New Year’s Evil
(1980)
“There’s enough evil floating around here to fill Death Valley”
On pourrait croire que la Cannon n’a produit que des films d’action, et c’est un peu de sa faute. Golan et Globus, tant passionnés de cinéma que grands opportunistes, auront en fait tapé dans à peu près tous les registres en leurs temps, de la comédie musicale au drame historique en passant par l’horreur. Aussi il n’est pas surprenant d’apprendre qu’ils ont tentés de surfer sur la vague du slasher aussitôt après le succès foudroyant d’Halloween, livrant avec New Year’s Evil et son titre calembour l’un des premiers rejetons du genre alors que celui-ci n’était pas encore codifié. Et à vrai dire le résutlat évoque plus un film de psychokiller rapidement réécrit afin de coller au côté “meurtres séquentielles” de la chose tant l’accent est mis sur l’intrigue et les personnages plutôt que les mises à mort. Pas nécessairement une mauvaise chose tant ces deux thèmes se ressemblent par nature, mais du coup l’aspect slasher en ressort très affaiblie faute de tension à la John Carpenter ou de gore à la Vendredi 13, et avec un bodycount très léger qui se compte sur les doigts d’une main.
Les conséquences peut-être de la gestion du projet, les deux israéliens s’étant surtout occupé du marketing et de la distribution, laissant tout le boulot de la production à leur pauvre associé Christopher Pearce qui ne devait pas avoir les poches bien profondes. Ou peut-être faut-il accuser la mise en scène terriblement plate du réalisateur Emmett Alston (American Ninja), qui est aussi à l’origine de cette histoire de tueur frappant le soir du réveillon dont les tenants et aboutissants de se révèlent plutôt intéressants, mais qu’il emballe à la manière d’une série télé. Seules les dernières minutes sont un peu plus soignées, lorsque l’héroïne se retrouve dans un piège infernal qu’il aurait été impossible de représenter sans un minimum d’application. Quoiqu’il en soit New Year’s Evil se présente mal, affichant clairement son âge et évoquant plus les aventures molassones d’un polar à papa plutôt que l’horreur nouvelle génération pour teenagers. Ses premières minutes ne laissent pas grand espoir et on aura vite fait de se dire qu’il faudrait un miracle pour que la sauce prenne.
Mais par un étrange coup du sort c’est exactement ce qui se passe, en partie grâce au scénario qui semble moins intéressé par les crimes sanglants que la folie de son (ses) psychopathe(s). En gros, passé le premier meurtre et le point de départ intéressant mais peu permissif, le script dérape complètement et nous prend à revers en faisant de l’antagoniste le héros, de la protagoniste une quasi vilaine, et de l’odyssée de l’assassin un vrai parcours du combattant qui ne se déroule jamais comme prévu. Nous sommes ainsi à Los Angeles pour le nouvel an et une célèbre présentatrice télé débute son émission spéciale pour l’occasion, car comme l’Amérique fait la taille d’un continent, tous les états ne sont pas sur le même créneau horaire. Sauf qu’un givré se surnommant Evil passe un appel en plein live pour annoncer qu’il tuera une fille à chaque fois que minuit sonne dans les différentes zones. Naturellement il y a une raison derrière ses actions et son obsession pour la vedette que l’on découvre dans le dernier acte.
Mais alors que l’on suppose que l’intrigue va suivre principalement l’animatrice alors que le fou se rapproche progressivement d’elle après chaque nouvelle attaque, avec l’accent mis sur son angoisse et sa collaboration avec la police afin de localiser le forcené, c’est tout l’inverse qui se passe ! C’est Evil qui devient la star et à qui il arrive bien des déboires dans sa tentative de trouver, isoler et tuer chaque victime avec une limite de temps. S’il s’en tire à merveille au début, il va vite devoir composer avec des contretemps et des imprévus qui mettent ses nerfs à rudes épreuves, entre des embouteillages le forçant à écouter les bavardages assommant de sa proie, une bande de bikers agressifs qui va le poursuivre après un accrochage et quelques pochetrons lui bloquant la route alors que son otage prend la fuite. A une époque où le whodunit règne et où la parodie n’existe pas encore, il est assez surprenant de voir ces coulisses où même le plus terrifiant des psychopathes peu avoir une mauvaise journée comme monsieur tout le monde.
De là né le divertissement, et cela sauve New Year’s Evil de l’ennui car ce n’est pas avec ces quelques poignardages au cran d’arrêt (hors champ !) qu’il aurait rivalisé avec la concurrence. Il est de toute façon plus amusant de voir Evil prétendre être un dragueur graveleux pour emballer une nénette et aussitôt rouler des yeux d’exaspération lorsqu’elle regarde ailleurs ou qu’elle évoque les diarrhées nerveuses de sa copine. Le meurtrier a d’ailleurs du charisme et de la ressource puisqu’il opère à visage découvert et se déguise afin de tromper son monde, devenant un aide-soignant, un prêtre ou un flic selon les besoins. Il faut le voir emboutir distraitement la moto d’un Hell’s Angel avant de s’enfuir, aussitôt poursuivit par une horde de motards voulant lui casser la tête, se retrouvant ainsi contraint de se cacher dans un drive-in bondé. Au final on se surprend à souhaiter qu’il réussisse sa besogne malgré les obstacles, d’autant que sa cible principale ne force pas vraiment la sympathie.
Star du showbiz et véritable diva, elle craint plus pour sa carrière que pour sa vie, refusant de quitter la scène par égo et méprisant la police qui investit son plateau. Certes on peut comprendre sa frustration lorsqu’un inspecteur l’accuse presque de la situation en prétendant que la musique punk rock et new wave qu’elle diffuse attire une population marginale, mais difficile de prendre son partie en la voyant se déhancher sur le dancefloor juste après que Evil lui ait diffusé un enregistrement audio de ses méfaits. Elle est si narcissique qu’elle ignore complètement son fils, un jeune homme en apparence gentil mais si frustré qu’il semble sur le point de craquer. Si New Year’s Evil avait été un whodunit, il aurait été le parfait suspect, souffrant de crises de nerf si violentes qu’il se retrouve à enfiler un bas sur la tête puis traquer sa mère dans l’intention de la tuer ! Une idée sympathique que d’introduire un potentiel deuxième psychopathe dans l’affaire, même si hélas le scénario n’exploite jamais l’idée qui sert juste à préparer le terrain pour la conclusion.
Le twist final est d’ailleurs vite grillé, aussitôt que le fiston déclare ne pas arriver à joindre son père pour lui fêter la bonne année, mais cela nous ramène à l’hérédité du Mal comme à la bonne vieille époque des films de psychokiller, avec des titres comme Cauchemars à Daytona Beach ou La Foreuse Sanglante. Cela fonctionne d’autant plus que la maman est si détestable que l’on ne peut que se ranger du côté du tueur, lequel se venge en fait de nombreuses années de maltraitance psychologique, passant à l’acte dans l’espoir d’épargner le même sort à son rejeton dont il est extrêmement fier. De quoi donner du grain à moudre aux futurs Scream, et d’ailleurs Evil utilise un transformateur de voix durant ses coups de fil pour cacher sa véritable identité. Bref, slasher ou non, il y a là un peu plus de substance que dans un Vendredi 13 ou un Madman, et dans le meilleur des mondes cela aurait permis au film de se démarquer de la concurrence. Sauf que nous sommes dans une production Cannon.
Du coup malgré la sériosité du propos New Year’s Evil sombre plus d’une fois dans le ridicule, volontairement ou non. D’une part il faut compter sur la présence de nombreux interludes musicaux du fait de l’émission de l’héroïne, lesquels parasites parfois le déroulement de l’intrigue de façon un peu forcée (le générique de fin fait ouvertement de la pub à la bande originale), et si les morceaux sont assez correct avec notamment un theme song appréciable, il ne sont pas aussi cool que ce que les figurants essaient de nous faire croire. Une dizaine de spectateurs se retrouve ainsi masser devant la scène, headbanguant et pogotant avec un zèle excessif qui prête à sourire. Et l’hilarité vient lorsque les fous d’un hôpital psychiatrique les imitent alors, s’excitant devant leur télévision. Quelques punks tout droit sorti de Démons 2 préfigurent un peu Death Wish 3 en se comportant comme des terreurs et un mannequin rigide balancé du toit d’un immeuble pour simuler un sucide vient rappeler à quel point le budget est limité.
Quelques moments sincèrements tendus, comme lorsque des flics découvre à la lumière de leurs lampes torches un cadavre accroché à une balançoire, sont immédiatement contrebalancés par des séquences caricaturales (une femme retrouve les affaires d’une amie disparue près d’une benne à ordure et pense que son corps y a été balancé, mais c’est le tueur qu’elle trouve caché à l’intérieur, éclairé d’un briquet, qui n’attendait que sa curiosité pour l’attraper), et d’autres ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions, comme la tentative de meurtre sur l’héroïne qui se retrouve enchainée sous un ascenseur montant en haut de l’immeuble avant de retomber en chute libre. Original et prometteur, mais la cascade est filmée si lentement qu’elle ne provoque pas du tout la sensation désirée. Reste une petite référence à Phantom of the Paradise (l’animatrice dit au tueur que sa voix modifiée lui rappelle le Fantôme), la bande-annonce de La Dame Rouge Tua Sept Fois au drive-in, ici présenté sous son titre américain de… Blood Feast, et un masque porté pendant deux secondes par l’assassin dans le dernier acte, qui est moins là pour faire slasher que pour représenter littéralement le passage du flambeau d’un maniaque à un autre.
Enfin le casting n’est pas mauvais, avec notamment la performance de Kip Niven (l’un des flics vigilantes de Magnum Force) dans le rôle de Evil. Roz Kelly (l’une des copines du Fonz dans Happy Days) n’a pas besoin de trop se forcer pour jouer la grosse salope et Grant Cramer (Killer Klowns From Outer Space) commençait là sa carrière de série B avec professionalisme malgré que sa scène de pétage de plomb soit si poussive qu’il aurait pu simplement cabotiner sans trop y penser. L’air de rien leurs efforts permet aux protagonistes de ne pas être de simples clichés sans personnalité comme on en voit trop souvent dans le genre, et cela aide à rendre le film un peu plus crédible, sans quoi il serait certainement passé pour un gros Z. Non pas qu’il vaille tellement mieux mais au moins il possède un certain cachet – certes minimaliste et discutable – qui explique son exploitation en salle à l’époque. Désormais on pourra le voir comme une sorte d’hybride bancal entre l’horreur des 70s et celle des 80s qui mériterait presque un remake moderne plus sombre et violent, histoire d’exploiter un peu mieux le potentiel de son intrigue.
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