Dracula (1958)

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Dracula

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Après The Curse of Frankenstein, Terence Fisher réuni Peter Cushing et Christopher Lee pour une nouvelle adaptation de Dracula, qu’il veut dans la même veine (héhé). Le scénario est d’ailleurs toujours signé Jimmy Sangster, qui travailla aussi sur la seconde aventure du savant fou à la même époque puis enchaina l’année suivante avec La Momie. Pour faire table rase du passé, l’équipe décide encore une fois de dépoussiérer le mythe à tous les niveaux, transformant tant l’histoire originale que le mythe du vampire lui-même. Le résultat se montre plus énergique, plus sexuel, les protagonistes prennent un coup de jeune et l’argument fantastique est atténué autant que possible pour éviter de tourner au conte de fée: le Comte ne se transforme plus en loup ou en chauve-souris, et s’il craint encore le crucifix c’est surtout parce que l’objet représente le triomphe du Bien contre le Mal, ce qu’il incarne pleinement ici malgré un masque de courtoisie surprenant en début de film. Fini le vieil hôte grimaçant dans un château délabré, Dracula est désormais un type fringuant, intellectuel et polis qui accueille John Harker avec une sincérité crédible.

 

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En tout cas jusqu’à ce qu’il révèle son vrai visage, devenant une sorte d’animal aux yeux injectés de sang qui ne s’exprime qu’avec des grognements. Mais sa force réside surtout dans son pouvoir de subjugation qu’il utilise contre ses proies féminines, pour les soumettre à lui corps et âme. Une situation que Van Helsing compare ouvertement à l’addiction aux drogues et qui donc n’était peut-être pas juste qu’une représentation de son magnétisme sexuel comme on a tendance à le présenter. Qu’importe, le résultat est là et les femmes envoûtée par le démon semblent prendre leur pied à lui obéir, souriant avec béatitude et s’abandonnant sans résistance à sa morsure. Pas étonnant du coup qu’elles nous évoquent des ménagères frustrées qui sont bien heureuses de se trouver un amant libertin pour assouvir leus fantasmes, néanmoins on pourra arguer que Bela Lugosi faisait exactement la même chose en son temps, s’attaquant aux mœurs d’une Angleterre puritaine parfaitement représenté par un vieux Van Helsing autoritaire. D’ailleurs ce personnage est lui aussi remanié afin de le rendre plus sympathique et pro-actif.

 

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Un parfait gentleman dévoué à son prochain qui n’hésite cependant pas à s’en prendre physiquement au vampire, sautant sur les tables, arrachant des rideaux cachant la lumière du jour comme le faisait Errol Flynn avec les voiles de navires, et improvisant des signes de croix à l’aide de bougeoires quand il n’a plus d’armes sous la main. Forcément sa lutte contre les suceurs de sang est plus violente qu’autrefois et le film le souligne à renfort de brûlure de crucifix sur le front d’une possédé, d’éclaboussures de sang durant l’exécution d’une vampiresse, et bien sûr par la destruction finale du Comte, littéralement pulvérisé par les rayons du soleil. En fait ce Dracula est (pratiquement) le premier film de vampire à introduire les longues canines et les lentilles de contact, les demoiselles en nuisette et les coulées de sang, éléments désormais inhérents au genre au point qu’ils sont maintenant eux-mêmes considéré ringards et souvent négligés par toutes les relectures modernes, qui comme Terence Fisher n’en finissent pas de courtiser une audience moderne et peu encline au fantastique pur et dur.

 

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Un triste constat pour les vampires, qui désormais sont surtout de vulgaires tueurs dont les mâchoires pourraient être remplacés par de simples couteaux, et pour Dracula en particulier, qui est de moins en moins ressemblant à la créature inventé par Bram Stoker. S’il fallait être honnête on pourrait accuser cette adaptation de faire de même, le script tailladant le roman pour le faire tenir sur 80 minutes: pas de Renfield ni de Quincey Morris, Dr. Seward est un médecin de passage et Harker périt après sa rencontre avec le vampire. Il travaillait en fait avec Van Helsing pour détruire le Comte et sa fiancée est ici Lucy, tandis que Mina devient l’épouse d’Arthur. Les deux femmes connaissent le même sort que leurs modèles, avec ce que cela implique de chasse à l’enfants pour l’une et de transfusion sanguine pour l’autre, mais Dracula n’a plus qu’une seule fiancée. C’est d’ailleurs parce qu’elle est assassinée qu’il s’attaque aux héroïnes, cherchant une remplaçante en guise de revanche, et il ne voyage même pas en Angleterre pour les rencontrer comme l’action se déroule en Europe central pour esquiver toute l’affaire du Demeter.

 

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Le vrai point noir est l’absence sidérante de Dracula, qui passé le prologue disparaît complètement pour rester dans l’ombre jusqu’à la conclusion. Christopher Lee, pourtant parfait dans le rôle, n’est présent qu’une dizaine de minutes avec seulement une scène de dialogue, ce qui est un gâchi déplorable. L’acteur fut le premier à le reconnaître, expliquant dans de nombreuses interviews que les producteurs n’ont jamais vraiment compris le potentiel du personnage. On se rattrapera avec sa brillante interprètation, tout comme celle de Peter Cushing, et pour ne rien gâter on retrouve Michael Gough dans un second rôle. Le film fut évidemment un grand succès et la Hammer en profita pour s’affirmer définitivement dans l’industrie, cependant il faut rappeler que la version intégrale du film ne fut pas disponible avant 2013, après la découverte d’une copie japonaise montrant dans son intégralité la mort du vampire. Si les copies britanniques avaient aussi excisés le plan sanglant du pieu frappant Lucy, il avait été récupé grâce à la version américaine du film (distribuée par Universal et retitrée Horror of Dracula afin d’éviter la confusion avec leur vieux classique qui resortait de temps en temps en salles).

Ces quelques secondes supplémentaires sont longtemps restées élusives au point de devenir légendaires, leurs existences seulement confirmées par quelques rumeurs et clichés promotionnels. Elles ne tiennent pourtant pas à grand chose mais montrent notamment Dracula se griffer le visage dans son agonie, sa peau partant en lambaux. Bien plus spectaculaire que la conclusion bâclée du film de Tod Browning, c’est certain.

 

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One comment to Dracula (1958)

  • Blue Espectro (Daniel) Blue Espectro (Daniel)  says:

    Un classique, mais étrangement je lui préfère « Dracula, Prince des ténèbres ». Le côté vampire muet et vacanciers égarés dans un lieu hostile doit beaucoup jouer en sa faveur. On se croirait presque dans un proto-slasher.

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