Parfois je regrette le temps où je tenais un blog stupide, quand je pouvais pondre un billet à propos de n’importe quoi avec une seule image à l’appuie. Ce n’était ni constructif, ni intelligent, mais au moins je pouvais écrire sans me stresser à propos de recherches appronfondies, du sens de la formule, de discipline orthographique et de mise en page. Du coup aujourd’hui je vais revenir à cette époque le temps d’un article inutile, car mon sujet est si mince qu’il ne vaut pas tellement plus. Mais après tant d’années à me pencher dessus, je me sens presque obligé d’en parler un peu: j’ai finalement réussi à identifier ce Justicier d’Okinawa, que Powder édita par chez nous en VHS. Ceux qui bouffèrent de la cassettes vidéos à l’époque s’en souviendront peut-être, mais le film est si obscure que très peu sauront de quoi je parle. Pour ceux-là, disons que l’oeuvre était un hybride entre le film de vigilante et le film de Yakuza, avec une certaine inspiration du côté de Charles Bronson pour le look du héros, doté d’une formidable moustache.
L’histoire montre comment un vétéran de la guerre du Vietnam rentre chez lui à Okinawa pour découvrir que les mafieux du coin on tué son jeune frère, un adolescent innocent s’étant retrouvé embarqué dans un conflit avec les criminels malgré lui. L’ancien soldat s’associe alors avec la petite amie de son frangin et un camarade de guerre américain pour traquer et éliminer les responsables. Le tout bien sûr avec une ambiance un rien nihiliste et une conclusion tragique voulant que pratiquement tout le monde y passe, y compris les héros. Pour être franc cela fait plusieurs dizaines d’années que je n’ai pas revu le film et je n’en est plus grand souvenir hormis une impresionnante cascade en moto (où le pilote se crash volontairement et douloureusement pour les besoins du film), le final plutôt sombre et une séquence de torture qui lorgne du côté de Scarface lorsqu’un Yakuza ivre se met en tête de transformer sa victime “en fille” avec une tronçonneuse. Ce n’est pas faute d’essayer, mais il ne semble y avoir aucune copie facile d’accès à l’heure actuelle.
Si quiconque pourra me traiter de flemmard et déclarer qu’il me suffit de brancher un magnétoscope pour lui enfiler ma vieille cassette, c’est justement cette recherche d’une version en ligne qui me donna le but d’identifier le film afin de troquer la VF pour une version originale japonaise. Pour trouver la bête il faut bien sûr connaître le titre original, ou au moins celui de la sortie internationale, et c’est là que le bas blesse: à en croire Internet, Le Justicier d’Okinawa serait en fait Okinawa Yakuza War, une production de la Toei remontant à 1976 avec rien de moins que Sonny Chiba dans le rôle principal. J’ignore d’où provient cette information, mais c’est celle que tous les sites nous renvoient, sans doute par facilité. Alors oui, bien sûr les deux films partagent ce concept sophistiqué d’avoir des Yakuzas oeuvrant à Okinawa, seulement quiconque a vu Le Justicier sait que Sonny Chiba n’est pas dans le film ! Et même sans avoir vu l’un ou l’autre, il suffit d’avoir plus de deux neurones pour réaliser que quelque chose cloche…
Sur un poster, le protagoniste est glabre avec le crâne rasé, sur l’autre, il a des cheveux longs et pornstache. Comment diable peut-il y avoir confusion ? L’air de rien, l’absence de tout intérêt pour Le Justicier explique sans doute pourquoi personne n’a daigné corriger ce malentendu jusqu’à maintenant, et ce n’est pas Okinawa Yakuza War qui risque d’en pâtir, l’oeuvre étant plutôt connue et facilement trouvable. Le spectateur désireux de (re)voir les aventures du Punisher nippon, lui, se retrouve plutôt dans la panade et devra multiplier les associations de mots pour arriver à quelque chose. Quant à la VHS Powder, il n’affiche aucun nom susceptible d’aider à la traque. Et ainsi toutes mes tentatives se sont soldées par des échecs jusqu’à maintenant. Non pas que je m’efforce jour après jours, pensez-vous, mais une fois tous les 36 du mois j’y tentais ma chance comme à la lotterie. Avec le temps les outils des moteurs de recherches se sont améliorés, avec possibilité de recherches par images et, méthode gagnante, l’option Google Lens.
C’est en tentant cette application avec la jaquette Powder que la vérité me fut révélé, l’algorithme trouvant une concordance avec l’affiche japonaise. Une affiche totalement identique qui vous donne un peu l’impression d’être un idiot pour ne pas l’avoir trouvé plus tôt. Et donc voilà, Le Justicier n’est en aucun cas Okinawa Yakuza War, mais un film nommé 南へ走れ、海の道を! qui date de 1986. Un titre se traduisant par Run to the South, the Road to the Sea ! (ou Run Towards the South, on the Road of the Sea d’après la bande originale) mais simplifié en South to the Horizon pour sa sortie à l’étranger. C’est Seiji Izumi qui réalise, de son véritable nom Akiyoshi Kimata (A Legend of Turmoil, Private Lessons II), et en fait de Sonny Chiba dans le rôle principal, c’était plutôt Koichi Iwaki (The Bullet Train, Doberman Cop, Zatoichi: The Last). Bref, Internet était bien loin du compte et le cinéphage mal renseigné pourra continuer de chercher encore longtemps avant de mettre la main sur le produit désiré.
Malheureusement il n’est pas plus aisé de trouver le film même avec ces renseignements, la faute à une distribution internationale sans doute minimaliste et du coup invisible, et au DVD japonais qui semble de très bonne facture mais sans le moindre sous-titres. Il ne faut pas désespérer et un VHSrip ou une édition inattendue peuvent très bien débarquer dans la nature du jour au lendemain, mais il reste néanmoins rageant d’avoir réussi à identifier l’oeuvre pour se retrouver bloqué au même point. Moralité: si comme moi vous possédez une VHS du Justicier d’Okinawa, surtout conservez-là. Et si par hasard vous êtes un génie technique doté d’une carte d’acquisition, soyez sympa et pensez à partager !
Comment peut-on rester indifférent face à cette moustache ?
c’est fun j’avais la vhs et j’ai pas su avant longtemps que c’était ce même film que je cherchais, le film a été diffusé sur chaine japonaise il se trouve avec un peu de patience …
Effectivement, à surveiller alors !