ROAD TO HALLOWEEN VIII
Killer Eye: Halloween Haunt
(2011)
“Let’s rub donuts.”
En 1999, David DeCoteau réalise The Killer Eye pour Charles Band, une série B lorgnant vers le hentai live action. Une œuvre à la sexualité schizophrène puisque si l’intention était de plaire aux garçons en leur proposant de jolies donzelles nues se faisant tripoter par un monstre armé de tentacules péniens, son metteur en scène homosexuel y injectait ses propres fantasmes à bases d’éphèbes en caleçons blancs se partageant le même lit. Un film bordélique tant par son érotisme contradictoire que ses problèmes de budget, la Full Moon fonctionnant à l’économie la plus totale depuis la seconde moitié des années 90, dans lequel personne n’y trouvera son compte à part quelques fans irréductibles. Ni les normies qui le trouveront trop bizarre et seront déconcertés par le point de départ, ni les weaboos pervers qui ont déjà vu des équivalents japonais (Angel of Darkness, Exorcister, La Blue Girl) mais devront composer avec la chiantise d’un DeCoteau post-coming out qui enchainait les commandes sans faire le moindre effort, comme en témoignent Curse of the Puppet Master, Leeches ou Shriek…
Dix ans plus tard les choses ne se sont pas arrangées pour Charlie, dont les productions sont de plus en plus pauvre et ne durent généralement pas plus d’une heure – durée non recevable pour une exploitation en salle ou à la télévision, preuve qu’il ne possède plus les mêmes deals qu’autrefois. Il en est réduit à vendre tout un tas de goodies à ses fans, comme des répliques hors de prix de ses pantins tueurs, des monster bras que seule une petite amie très amoureuse accepterait de porter ou ces céréales dégueulasses qui ne valent que pour le DVD fournis avec. Plusieurs de ses collaborateurs décidèrent d’ailleurs de quitter le navire, dont DeCoteau, qui se mis à son propre compte en fondant Rapid Heart Pictures. Si on ne peut pas parler de concurrence directe puisque son catalogue est plus tourné vers le softcore gay et les comédies familiales, il y recycla néanmoins la formule qu’il développa du temps des Talisman et Voodoo Academy avec la longue série des 1313: un groupe de beaux mecs très bavards mais peu frileux sont confrontés à un élément surnaturel minimaliste dans une intrigue où il ne se passe jamais grand chose.
A l’occasion ça s’embrasse et ça se tripote sans aller bien loin, et s’il est permis d’admirer la nudité chez les acteurs de son choix, seul les plus affamés seront emoustillé par ces séquences filmées platement. Car DeCoteau ne s’est jamais déconnecté du mode “autopilote” sur lequel il s’est branché depuis 1998 et emballe tout ça sans la moindre passion, provoquant encore une fois plus l’ennui qu’autre chose chez le public. Ce qui nous amène à ce Killer Eye 2, qui sort de nulle part douze ans après l’original et sans le moindre revenant derrière ou devant la caméra. C’est Charles Band qui se charge de le mettre en boite et d’inventer l’intrigue dont il délègue le script à deux gaillards: le regretté Domonic Muir, ici caché sous pseudonyme, scénariste de Critters et de quelques Full Moon à peu près potables des années 2010 (Dangerous Worry Dolls, Decadent Evil, Skull Heads), et l’horrible Kent Roudebush, qui lui n’a absolument rien de bien dans son CV (The Dead Want Women, Ooga Booga, et la plupart des Evil Bong).
Le premier étant décédé en 2010, on ne peut que supposer que le second vint opérer quelques réécriture de dernières minutes à la demande du grand patron, ce qui expliquerait l’aspect décousu du film dont la conclusion est si précipitée qu’elle semble inachevée, et l’ajout un peu encombrant d’une boule de cristal possédée par un esprit maléfique. Qui aurait cru qu’il serait si compliqué de pondre une histoire de monstre violeur, franchement ? Car Killer Eye: Halloween Haunt n’est même pas la suite du premier, en fait une séquelle meta qui incorpore son prédécesseur sous forme de fiction dans son propre univers. Une belle manière de faire de la pub déguisée et de refourguer de nouveaux produits aux spectateurs, en l’occurence ici une petite statuette collector de l’oeil tueur, pas du tout ressemblante à son modèle mais incluant une copie DVD en guise de bonus. Un objet que l’on pouvait acheter sur le site Internet de la Full Moon à l’époque, et que les protagonistes découvrent parmi les accessoires et décorations d’une petite attraction qu’elles sont censées préparer pour Halloween.
Ainsi Jenna, une blondasse un peu cruche, doit comme chaque année transformer la demeure familiale en une terrifiante House That Dripped Horror pour divertir le voisinage. N’ayant qu’une semaine pour finir les préparatifs et ne pouvant compter sur l’aide de sa mère qui a dû quitter la ville pour une affaire urgente, elle invite quelques copines sous couvert de faire la fête pour obtenir quelques bras supplémentaires. Celles-ci acceptent et exhument une véritable boule de cristal qui appartient à la maman absente, laquelle s’est tournée vers l’occulte depuis la mort de son époux. A leur insu, un esprit va les observer durant toute la soirée à travers l’objet, les espionnants sans doute par solitude si l’on en croit les dires de sa maitresse qui avoue communiquer avec lui à longueur de temps. Lorsque les demoiselles tombent sur le DVD de Killer Eye, il va regarder le film avec elles et étudier avec attention le modus operandi de l’oeil visqueux, qui pour rappel cherchait à s’accoupler avec le plus d’humaines possible afin de créer une race d’hybrides qui pourra conquérir le monde.
Sans doute émoustillé par le comportement de certaines, les filles n’hésitant pas à danser lascivement ou à dénuder leurs poitrines devant lui, l’entité va alors posséder ou donner vie à la petite réplique du monstre, qui va se balader dans la maison dans l’intention de se reproduire avec elles. Doté de pouvoirs hypnotiques, il va tenter de les manipuler pour obtenir ce qu’il veut mais ses méthodes sont imparfaites et les donzelles vont souvent lui résister. La créature va alors tuer celles qui refusent de lui obéir, les transformant en zombies pour mieux tromper les autres… Une situation qui ne se réalise vraiment que dans les vingt dernières minutes, le reste n’étant qu’errance narrative et remplissage à base de blagues puériles et de nudités: une bimbo se révèle être une surdouée en trigonométrie, une autre est obsédée par les sucettes (un bon entrainement, selon elle), une lesbienne et sa rivale hétéro se lancent des piques à tout va et une coquine presse ses seins contre la boule de cristal pour exciter le voyeur surnaturel. Bref ça ne pisse pas loin et très vite on relèvera les similarités avec la formule DeCoteau.
Car il est clair que Charlie copie la façon de faire de son ex-employé, des longs dialogues inutiles et semi improvisés en passant par l’ambiance érotique avec stripteases et papouillages entre jeunes femmes qui ne sont pas toutes homosexuelles mais que la promiscuité ne dérange apapremment pas: l’une retire le haut dès qu’on lui dit de se mettre à l’aise, Jenna entre dans la salle de bain pour papoter avec sa copine sous la douche et personne ne se choque lorsque deux amies se retrouvent l’une dans les bras de l’autre grâce à la magie du globe occulaire, s’embrassant et se déshabillant avant de reprendre leurs esprits. Autant de séquences polissones qui en toute logique auraient dû faire tout l’intérêt de ce Killer Eye 2, mais qui ne lui font aucune faveur du fait qu’elles soient plus emmerdantes qu’autre chose ! Car Charles Band ne sait pas plus exciter son public que DeCoteau, et il le prouvait déjà en 2006 dans Petrified, où une momie alien se baladait dans un centre pour nymphomanes sans que le réalisateur n’en profite jamais. Oui les actrices retirent leurs vêtements et se câlinent un peu, mais tout est expédié et rien n’est mis en valeur.
A la place ce sont ses jouets qu’il se plait à nous montrer, comme pour nous rappeler qu’il dispose de produits dérivés à écouler. Citons des masques de Baby Oopsie Daisy, Blade, Gingerdead Man, Killjoy et Radu, et quelques décorations moins officielles comme cette imitation d’un des Killer Klowns From Outer Space et ce pantin inspiré de l’autostoppeur de Creepshow 2. La maison est remplie d’automates qui servent surtout à créer quelques jump scares gratuits et de poupées à l’allure macabre qui furent empruntées à un ancien maquilleur devenu sculpteur, Sean P. Rodgers (House III, Undead or Alive), qui se fait là une pub d’enfer tant ses créations envahissent le film, de l’arrière-plan au générique de fin en passant par le poster. Naturellement au moins un personnage évoque un film de la Full Moon (Evil Bong) et le DVD de Killer Eye est plus qu’exposé à la caméra: il bénéficie carrément d’une riff track improvisée par les actrices qui le défoncent méchamment. Ce sont des scènes entières qui sont présentées, filmées directement depuis un écran de télévision !
Un bon prétexte pour gagner du temps, avec au total une vingtaine de minutes d’extraits réparties sur tout le métrage. Une technique dont le monteur (Danny Draven, qu’on ne remercie pas) abuse pour gonfler la vidéo qui en réalité ne doit faire que 45 minutes à tout casser: trois minutes de générique d’ouverture par-ci, cinq minutes de crédits de fin par-là, une minute de la confrontation finale placée sans raison en guise d’intro… On en rirait s’il ne fallait pas s’enfiler la chose jusqu’au bout, et le seul point positif que l’on peut en tirer est ce cas de mise en abyme lorsque l’on réalise que l’on regarde un film (Killer Eye 2) où les protagonistes regardent un film (Killer Eye 1) où les protagonistes regardent un film (Creepozoids). Un moment de divertissement sans doute involontaire qui n’a d’ailleurs pas beaucoup de concurrence puisque le vilain globe occulaire agit à peine. Il matte une fille sous la douche, explose un crâne avec une rafale optique façon Cyclope des X-Men et désintègre les vêtements de ces dames de la même façon, lesquelles peuvent heureusement lui renvoyer ses rayons à l’aide d’un miroir…
Pas grand chose d’autre à signaler à l’exception de quelques dialogues amusants, les zombies utilisant le prédicat “Bitch known as…” en s’adressant aux autres filles, et les séquences d’hypnotisme dont semble raffoler Charles Band (il en casa une autre dans Unlucky Charms quelques temps plus tard), parfaites excuses pour forcer les personnages à se caresser, se dénuder ou s’envoyer en l’air, mais qu’il interrompt toujours avant que les choses ne deviennent intéressantes. Allez comprendre. On pourrait prétendre à l’incompétence malgré les années d’expériences, en vérité le bonhomme semble aussi désintéressé que l’homme dont il s’inspire, baclant son travail. Preuve en est la scène du lit, si mal branlée qu’on ne comprend ce qui arrive qu’après les faits: une nana se repose tandis que l’oeil pervers se glisse sous la couette et file entre ses jambes, réussissant on ne sait comment à lui donner du plaisir. Elle relève les draps pour tomber sur le monstre qui alors semble l’électrocuter pour la tuer. C’est du moins ce que les images renvoies jusqu’à ce que la victime vomisse la petite créature.
Il fallait comprendre que la bête s’est glissée par son intimitée avant de traverser son corps et d’émerger par la bouche. Bonne idée, horrible exécution, et cela résume assez bien le film. Comme l’idée d’engager Tom Devlin comme designer pour les effets spéciaux sans le laisser les réaliser lui-même, ou de déléguer la post-production à Darkworld Pictures, la compagnie de Danny Draven spécialisée dans le micro budget. Critiquez Killer Eye 1 comme vous voulez, au moins les gens se souviennent de lui. Cette suite en revanche n’a rien de mémorable à l’exception de quelques concepts mal retranscrits à l’écran. Pas même son titre d’ailleurs, qui est modifié continuellement au fil des ans. C’est ainsi qu’il est devenu The Disembodied pour de nouvelles éditions DVD et Halloween Horror House ! sur quelques plateformes de streaming. Tout pour se distancier de l’original visiblement, et on pourra se demander ce qu’en pense David DeCoteau. Visiblement peu rancunier, celui-ci continue à l’occasion l’aventure Full Moon en tournant quelques projets et en apparaissant aux côtés de Charlie en convention.
Comme quoi tout le monde s’en fout de ce Killer Eye 2.
GALERIE
Je l’avais chopé aussi en vue de cet Halloween, mais après avoir subi le premier, je crois que j’abandonne par avance 🙂
Parfaitement compréhensible, et comme Charlie lui-même est en charge de cette suite, tu te doutes bien que ça n’arrange rien les choses !
Du coup, j’ai presque envie d’en savoir plus sur le premier…
Haha, malheureusement je me suis un peu mal exprimé et l’oeil pervers ne moleste aucun jeune homme dans l’original. Le réalisateur à ses propres.. euh… fetishes, et hélas ils sont plus banal que le tentacle porn.
Je connais un peu le premier, la scène de la douche a pas mal tournée, juste que l’histoire telle que tu la décris parait mieux (et puis, moi, tu sais, tant qu’il y a du nichon…)