Mr. Nice Guy
(1996)
Tout comme Contre-Attaque et Jackie Chan dans le Bronx, réalisés à la même époque, Mr. Nice Guy (ou Mister Cool chez nous) fut produit avec l’idée d’une diffusion internationale en tête. Des films volontairement moins « chinois » dans leur démarche, servant à présenter la vedette cascadeuse et à faciliter la distribution de ses travaux dans le reste du monde. Car si la France pouvait se targuer d’avoir la superbe collection HK de Christopher Gans avec les grands classiques du genre, un Crime Story ou un Marin des Mers de Chine n’étaient pas toujours facile à obtenir alors. Malheureusement se sont les ignobles frères Weinstein qui acquirent les droits d’exploitations, un duo déjà mal vu même à l’époque puisque n’hésitant jamais à mettre des bâtons dans les roues de leurs metteurs en scènes trop créatifs ou à altérer les œuvres en dépit du bon sens, juste pour assouvir leur pouvoir d’autorité. C’est donc ainsi que les Jackie Chan distribués sous la bannière Miramax se retrouvent charcutés, remaniés et amputés de plusieurs séquences jugées inutiles: du moment que les bagarres sont toujours là, quelle importance ?
Dans le cas présent cela se traduit donc par la perte de treize minutes de métrages, suppression de tous les moments jugés trop violents, trop sérieux ou trop sexy, quelques coupes visant à rythmer un peu mieux l’action et avec même la présence d’une nouvelle bande originale. Le générique d’ouverture est différent, des scènes sont déplacées et il y a même un doublage occasionnel sur certains dialogues afin de rendre des informations bien plus explicites même si elles sont déjà très claires. Ici un bruitage cartoonesque est rajouté pour rendre une séquence plus drôle, et là un personnage pourtant très important disparait sans prévenir et ne reviendra jamais ! En clair, Mister Cool est moins un film qu’un produit de consommation qu’il faut regarder sans réfléchir, les enfants étant clairement l’audience ciblée. Autant dire que cela ne sied pas nécessairement au style de Sammo Hung, jamais le dernier pour déshabiller ses actrices ou tuer certains protagonistes. En résulte une forme de censure quasi puritaine qui est désormais encore plus drôle au regard du comportement sexuel d’Harvey Weinstein.
Autant dire que trouver la « vraie » version du film est un véritable casse-tête. Car outre ce montage international peu séduisant, il faut faire le tri entre la version uncut hong kongaise qui redouble tout le monde en Cantonais et a laquelle manque justement une scène introduisant les liens entre Jackie Chan et sa « famille » américaine, la funny version taiwanaise qui existe en deux éditions différentes (le montage international anglais et le HK proposé en mandarin), et la extended version R2 japonaise qui est intégrale mais ne contient pas les sous-titres anglais originaux sur certaines scènes et dont l’image n’est pas au format anamorphique. Ouf. Fort heureusement il est désormais possible de voir un équivalent de la version HK avec les véritables voix anglaises, tel que le film fut tourné, via la chaine WarnerTV. L’occasion de faire ses propres comparaisons avec le DVD basique que l’on peut trouver assez facilement et de constater que, même si cette nouvelle aventure de Jackie Chan n’a rien d’extraordinaire, les petits détails restent malgré tout très importants à l’appréciation d’une œuvre de cinéma…
L’intrigue, assez similaire à celle du génial Thunderbolt commis l’année précédente par Gordon Chan, s’intéresse à la guerre des gangs qui oppose la mafia de Giancarlo, parrain du crime sadique, à la bande des Démons, qui représente une nouvelle génération de criminels plus anarchiques. Une rencontre entre les deux groupes tourne vite au règlement de compte et la journaliste Diana filme la scène, se retrouvant alors traquée par la pègre italienne qui compte bien récupérer la cassette vidéo. Dans sa fuite elle va tomber sur le gentil Jackie, joué par un Jackie Chan qui floute la frontière entre la fiction et la réalité, ce qui était déjà le cas dans Jackie Chan dans le Bronx et quelques autres versions anglaises de ses films. Il est ici la star d’une populaire émission culinaire, se retrouvant malgré lui plongé au cœur de l’affaire lorsque l’héroïne échange par inadvertance leurs cassettes vidéos. Il est alors poursuivit à son tours par les hommes de main de Giancarlo et se défend comme il peut grâce à ses talents. Ce qui ne l’arrange pas puisque sa petite amie débarque au pays afin de lui rendre visite, risquant elle aussi d’être en danger…
Ce qui s’ensuit est l’habituelle comédie d’action à laquelle le virevoltant héros nous a habitué, même si on l’a déjà connu plus inspiré. En fait lui et Hung ne se mouillent pas trop, préférant faire simple mais efficace, sans doute soucieux de séduire le public occidental. Au programme citons une bagarre durant une cérémonie de multi-mariages pour bikers, où est exploité un ballon géant en forme de King Kong dont les câbles et l’hélium permettent à Jackie d’esquiver, rebondir ou même donner des coups en s’élevant dans les airs. Un affrontement en plein centre commerciale qui, s’il ne vaut pas celui de Police Story, se montre divertissant avec la rampe d’un escalator utilisé comme toboggan et le combat réussi contre ce sbire à coupe en brosse peroxydée, et une longue baston dans un immeuble en construction qui lui vaut bien ce qui se fait à Hong Kong, où les combattants utilisent palettes en bois et outils de chantier: un type se retrouve le cul coincé dans une bétonnière tandis qu’un autre est accroché à un marteau pneumatique en marche.
Duel spectaculaire également dans ce mini van aux dimensions réduites, où le cascadeur exploite le réglage des fauteuils à son avantage et montre son talent pour les roulades et l’esquive rapide. Car si Mister Cool est loin d’être un grand film, il ne brade pas son talent pour autant et se montre aussi vif et agile que d’habitude: il passe à travers les barreaux d’une grille lorsqu’il n’a pas le temps d’escalader celle-ci, traverse une fine poutre entre deux toit d’immeuble alors qu’une explosion proche le fait vaciller, imite Harold Lloyd et son horloge dans Monte Là-Dessus avec une porte donnant sur le vide, et saute d’un pont pour se rattraper in extremis à une grue verticale dont le contre-poids le fait atterrir en douceur (séquence un rien ruinée par un insert montrant sa main attraper le barreau, clairement simulé, plutôt que de le montrer s’y agripper en plein vol). Il y a aussi cette belle trouvaille du combat truqué contre Giancarlo, où chacun de ses membres sont tenus en laisse par ses sbires pour l’empêcher de vraiment frapper son adversaire.
Bref il n’y a pas tromperie sur la marchandise, bien au contraire, et tout cela se conclu sur une séquence de destruction massive où Jackie pulvérise la gigantesque maison de l’antagoniste à bord d’un camion de chantier géant qui ferait passer un Monster Truck pour une voiture sans permis. Une séquence de destruction porn qui s’étire sur six bonnes minutes avant que les traditionnels bloopers de fin de film nous montrent la star manquer de se faire castrer par une véritable scie circulaire. Seul échec dans tout ça, une longue scène qui devait être l’un des gros morceaux du projet, où Jackie et sa petite amie sont assaillit de mafieux alors qu’ils sont coincés sur une calèche lancée à vive allure en plein centre ville. La faute à Sammo Hung qui ne semble pas savoir comment cadrer les combats sur une zone très petite, filmant du coup trop serré tandis que les coups et les chutes perdent de leur impact. Belles exceptions: ce type qui explose une enseigne trop basse avec son crâne et l’instant où le héros perd l’équilibre et se rattrape de justesse en prenant appuie sur un tramway de passage en sens inverse.
Du reste il convient de voir la version « complète » du film pour mieux apprécier certaines choses qui se retrouvent parfois raccourcies, parfois coupées au montage. Comme tout ce qui touche au personnage de Diana, qui dans la version Miramax disparait carrément du film peu avant le grand final ! Le fait est que les Weinstein, soucieux de sauver les apparences, ont supprimés presque tous les moments de violences commis sur les personnages féminins, réduisant à l’état de peau de chagrin leurs contributions à l’intrigue. Miki, la fiancée de Jackie, déjà bien transparente en l’état, est désormais presque inexistante. La scène où journaliste est agressée par les mafieux alors qu’elle est en sous-vêtements, et prend ainsi la fuite en pleine rue, est découpée de façon à ne conserver que les gros plans. Quant à l’ouverture qui montre Giancarlo enterrer vivante une espionne des Démons en l’ensevelissant sous des tonnes de gravas, est déplacée un peu plus loin afin de ne pas effrayer les parents venu accompagner leurs bambins dans les salles. C’était pourtant une sacré entrée.
Heureusement quelques passages ont survécu à la vigilance d’Hollywood et on peut citer cette fusillade dans un théâtre fermé sous une pluie de billets, cette séquence de cache-cache à la Scooby-Doo où Jackie et des gardes se croisent et se ratent dans un labyrinthe doté d’innombrables portes, et ce gag où le héros pose malencontreusement sa main sur la poitrine de l’héroïne en voulant la protéger. Bizarrement par contre, la version tronquée garde des vestiges d’une scène importante qui disparait dans l’autre montage, présentant un peu plus les amis et collègues de Jackie et les liens qui les unissent. Mais il faut dire que Mister Cool multiplie peut-être un peu trop les personnages secondaires et on se demande l’utilité de certains comme l’assistante de Jackie, son copain policier ou même le gang des Démons qui ne sert finalement pas à grand chose. Que de temps perdu avec eux alors que l’on aurait pu passer encore plus de temps avec le génial Richard Norton, ici parfait dans ce rôle de criminel brutal mais maniaque et ne supportant pas la saleté. Il gifle un de ses hommes avec sa propre cravates et fait porter des chaussons à ses associés pour préserver son parquet.
A ses côtés la belle Gabrielle Fitzpatrick se montre charmante en reporter un rien égocentrique, n’hésitant pas à passer une bonne portion du film en lingerie dans la bonne version du film. Les défenseurs de la bonne morale ne disait pourtant rien, quelques années plus tôt, lorsqu’elle apparaissait en magicienne en bikini dans Power Rangers: Le Film. Quant à Sammo Hung, il fait une courte apparition dans le rôle d’un cycliste bien malchanceux. Et à ce titre autant mentionner la marque Pepsi, pratiquement un personnage à part entière via ces placements de produits éhontés: outre une cannette géante durant le mariage des motards, c’est tout le contenu d’un camion de livraison qui se renverse sur la route, inondant le sol et les acteurs de son contenu poisseux et collant tandis que Jackie Chan en plein combat piétine par dizaines les bouteilles et les cannettes. Ça c’est de la pub !
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