Inara, the Jungle Girl
(2012)
Il y a quelques années je vous avais parlé de films fétiches japonais, que l’on peut apparenter à du cinéma pornographique du fait de son lien étroit avec le BDSM à la différence que la représentation du coït lui-même, parfois même de la nudité, peut en être totalement absent. Par définition le fétiche est une “préférence” qui va exciter, et il n’est ainsi pas nécessaire d’en faire plus. Et si pendant longtemps cette notion se rapportait à des pratiques érotiques et/ou sexuelles ou a des tenues que l’on retrouve dans le milieu proche du bondage (uniforme militaire, de secrétaire, latex, cuir, etc), la nouvelle génération a fini par lui trouver de nouveaux terrains d’exploration. Le monde devient “geek”, se réclame d’une pop-culture alimenté à la fois par la nostalgie, les médias et la vente de masse de produits dérivés. On peut se contenter d’être fan de Star Wars ou de Harry Potter – deux franchises ultra reconnue et pas du tout obscure – et se considérer comme un Nerd différent de la “norme”. Les comics gagnent un regain d’intérêt, le manga plait toujours autant et les jeux vidéos s’améliorent de génération en génération, ayant su faire disparaitre avec le temps leurs racines de “jeu de société électroniques”.
Pas étonnant que de nouveaux fétiches pointent le bout de leur nez, ou du moins que certaines préférences soient réadaptées dans ce nouvel environnement. Et donc comme je l’expliquais, les nippons de Giga Freeks (et autres boites spécialisées) se portent volontiers sur le cosplay et les emprunts à la bande-dessinée: costumes de super-héroïnes, tueuses à gage en combinaisons moulantes, femmes-ninjas ligotées pour interrogation, etc. J’évoquais le DID, ou Damsel in Distress, où l’idée était d’utiliser le bondage dans un cadre narratif rappelant tant le comic-book que les couvertures de romans pulp. Sans surprise l’Asie n’est pas le seul continent à se prendre d’intérêt pour ce fétichisme moderne, qui existe également aux États-Unis. Certes il y a chez eux, depuis le boom de la VHS dans les années 90, de nombreuses parodies porno qui en reprennent les mêmes idées. Mais le film fétiche moderne et geek est représenté par une multitude de “compagnies” et d’individus qui réalisent des tas de vidéos de super-héroïnes en dangers, de combattantes malmenées et d’espionnes capturées par leurs adversaires.
Le site Heroine Movies tente d’en répertorier la plupart et il est amusant de constater que les valeurs de productions vont aussi bien du film amateur crapoteux à la réalisation semi-professionnelle. Inara, the Jungle Girl fait parti de cette seconde catégorie, offrant une image soignée et un minimum d’effort sur a peu près tous les départements. Mais attention, je parle en comparaison des vidéos habituelles, souvent tournée avec un simple appareil numérique bon marché. Les films fétiches ne sont pas vraiment du cinéma, et il faut souligner leur durée très courte: de 10 à 20 minutes en moyenne, parfois un peu plus quand il y a un soupçon d’intrigue ou de remplissage factice histoire de justifier le prix pas toujours donné de ces réalisations. Forcément, avec ses caméras RED et une durée exploitable de 70 minutes, Inara donne presque l’illusion de voir une véritable production. Et ainsi le réalisateur a pu tromper son monde et proposer son œuvre en-dehors du marché plutôt limité du fétichisme ! En accomplissement en soit, même si d’autres y arrivent parfois aussi et que nous sommes encore loin du succès de l’industrie japonaise, qui elle propose carrément des boutiques spécialisées pour vendre leurs films.
Ainsi peut-on se procurer la chose en Blu-Ray et DVD dans différents pays, sous couvert de n’être qu’un banal DTV indie. Il est même amusant de voir le réalisateur prétendre que sa boite, Red Valkyrie Films, est plus une compagnie technologique qu’un studio de cinéma, ventant l’utilisation des nouveaux équipements digitaux afin de gonfler ses valeurs de productions. Cela n’empêche pas la vérité de ressortir lorsque son équipe, surnommée Band of Vigilantes, se retrouve orthographiée Band of Viligantes à l’écran ! Et pendant ce temps, le monteur insert une citation de la militante Maya Angelou en début de film pour avoir l’air plus profond… Pour autant tout ceci ne va pas jouer en faveur de Inara, car le public “normal” – qui ne connait rien de l’univers fétichiste – va juger le résultat selon ses propres critères. Comment peut-il comprendre que tout l’intérêt d’un tel titre est de voir de jolies donzelles être ligotées et dominées / fouettées / chatouillées / fessées à répétition, en dépit de toute logique ? Ou de parader dans une tenue affriolantes qui pourra ne pas être du goût de tous ? Et que le reste, tout le reste, n’importe théoriquement pas ?
C’est bien sûr impossible et le film se retrouve ainsi lynché par les critiques qui n’y voit qu’un sombre navet. On ne comprend pas pourquoi le film est chiant, lent, mal joué et avare en péripéties autres que les scènes citées ci-dessus. Bref c’est un rejet forcé. Sauf pour les fans de “nanars” qui vont se jeter dessus pour en rire, sans rien comprendre non plus, et finiront par dire ce que l’on dit tous la première fois: “On dirait du porno sans le porno”, d’un air moqueur mais sidéré. Pour faire simple, en cherchant à étendre son public sans rien changer à la formule, Inara se plante royalement et personne n’y trouvera satisfaction. David DeCoteau commet la même erreur, jouant souvent sur sa réputation ou celle de quelques noms encore bankables (Eric Roberts, Linnea Quigley) pour des œuvres qui n’ont rien à faire dans le grand commerce. Bigfoot vs. B.D. Cooper me vient en tête, tel un épisode post-traumatique. Tout ça pour dire qu’il faut normalement critiquer Inara dans son contexte, et non pas comme un vrai film. Le problème c’est que même en l’état, il s’agit d’une profonde déception…
Oh il n’y a pas tromperie sur la marchandise: le projet promet un grand nombre de nanas vêtues de bikinis en peaux de bête, et elles sont bien là. Seulement en-dehors de ça, il n’y a rien d’autre et les séquences promises de bondage, ryona et de femdom se limitent à trois fois rien. Le pornophile ne trouvera rien à se mettre sous la dent (ni sous la main) en terme de sexe ou de nudité, et le fétichiste pourra lui bien utiliser cette main, mais surtout pour compter sur ses doigts les rares scènes intéressantes… Et c’est dommage quand on voit ce qu’essayais de faire Patrick Desmarattes, le scénariste / réalisateur / producteur: revenir à la base de ce fétichisme super-héroïque et s’inspirer d’une des premières figures du genre, les Tarzanides. Ces héros de la jungle fortement inspirés par Tarzan, grande figure du pulp. Et plus précisément de leurs versions féminines, aussi appelées Jungle Girls, que l’on pouvait trouver en masse dans les comics d’antan. C’était les Sheena, Rulah, Jann, Rima et toutes les autres, qui veillaient sur la jungle en bondissant de lianes en lianes et luttaient contre des bêtes sauvages dans leurs petites tenues en fourrure…
Et ainsi l’histoire nous amène sur l’île perdue de N’iah, un endroit inconnu du monde et qui serait la dernière grande réserve de ressources naturelles, avec pétrole et métaux précieux en abondance. Engagée par une société privée afin de trouver et pacifier la zone, l’organisation Asguard et ses mercenaires se rendent sur place, mais l’un de leur soldat fini par perdre la raison. Persuadé qu’il peut devenir le maitre des lieux, il tente d’exterminer le peuple de femmes qui habitent dans la région et assassine leur reine, la Mère Sacrée, pour lui succéder. Un de ses frères d’arme s’oppose à lui et l’abat, rentrant alors aux USA en emportant avec lui le bébé orphelin de la souveraine… Dix ans plus tard, l’enfant est devenue une jeune femme ultra sexy baptisée Inara. Elle aussi soldat d’Asguard, elle fut élevée par un père souvent absent qui ne lui a rien raconté de son passé. Cela n’est pas sans l’affecter car elle possède certains troubles du comportement: elle est colérique, agressive et rebelle. Pour ne rien arranger, Liam, le fils du mercenaire fou, la tient comme responsable de la mort de son géniteur et se trouve être aussi taré que lui…
Lorsque son paternel fini par décéder, Inara est perdue et amère. Seul le Capitaine Fletcher, recruteur militaire et ancien ami du défunt, lui témoigne un peu de compassion. Mais c’est alors que la mission abandonnée dix huit ans plus tôt est réactivée, et Asguard doit à nouveau déployer ses mercenaires sur l’île de N’iah. La jeune femme est envoyée sur place avec une équipe en reconnaissance, mais le champ de force électro-magnétique qui entoure l’île va provoquer le crash de leur avion. A peine remise du choc, Inara est aussitôt capturée par les amazones, qui apprécient mal le retour de ces soldats sur leur territoire, et se fait interroger, mais la nouvelle reine semble savoir qui elle est et la laisse libre. Et c’est dans ce nouvel environnement paisible que l’héroïne retrouve sa tranquillité. Troquant l’uniforme contre la peau de bête, elle s’apaise et semble revivre, découvrant les différentes coutumes de ce peuple de femmes guerrières. Malgré une rivale violente qui la provoque, elle commence à créer des liens, notamment avec Tin’ou, la seule enfant de la tribu.
Hélas ses camarades d’Asguard se sont rassemblés. Liam et de nombreux hommes progressent toujours un peu plus dans la jungle, jusqu’au jour où ils croisent la petite fille et l’abattent comme une vulgaire proie. Cela déclenche le courroux de la jeune femme et des Jungle Girls, qui se décident à prendre les armes afin de repousser une bonne fois pour cet envahisseur majoritairement mâle et blanc, et donc forcément diabolique… On pourra dire que le scénario est un ramassis de cliché qui ne raconte pas grand chose, et ça serait vrai. Mais compte-tenu que d’ordinaire le script se limite à quelques lignes de dialogues pour une ou deux longues scènes de fétiche, il faut presque considérer Inara comme un projet ambitieux. Du moins sur le papier, car le résultat à l’écran est noyé à force “bonnes intentions”. Malgré que la chose fasse 71 minutes, que le casting compte plus une vingtaine de personnes et que les accessoires et costumes soient de qualités… le film est juste emmerdant. Desmarattes fait clairement du remplissage et ne délivre même pas sur “la marchandise”.
Le montage est truffé de ralentis et rallonge inutilement des séquences où les protagonistes marchent dans la forêt, afin de gagner du temps. L’histoire tombe à plat puisqu’on lui accorde trop d’importance par rapport à la nature même du projet, déséquilibrant le ratio intrigue / fétiche, et surtout le scénariste semble très peu regardant sur les détails. Si Asguard est au courant qu’il existe un champ électro-magnétique qui les empêche d’utiliser leur équipement, pourquoi envoyer les soldats en avion ? Et s’il est normalement impossible d’utiliser des armes à feu pour cette raison précise, cela n’empêche pas les antagonistes d’utiliser plusieurs fois leurs fusils sans rencontrer le moindre problème. Un sacré soucis de cohérence d’autant plus souligné du fait que l’équipe d’Inara a été spécialement sélectionnée en raison de son talent au corps-à-corps… On peut aussi s’étonner de la présence d’une enfant sur l’île étant donné que la population est exclusivement féminine, et jamais n’est expliqué l’origine du champ de force qui entoure l’île, ou pourquoi l’homme qui est censé veiller sur Inara fait subitement parti de l’invasion finale avant de se trouver à ses côtés durant la victoire, sans qu’aucune scène n’explique se retournement de veste.
Pire: en-dehors de cet acteur incarnant le mercenaire psychopathe en début de film, la totalité du casting est mauvais. Très mauvais, et je suis habituellement tolérant ! Mais il est impossible de ne pas ressentir une certaine honte lorsque la gamine fait un meilleur job que la plupart des adultes ! L’actrice principale, Cali Danger, malgré qu’elle soit dotée d’un corps de rêve (mais n’a clairement pas les dix huit ans de son personnage) sonne particulièrement faux. Il faut savoir qu’elle bosse habituellement dans des vidéos fétiches de type “catch sexy” chez RingDivas. Forcément, il ne fallait pas s’attendre à quelque chose de miraculeux, mais son absence d’émotions humaines et son accent de valley girl sont très difficile à supporter. Ce n’est pas tellement mieux chez ses collègues, qui passent du langage indigène sous-titré à l’anglais d’un instant à l’autre, sans aucune explication ni logique: une traductrice assiste l’héroïne durant un speech d’avant bataille, mais quand la reine prend le relais, toujours en anglais, tout le monde semble la comprendre…
Même Liam, le supposé vilain, n’a rien à faire du film, n’a aucune confrontation avec l’héroïne, et se fait tuer en traitre dans un ultime plan vite expédié au montage. Quant à la reine, on nous raconte qu’elle est tuée durant la confrontation sans que cela ne soit visible. Tout cela n’est pas très sérieux, Monsieur Desmaratte, surtout lorsque l’on se vente de faire un “film” plutôt que du “porno sans porno”. Citons quand même quelques petites réussites comme l’intégration de stock-shots pour simuler le décollage de l’avion (le crash n’étant évidemment pas montré) et les boucliers et épées spartiates de 300 utilisés par les amazones, qui demeurent visuellement impressionnant. Et les éléments de fétiche, alors ? Ils sont peu nombreux mais heureusement variés, et il y avait là du potentiel. Hélas, là où les japonais en font des caisses en répétant les mêmes scènes en boucles sous différents angles, c’est ici tout le contraire: expédié et tourné sans énormément de complaisance. On en penserait même le cinéaste timide ! Heureusement que les costumes des actrices sont constamment exhibés devant l’écran, des bikinis à la Frazetta à l’uniforme d’Inara échappé d’un comic-book des 90s.
Au programme de ce fourre-tout, du ryona (Liam et des complices s’en prennent à l’héroïne, profitant qu’elle soit ivre pour la tabasser), du femdom (elle se rebiffe aussitôt et défonce trois soldats surentrainés même si elle était trop soûle pour marcher juste avant), du bondage dans la très courte capture d’Inara par les guerrières, un peu d’action girl on girl dans un sens pas du tout sexuel via l’interrogation et le rite de passage de l’héroïne, et enfin une séquence de danse érotique devant un feu de camp, qui aurait dû être très sympa à regarder mais les comédiennes y sont tellement mal à l’aise que ça fait presque de la peine… Dans un registre plus surprenant on y trouve aussi un moment où la petite fille de la tribu arrache le soutien-gorge d’Inara avant de partir en courant, l’autre la poursuivant en se cachant la poitrine. Séquence pourvue d’une musique décalée et tenant presque du cartoon. Inara s’évanouie beaucoup et rampe plusieurs fois au sol, et enfin le combat finale entre Asguard et les filles de N’iah doit certainement correspondre au fantasme de quelqu’un. Manque de bol il n’y a ni violence, ni plans émoustillant, tout étant filmé en plans larges.
Toutefois cela n’est pas nécessairement un défaut puisque le cinéma fétichiste n’est jamais convaincant durant les bagarres. Les acteurs ne se frappent pas pour de vrais et, n’étant pas cascadeurs, se donnent des coups assez mollement afin de ne pas risquer de frapper leurs partenaires par accident. Ici au moins, il faut reconnaitre une certaine chorégraphie façon MMA parfois impressionnante et prouvant qu’il y a eu un minimum d’effort fourni de ce côté là. Et très honnêtement considérant la qualité général, on prend son plaisir là où on peut. Comme dans l’introduction montrant l’héroïne pleurer son père sous une musique bien trop mélodramatique et ringarde pour fonctionner. Le meilleur ? L’enterrement, lorsqu’elle apparait dans une tenue militaire qui se compose d’un mini-short et d’un débardeur moulant très court, piercing au nombril bien apparent. Il y a aussi le long générique de fin, qui s’étire sur plus de trois minutes mais qui diffuse des bloopers sympathiques et se trouve être caviardé de fautes d’orthographes: “This film was harder to make then finishing college”. Oui, visiblement…
Au final, l’idée du film est sans doute plus intéressante que le film lui-même. Ce concept d’une vidéo fétiche étiré sur plus d’une heure et vendu comme un véritable film, la haute technologie employée qui tranche avec l’amateurisme du projet. Sans parler du site internet qui se la joue tel George Miller et Mad Max, avec les multiples backstories élaborée qui n’interviennent jamais dans le récit (on peut ainsi découvrir qu’une des amazones est dotée de pouvoirs psychiques ou que Asguard était à l’origine une organisation pacifique). Une de mes anecdotes préférées est celle de cet artiste engagé par la compagnie via DeviantArt pour fournir un poster plus pulp. Lorsque celui-ci propose son illustration, respectant parfaitement le cahier des charges, on ne lui fait qu’une seule remarque: grossir encore plus les seins des filles ! Il va sans dire qu’avec tout ça, Red Valkyrie Films n’a pas trouvé de grand succès et a fini par mettre clé sous la porte… pour mieux ressusciter sous un nouveau nom: Maiden Comics Studios.
Desmarattes y a pondu son nouvel opus en 2014, Athena, the Goddess of War, et a même tenté de capitaliser sur Inara, the Jungle Girl avec une novélisation ! Un roman digital de 61 pages disponible pour la modique somme de 1,99$, exclusivement sur la boutique du site… laquelle n’est plus existante puisque les responsables n’ont pas renouvelé cette section de leur hébergeur Internet ! Vu le prix, je me serais presque senti assez masochiste pour tenter l’expérience et faire la comparaison, en espérant que le bouquin soit écrit par la même personne qui a fait les textes des génériques. On pari combien que ça aurait été meilleur que le film malgré ça ?
GALERIE
Ah merde, elle a le même prénom que ma fille, du coup…
Du coup, l’article fait tout bizarre à lire…
Ah merde écoute je suis désolé, crois bien que j’avais absolument pas ça en tête en écrivant le truc ! Du coup oui je comprends bien. Et bien euh…. dis toi que dans l’absolue leur Inara est supposée être une fille badass et capable de tenir tête à des grands cons. Hum… Et oublie tout le reste surtout.
Ben, c’est qu’avec les 30° à l’appartement, elle est pas très habillée et comme elle enchaîne les conneries, j’ai souvent envie de l’attacher…