autant dire qu’avec un titre pareil il y a de quoi redouter l’un de ses innombrables films de croquemitaine au look improbable, d’autant plus que celui-ci est distribué par la Trimark Pictures, responsable entre autres de la franchise des Leprechaun avec le plus célèbre des gnomes irlandais. Et pourtant grosse surprise à l’arrivée car contrairement à ce que l’on croyait, La Revanche de Pinocchio n’est absolument pas le film d’horreur auquel on s’attendait !

 

 

Tampa, en Floride. Vincent Gotto, sculpteur sur bois, est condamné à mort pour le meurtre de plusieurs enfants. Il est arrêté alors qu’il enterrait le corps de son propre fils et on retrouve près du cadavre une marionnette baptisée Pinocchio. Cinq ans plus tard le procès est sur le point de se conclure et, si Gotto est bien le meurtrier de son fils, son avocate Jennifer reste persuadée qu’il n’est pas le tueur en série que l’on croit et tente de lui éviter la chaise électrique. L’accusé n’est cependant pas disposé à coopérer, semblant cacher quelque chose, et se fait exécuter. Perturbée, Jennifer en vient presque à oublier Pinocchio, pièce a conviction qu’elle avait réclamée quelques mois déjà et qui ne survient à son bureau qu’après la mort de son créateur. Ne pouvant se procurer à temps le cadeau d’anniversaire de sa fille Zoé, Jennifer décide alors de lui offrir le pantin en remplacement. L’enfant, dont la vie de famille est perturbée par un récent divorce, voit en la marionnette un compagnon idéal et ils deviennent rapidement inséparables. C’est à ce moment que le comportement de Zoé commence à devenir inquiétant, obsédée par Pinocchio qu’elle entend parler et se trouvant sans cesse au beau milieu d’événements étranges, comme l’accident de la petite peste de l’école ou celui de l’amant de sa mère…

 

 

Au lieu de réaliser un pseudo slasher avec un pantin psychopathe trucidant petit à petit son casting, Tenney opte pour une approche différente et n’hésite pas à l’affirmer haut et fort en déclarant que son film est plus un “thriller psychologique à la Magic qu’un film d’horreur”. De la langue de bois évidemment puisque ce Pinocchio repompe les grandes lignes de Jeu d’Enfant, le premier volet de la saga Chucky, quand ce n’est pas carrément des passages entiers (l’anniversaire, la mère attaquée chez elle par le pantin en guise de climax, sa main bloquant une porte puis transpercée par un couteau). Mais il est vrai que le réalisateur met le bémol sur la forme en évinçant pratiquement tout le potentiel Fantastique de son film pour se rapprocher du film à suspense tendance whodunit: Zoé est t-elle sous l’influence d’une marionnette démoniaque ou bien souffre t-elle d’un dédoublement de personnalité ? Pinocchio est-il vraiment vivant et responsable de tous ces meurtres ? A la vérité, la réponse n’est pas donnée.

 

 

Le titre original et non retenu du film, The Pinocchio Syndrome, nous permet d’ailleurs de voir a quoi ressemblait l’œuvre à l’état initial. Zoé, petite fille perturbée, aurait sûrement été une enfant en perte de repère, ne pouvant plus faire la différence entre le Bien et le Mal et, tel Pinocchio, se serait vu mentir à longueur de temps après avoir commis de mauvaise action. Le parallèle à Pinocchio, avec ses mensonges et son criquet faisant office de bonne conscience dont il est dépourvu, sont encore repérables actuellement, même si le film a effectué un certain virage, gardant du coup une atmosphère surnaturelle certes très atténuée mais tout de même présente. On se doute que la Trimark n’est pas innocente quant à cette orientation, préférant probablement livrer un énième Leprechaun forcément plus vendeur qu’un vulgaire thriller à bas budget. Amusant de constater par ailleurs qu’à la base Jeu d’Enfant partait lui-même d’un concept similaire en laissant volontairement le flou sur l’identité du meurtrier, impliquant le doute quant à l’existence de Chucky et la possible responsabilité du petit garçon…

 

 

Dès lors Tenney s’emploie à créer une mise en abîme confuse, bancale, et plutôt que de jouer la carte de la fausse piste, se borne à naviguer entre les genres sans vraiment soigner la chose. La Revanche de Pinocchio semble surtout ne pas assumer son argument Fantastique tant celui-ci est mal représenté, laissant de manière on ne peut plus évidente son aspect réaliste ressurgir. Zoé est bien coupable et cela saute aux yeux dans de nombreuses scènes, tandis les rares passage flirtant avec le genre horrifique laissent volontairement sceptiques quant à leur crédibilité, donnant à toute cette entreprise l’apparence d’un improbable patchwork jamais en accord. Le film tente désespérément de nous faire croire que le pantin pourrait être vivant malgré toutes les apparences mais rien n’y fait et on ne parvient ni à se faire son opinion ni à vraiment s’intéresser au potentiel d’un tel sujet. Et ce n’est pas cette piste voulant que le “Mal” puisse prendre différentes formes selon chaque personne pour les pousser au meurtre (des voix dans la têtes, etc) qui apporte quelque chose, tant elle est finalement si peu abordée…

 

 

Dommage car les idées ne manquaient pas et malgré le manque de moyen et une réalisation souvent insipide, La Revanche de Pinocchio possède de brefs aperçus de ce qu’il aurait pu être s’il avait été un tant soit peu réussi. On retient l’univers de cette pauvre Zoé, fragilisé par le divorce de ses parents et dont la mère constamment absente est une avocate prenant la défense de meurtriers, sans visiblement se pencher sur la question d’éthique. Tenney n’hésite pas à nous montrer une Zoé sur la brèche, écoutant sa mère et son beau-père copuler dans la chambre voisine alors qu’elle tente de dormir, possédant des réactions parfois très violente et signes de troubles mentaux indéniables, ou encore laissant entendre quelques paroles perturbantes, comme lorsqu’elle annonce que si Pinocchio se trouvait dans la chambre de sa gouvernante lorsque celle-ci prenait sa douche, c’est parce qu’il “apprécie le corps des femmes”…

 

 

Le réalisateur aligne quelques scènes inspirées, telle celle où la fillette découvre avec horreur que le criquet qu’elle avait capturée pour donner une conscience à Pinocchio a été écrasé (comme dans l’histoire original) ou encore cette très belle scène où Zoé se rend compte que Pinocchio ment lorsque l’ombre du pantin, reflétée sur un mur par les phares d’une voiture passant au-dehors, s’allonge sous l’effet optique, le nez grandissant alors. A cela s’ajoute quelques cadrages sympathiques (une jambe de poupée dépassant de sous un canapé en premier plan, les deux phares de ce qui semble être une voiture sur le point d’écraser Zoé devenant en fait deux motos roulant de front et frôlant l’enfant – comme dans Mad Max) et une ou deux séquences essayant (vainement) d’offrir des effets chocs malgré la maladresse combiné de la réalisation, de l’interprétation et du budget du film, comme lorsqu’une petite fille se fait renverser par un titanesque bus scolaire (mais s’en sort sans une égratignure), quand Zoé est violemment propulsée à travers une table basse en verre, ou encore ce passage où Jennifer tente de défendre un psychopathe qui se met subitement à éclater de rire en entendant l’enregistrement des cris de sa victime qu’il avait torturé au chalumeau !

 

 

Mais soyons honnête, ces “qualités” que l’on tente de trouver au film restent bien peu de choses. Ridicule de bout en bout La Revanche de Pinocchio cumule les idioties au point de pouvoir en énerver son public. Comment ne pas s’insurger devant cette idée stupide d’offrir en cadeau à son enfant un pantin inhumé avec le cadavre d’un petit garçon ? Comment ne pas trouver pathétique cette pauvre Jennifer qui refuse de laisser sa fille en observation psychiatrique, même après qu’elle soit venue la trouver avec un couteau de cuisine dans sa chambre ? Le film progresse donc ainsi, entre les idées les plus aberrantes qu’il soit (l’héroïne qui offre un café au curé du coin pour lui raconter sa vie) et une mollesse générale qui foudroie le spectateur d’un ennui profond. Et pour ce qui est du pantin, même s’il est signé Gabe Bartalos (passé à la réalisation avec le bancal Skinned Deep, on lui doit le design du Leprechaun) on ne peut pas dire qu’il soit des plus réussis malgré un faciès inquiétant, d’autant que son animation est très loin d’être convaincante, même pour du petit budget. Reste la mise en scène qui fait ce qu’elle peut pour donner vie à Pinocchio, tirant in extremis son épingle du jeu. A noter par ailleurs que, sûrement dans le cadre d’une entreprise familiale, c’est encore une fois Dennis Michael Tenney qui signe la musique du film.

 

 

Côté casting, il faut surtout souligner la performance de la jeune Brittany Alyse Smith, a priori crispante comme nombre de jeunes enfants dans les productions américaines mais qui se révèle capable d’un jeu très appréciable et qui sonne juste lors de ses rapports avec le pantin. Rosalind Allen semble même très fade à côté et se contente de nous jouer le cliché ambulant de la bonne mère de famille terriblement naïve (voir même stupide). Dans un registre plus secondaire on ne retient de la belle Candace McKenzie que sa scène de nudité intégrale, on note la courte présence Todd Allen, un habitué des films de Kevin Tenney (on a pu le voir dans Witchboard 1 et 2) et de Larry Cedar qui arrive à rentre antipathique son rôle d’avocat pourtant bien plus censé que l’héroïne. Quant à la doublure de Pinocchio, il ne s’agit ni plus ni moins que de Verne Troyer, le Mini-Moi des Austin Powers !

 

 

Petite production à pas cher, La Revanche de Pinocchio ne trouvera pas son public pour la simple et bonne raison que le film à le cul entre deux chaises. Malgré son concept digne d’une série Z et son titre profondément stupide, ce n’est pas un nanar à pleurer de rire mais un thriller psychologique confus et ennuyeux au possible qui ne réveille le spectateur que le temps de deux ou trois petites séquences. Au final personne n’y trouve son compte et on aurait préféré le slasher au pantin de bois que l’on s’attendait à voir, probablement tout aussi nul mais au moins franchement plus plaisant à voir.

 

 

 

Leave a reply

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>