Getting Lucky
(1990)
“I’m not Jesus Christ, I’m a Leprechaun.”
Getting Lucky, étrangement retitré Bikini Boy chez nous, est la tentative un peu triste du producteur Philip J. Jones de livrer une sex comedy pour teenagers dans l’esprit de Zapped ! et Une Créature de Rêve. Sans surprise le résultat ressemble beaucoup à son film précédent, Princess Warrior, dont il partage la même nature de softcore camouflé en film tout public (!) avec un humour au ras des pâquerettes et un rendu ultra cheap. Par là je veux dire que la chose fut filmée en deux semaines sans le moindre permis, et avec une chaise roulante pour effectuer les travellings de caméra. Voilà qui n’est guère surprenant lorsque l’on découvre que le projet a été conçu par Visa Street, la boite responsable de la série des Witchcraft et autres Time Barbarians extrêmement pauvres, et au final c’est la Troma qui s’occupera de la distribution, changeant au passage le titre original (Wish Me Luck) comme à son habitude. Un sacré cocktail au service d’une histoire qui dérape toujours un peu plus à mesure qu’elle progresse.
Ce scénario délirant on le doit à Michael Paul Girard, déjà coupable de Over-Sexed Rugsuckers From Mars et Body Parts, qui réalise également pour l’occasion. Son intrigue s’intéresse à Billy, un gentil garçon assez naïf et voué à la protection de l’environnement. Un jour alors qu’il recycle quelques ordures, il découvre une bouteille de bière renfermant un petit génie Irlandais, Lepkey, en fait un Leprechaun de 1257 ans et demi qui a été puni pour être un ivrogne ! Pour obtenir sa liberté il doit exaucer trois vœux, mais attention: comme il le dit lui-même il n’est pas Jésus Christ et ne peut pas arrêter les guerres ou empêcher la pollution. L’adolescent doit ainsi composer avec ces limitations qui vont lui réserver quelques surprises, comme lorsqu’il souhaite une Ferrari et se retrouve avec une vieille Pinto. Mais bien sûr le jeune homme est surtout amoureux de la jolie Krissi, cheerleader du club de basket de son lycée, et va évidemment demander d’obtenir un rencard avec elle.
Le problème c’est que la demoiselle est déjà convoitée par Tony, grosse brute et idiot fini qui a réussi à la draguer et tente désespérément de la mettre dans son lit. S’ensuit de nombreuses interactions entre les trois qui ne sont pas sans rappeler les gags répétitifs d’un Bib Bip et le Coyote ou d’un Tom et Jerry, où Billy interrompt accidentellement le couple au moment où ils vont enfin passer à l’acte en humiliant le sportif. Getting Lucky en oublie alors son sujet principal et le farfadet n’a pas tellement d’influence sur le déroulement des évènements. L’importance des vœux est toute relative, certains comptant, d’autres non, tandis que Lepkey utilise parfois sa magie gratuitement et sans raison alors que ses services sont censés être utilisés pour le libérer. L’ultime demande du héros est même bâclée et n’a aucun impact sur le reste de l’aventure, semblant presque servir de prétexte à faire disparaitre le lutin que Bill va carrément renvoyer en Irlande par la poste et sans grands adieux.
Difficile de s’en plaindre tant le film sous-exploite le personnage, ne tirant même pas avantage de son alcoolisme alors que la logique voudrait que cela soit le ressort comique principal. A la place, et comme dans Princess Warrior avant lui, il se concentre principalement sur l’érotisme au point de sortir bien vite des sentiers battus de la teensploitation coquine pour dériver vers quelque chose de plus osé. Passent encore les gags à la Porky’s (la musique angélique devant la pancarte “vestiaire pour filles”) et les nombreuses petites culottes des cheerleaders en jupettes, tout à fait normal dans ce type de production, mais il faut voir les étranges rajouts épicés caviardant presque chaque scène où Krissi et Tony commencent à se câliner. Fesses pincées, seins dévoilés, mains dans la culotte, tout ça avec un body double évident et quelques répliques doublées sur la bande-son. Cela saute d’autant plus aux yeux que le reste du film est d’une nature bien moins polissonne, et si l’actrice principale se déshabille complètement c’est uniquement pour une scène de douche où la caméra ne s’attarde pas.
Une décision de dernière minute à la demande du producteur peut-être, ce serait bien son genre. D’un autre côté la Troma est bien connue pour bidouiller les films qu’elle distribue, y injectant de nouveaux bruitages, dialogues ou scènes supplémentaires pour rendre les choses plus “drôles”. Dans tous les cas le résultat donne l’impression que le film risque de dérailler d’un moment à l’autre, et à vrai dire c’est justement ce qui fini par arriver. Car Chérie, j’ai Rétréci les Gosses venait tout juste de sortir et les responsables de Getting Lucky se sont dit qu’il serait bon de détourner le concept à leur sauce: Lepkey miniaturise Billy par erreur, qui se retrouve sur une scelle de vélo qu’enfourche l’héroïne. Puisqu’elle porte une mini-jupe, le voici pressé contre l’entrecuisse avec prises de vue macros sur la situation, puis il fini par être emporté derrière la culotte à force de mouvements de jambes. Bientôt il grimpe au vagin pour s’évader, le sexe étant représenté par un mur d’escalade déguisé doté de poils pubiens.
Krissi se retrouve submergée par le plaisir et doit se contenir puisqu’elle est en pleine classe, la scène se terminant sur un orgasme non contrôlé avec cris de jouissance sans doute volés à un quelconque film porno tandis que le garçon dérape et retombe au fond du sous-vêtement, se faisant asperger de sécrétions vaginales ! C’est sûr, ce n’est pas dans Ant-Man que l’on verrait ça. Et la scène de s’éterniser puisque la fille part ensuite prendre une douche, manquant de noyer Billy dans le savon qu’une autre étudiante va récupérer pour se frotter la poitrine. Bref, ce moment inoubliable vaut à lui seul la vision du film. Et des moments what the fuck de ce genre il y en a d’autres, même s’ils ne sont pas aussi fou. Comme lorsque le directeur du lycée puni le héros d’une fessée pour voyeurisme, ou lorsque Tony est forcé de se taper sur la tête avec une raquette de tennis sous l’influence du Leprechaun… pour soudainement se l’enfoncer dans le rectum et disparaitre pendant une bonne partie de l’histoire puisqu’il se retrouve à l’hôpital.
Le même gars tente aussi de violer la demoiselle, un peu comme dans cette scène de Retour Vers le Futur mais en beaucoup plus sérieux. Le script ne permet même pas à Billy de se montrer héroïque puisqu’il est coincé dans le corps d’un chat (“J’espère qu’elle ne me reconnaitra pas !” dit-il lorsque Krissi le ramasse pour lui faire un câlin) et que c’est la maman très en colère qui intervient. Mais c’est la dernière partie qui remporte la palme, où les protagonistes se marient sur un coup de tête alors qu’ils n’ont que 17 ans, réussissant à convaincre la mère de la demoiselle malgré qu’ils n’aient aucuns arguments valables. Durant le voyage de noces l’antagoniste revient pour provoquer l’adolescent en duel avec des brochettes de barbecue volées à des pique-niqueurs de passage, et les deux s’affrontent tandis qu’à l’arrière-plan deux canassons font de même, et visiblement pour de vrai. Aussi, ces chevaux appartiennent à un barbare semblant venir de l’âge du fer et dont la présence reste inexpliquée et inexplicable…
Considérant les conditions de tournage il est presque certain que le réalisateur ait improvisé cette conclusion, en témoignent l’absence du Leprechaun dont l’intrigue est résolue depuis un moment et l’abandon d’une sous-intrigue concernant une enquête policière dont est sujet Billy. Le montage rallonge aussi plusieurs scènes afin d’atteindre une durée valable pour l’exploitation commerciale du film et cela nous vaut deux montages romantiques inutiles, un tas d’extraits de Princess Warrior durant un passage au drive-in, et surtout cette foutue séquence où le héros tente de jeter la bouteille de Lepkey à la poubelle sans y parvenir, celle-ci bondissant magiquement hors du container. Un cauchemar qui se répète à n’en plus finir. Et oui, Getting Lucky se mérite, mais le spectateur courageux sera récompensé par un générique de fin pondu à-même un caméscope et qui affiche plusieurs faux noms du genre grivois: Harry Balzac, David D. Eldo, Hans Jobb, Richard P. Nuss… Pas de doute, voilà bien une production Philip J. Jones.
Celui-ci semble d’ailleurs porter la chose dans son cœur puisqu’il en réalisa un quasi remake quelques années plus tard, le Wish Me Luck de 1995 qui remplace le Leprechaun par une Djinn évidemment sexy. Un film qui, le croirez-vous, se trouve être encore plus cheap, plus graveleux et plus raté que celui-ci !
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