Evil Feed
(2013)
Film de genre hybride, Evil Feed mélange de manière peu conventionnelle le survival gore avec l’intrigue de combats clandestins du cinéma d’arts martiaux. Comment ? En situant l’action au sein d’un restaurant de haute gastronomie pour cannibales ! Cette idée, c’est à la base celle de Ryan Nicholson, auteur du sévèrement violent Gutterballs et spécialiste des effets spéciaux sanglants, et elle repose sur le concept démentiel de montrer les guerriers comme des homards dans leur aquarium: les clients regardent les matches et peuvent parier non pas sur le résultat, mais sur les morceaux de corps qu’ils désirent manger ! Un point de départ intéressant qui va cependant légèrement dévier de sa route lorsque le projet tombe dans les mains du cascadeur Kimani Ray Smith, que l’on a pu voir aussi bien sur du petit budget que des grosses productions: Virtual Assassin, Jackie Chan dans le Bronx, X-Men: The Last Stand, Shooter, Tireur d’Elite, la liste est interminable.
Celui-ci écrit le scénario avec quelques copains dans l’attention de livrer une sorte de démo pour ses camarades castagneurs, ajoutant quelques bagarres supplémentaires hors de l’arène et concentrant le récit sur cette bande de potes de dojo découvrant la disparition de leur maitre et infiltrant l’établissement pour le sauver. Fort heureusement il ne rejette pas les idées déviantes de son prédécesseur et se montre fort généreux dans sa mise en scène, le sang giclant par litres sur les acteurs. La différence notable avec les œuvres de Nicholson tient dans l’humour, puisque l’apprenti cinéaste préfère éviter de se prendre au sérieux et donne dans la comédie horrifique bien grasse où les comédiens cabotinent à fond, baisent dans tous les coins et où les atrocités commises provoquent plus souvent le rire que l’effroi – à quelques exceptions près pour le ressort dramatique. En clair, Evil Feed flirt plus avec le spectacle forain de H.G. Lewis que le premier degré dérangeant du torture porn.
Evil Feed nous plonge au cœur du Long Pig, un restaurant chinois où la clientèle peut déguster des plats composés à partir de viande humaine. Sa spécialité: le dickie roll, un pénis fris cuisiné comme un Nem. Lorsque le fils du propriétaire découvre que son paternel projette de revendre le business parce qu’il le juge incapable d’en assurer la succession, il l’assassine et oriente son affaire dans une nouvelle direction. Désormais l’endroit propose divers spectacles et activités pour divertir les consommateurs: combats à morts, stripteaseuses, prostitutions ou encore mutilations chirurgicales… Tout est là pour satisfaire le psychopathe de base qui peut violer, tuer et manger à sa guise. Mais le nouveau patron va avoir fort à faire avec l’arrivée d’un mystérieux rival venu d’Angleterre cherchant à connaitre la recette secrète du dickie roll, l’irruption de combattants venus libérer leurs amis kidnappés et les invitations répétées de sa copine nymphomane qui n’a vraiment pas l’air de comprendre qu’il a du travail.
Ce n’était pas gagné mais la narration parvient à jongler entre les déboires du gérant et la quête de vengeance des héros. D’un côté il y a le dessous des opérations, le côté entertainment de cette restauration cauchemardesque où des danseuses topless portent des têtes de cochon pour cacher leur identité et les gardes des coquilles pour protéger leurs testicules en cas de bagarre. Les cuisiniers se font engueuler par leur patron pour leur manque d’hygiène (“You know how many health codes we are breaking ?!”) et la raison pour laquelle le gérant était considéré comme indigne de reprendre le Long Pig est… qu’il n’est en fait pas cannibale ! Cela ne l’empêche pas d’être complètement timbré et de se fringuer comme dans Orange Mécanique version Monsieur Loyal. Son assistante et maitresse n’est pas en reste avec ses tenues sexy et sa lingerie fine, celle-ci n’hésitant pas à se jeter sur le premier venu quand son homme refuse ses avances avant de castrer l’amant de passage pour en faire un en-cas.
Question spectacle ça y va fort entre cette fille qui voit la tête coupée de son père être dégustée par un client, ce gardien mort de rire devant la tentative d’évasion raté des héros depuis leur cellule et surtout cette scène de sexe entre une jolie fille et un gros lard au pénis si large que son émasculation inonde la pièce de sang, un gode gigantesque faisant office de membre orphelin. Un combattant se fait arracher le visage alors qu’il est toujours vivant, son adversaire dévorant aussitôt le trophée sanglant, tandis qu’un autre est décapiter au yo-yo, sa tête ne quittant son cou qu’avec l’aide d’un bon coup de pied. L’héroïne à gros seins et en débardeur moulant manque de se faire violer mais riposte en arrachant l’oreille et la lèvre de son assaillant avec les dents avant de le battre à mort de ses petits poings, et l’un de ses amis se fait trancher la main qui tenait son pistolet, l’arme trouvant le moyen de tirer et de faire un headshot en tombant au sol. Et bien sûr un gros nigaud dévore avec appétit un sexe frit sans savoir ce dont il s’agit réellement.
Plus glauque, et sans doute hérité du traitement de Ryan Nicholson, est le triste sort d’une des captives. Droguée et livrée à un mafieux qui va la violer, elle est opérée par un chirurgien qui lui ouvre le ventre pour effectuer une mystérieuse transplantation. A la fin du film et alors que l’évasion est proche, elle se met subitement à vomir… des serpents ! L’hémorragie aura raison d’elle, et il n’y a ni gag ni ironie dans cette scène à la Hostel qui n’a pas vraiment sa place à côté de ce coréen nommé Phat Phuk ou de ce petit chinois hyperactif en charge des kidnapping, véritable mitraillette à insultes qui fini étouffé dans l’entrejambe mutilée d’un cadavre post-dickie roll. Pas non plus compatible avec l’ambiance générale, décalée et cartoonesque, ou l’esprit hoodsploitation des personnages principaux. Au moins cela reste remarquable dans sa cruauté et n’entache en rien le reste du film. En fait le seul défaut vraiment notable dans Evil Feed est une petite galère technique, car l’image y est parfois beaucoup trop sombre !
Un reproche mineur même si parfois gênant, surtout lors des combats dans l’arène déjà plongé dans l’obscurité où il faut parfois plisser des yeux pour discerner les mouvements. Ceci reste bien compréhensible pour un premier film et le réalisateur se rattrape avec des maquillages réussis et un casting absolument parfait et entièrement dévoué à son sujet (les réguliers d’Uwe Boll y reconnaitront Carrie Genzel, croisée dans BloodRayne 2, Far Cry et Postal). Mention spéciale pour Alyson Bath qui n’hésite pas à se mettre toute nue et se couvrir entièrement de faux sang. L’air de rien le projet aurait pu être une véritable catastrophe entre le mélange des genres, le concept déjanté et l’injection de cascades servant de publicité au cinéaste et à ses copains. Au lieu d’être indigeste, le cocktail fonctionne du tonnerre et se montre extrêmement fun et divertissant. Un véritable petit miracle que l’on aurait bien aimé voir se reproduire avec un deuxième opus ou juste un autre long métrage. Il faudra se contenter de celui-ci, et c’est déjà pas mal !
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