Cooties (2014)

ROAD TO HALLOWEEN II

 

 

Cooties

(2014)

 

“I’m giving you kids an F…
for Fuck you !

 

 

Ian Brennan, c’est l’un des créateurs de la série Glee. Vu mon peu d’intérêt pour ce show musical qui m’apparaît parfaitement insupportable, cela n’augure rien de bon à priori. Pourtant Ian Brennan c’est aussi l’un des créateurs de Scream Queens, série slasher parodique absolument hilarante et dont j’en disais déjà tout le bien que j’en pensais dans ma chronique sur Scream: The TV Series. Malgré les apparences voilà un gars qui semble adorer les films d’horreur, et il est également doté d’un très grand sens de l’humour. Il le prouve encore une fois en s’associant avec l’un des créateurs de la franchise Saw, Leigh Whannel (également le personnage d’Adam dans la saga) pour écrire ce Cooties, un énième avatar du thème zombies / infectés qui s’avère plutôt miraculeux.
Car on le sait tous, le genre est saturé au point de ne plus du tout se renouveler. Même lorsqu’une bonne production est mise en chantier, l’intérêt n’est plus vraiment là simplement parce qu’on a l’impression revoir la même chose en boucle, encore et encore. Il devient de plus en plus difficile de repérer le bon du mauvais et, fort heureusement, ici le constant est positif grâce à un script qui préfère ne pas se prendre au sérieux, mais sans tomber dans la parodie pour autant. Le film, bien que doté d’un pitch exagéré, de dialogues décalés et de personnages loufoque, n’est pas une caricature facile et verse par instant dans l’horreur véritable contre toute attente !

 

 

Un peu comme Stung la dernière fois, qui marchait dans les traces de Tremors en trouvant un équilibre entre les séquences drôles et sérieuses, Cooties se montre proche du Retour des Morts-Vivants, lequel proposait également des personnages hors normes et de gros gags tout en sachant retomber dans le morbide lorsqu’il le fallait. Naturellement il n’égale jamais son modèle mais il y a indéniablement une similarité dans sa façon de traiter le sujet, alors qu’il aurait été très simple de faire dans l’extrême d’un côté comme de l’autre et de taper dans le ridicule d’un Poultrygeist ou le sérieux des Révoltés de l’An 2000. Une sacré surprise d’ailleurs quand on voit que le poste de réalisateur était partagé par deux types pour lesquels il s’agissait d’une première véritable expérience.
Rien que l’introduction mélange le rire et le malaise, en montrant pourtant simplement la confection de… nuggets de poulet ! Vegan ou pas, il est impossible d’ignorer le honteux secret derrière la fabrication de cet aliment et les images dégoûtent profondément. En soit il n’y a rien de particulier dans cette séquence, et si le concept lui-même reste volontairement stupide (soulignée par la présence d’un gros glaviot verdâtre façon Trauma dans la nourriture), la simple idée qu’une poule malade puisse être balancée à même le broyeur, et ainsi contaminer un stock distribué dans le commerce, est suffisamment réaliste pour donner des sueurs froides. A vous de voir si, humour ou pas, vous êtes capable de supporter la décapitation de volailles et le haché de viande filmé de la façon la plus clinique possible…

 

 

Le reste de l’intrigue semble sortir d’un EC Comics et ne cherche pas à se montrer subtile: le nugget empoisonné est placé dans une des nombreuses barquettes acheminées à la cantine d’une école primaire, dans le petit bled fermier de Fort Chicken. La fillette qui avale le morceau est immédiatement infectée et tombe en transe, tandis que des pustules apparaissent sur son visage. Aucun adulte ne prête attention à elle et, parmi ses camarades, elle est plutôt sujette de moquerie puisqu’ils considèrent qu’elle a des cooties (terme anglo-saxon désignant une maladie imaginaire inventé par les enfants afin de se moquer des autres).
C’est en plein cours, lorsqu’une petite teigne insiste un peu trop, qu’elle devient agressive et répand la maladie en mordant un élève, lequel va lui-même s’attaquer aux autres durant la récréation. L’effet est immédiat et tous les gamins deviennent des meurtriers enragés, formant une véritable meute qui s’attaque à tout ceux qu’elle croise: le surveillant qui pense modérer une bagarre, une maman qui vient chercher son fils, un policier qui observe la situation depuis l’autre côté de la clôture… Et bien sûr leurs professeurs dont il ne reste bientôt plus qu’un petit groupe qui va se barricader dans l’établissement scolaire.

 

 

Le principe du film reprend alors la trame habituel du film de zombies, avec les tensions qui se forment parmi les protagonistes (un triangle amoureux, une mégère qui déteste les hommes, etc) et les nombreuses attaques qu’ils doivent repousser. Le but ultime est naturellement la fuite hors de l’école, et on perd quelques personnages en cours d’histoire, dévorés ou mis en pièces par les petits tueurs. En soit Cooties ne diffère absolument pas de tout ce qui a été fait avant et se contente d’en reprendre la structure basique, ne rajoutant même aucune surprises ou innovations dans le déroulement des évènements (bien sûr que le final montre l’apocalypse à l’échelle nationale). L’intérêt repose plutôt sur la façon dont tout cela est raconté, la manière dont les héros luttent et interagissent face à la menace, la trouvaille étant que ici, ces derniers sont tout simplement à côté de la plaque.
Impossible de ne pas penser à Shaun of the Dead, c’est un fait, mais l’œuvre s’affranchit assez bien de la comparaison en multipliant les personnages et en évitant de recopier le style de Edgar Wright (contrairement à certains, hein Lesbian Vampire Killers ?). Évidemment certains se contenteront de dire qu’il s’agit d’une “Zombedy” et ainsi engloberont ces films dans le même sac sans chercher plus loin, mais à ceux-là je leur demanderait de bien retourner à leur Zombieland et de nous foutre la paix.

 

 

Ceux qui donne tout son sel à Cooties ce sont les comédiens et leurs rôles gentiment déconneurs, franchement à l’ouest, ne découvrant que bien trop tard le carnage qui se déroule juste sous leurs nez. Ainsi tout tourne autour de Clint, un apprenti écrivain calamiteux qui vit encore chez sa maman et vient effectuer un remplacement dans l’établissement qu’il a côtoyé étant jeune. Outre le fait que ses élèves sont de véritables petits connards insultant et qu’il ne parvient pas à les maitriser (mention spéciale pour “Patriot”, mouflet né durant les attentats du 11 Septembre et qui se voit déjà dans les Marines pour dégommer du terroriste), ses propres collègues ne sont pas particulièrement sympathique à son égard et encore moins efficaces lorsque le fléau va s’abattre sur eux.
On y trouve l’habituel professeur de sport macho et vulgaire, qui le snob ou le clash dès qu’il peut, une misandre qui l’agresse à la moindre parole et qui se promène partout avec une alarme anti-viol sur elle, un étrange asocial doté d’un trouble de l’élocution et d’une incapacité à montrer ses émotions, un homosexuel refoulé qui ne trompe que lui et enfin la dynamique Lucy. Ancienne camarade de classe, celle-ci affiche constamment une positive attitude quoiqu’il arrive, même lorsqu’elle ne devrait pas. C’est en fait pour ses beaux yeux que Clint a choisi de revenir enseigner à cette école, mais la belle est déjà dans les bras du prof de sport, ce qui va passablement contrarier ses plans pour se rapprocher d’elle.

 

 

On trouve également un homme d’entretien asiatique qui s’avère être un expert en art martiaux et l’agent de surveillance extérieur qui s’est enfermé dans son minibus pour bouffer des champignons et qui, du coup, ne sait plus trop si ce qu’il voit est la réalité ou une hallucination du même genre que la girafe qui lui parle depuis le siège passager. Tout ce petit monde entretien des relations forcément chaotiques qui vont grandement venir détourner les conflits habituels: l’asocial se la joue scientifique et croit que son discours est perturbé comme dans une classe bruyante alors que ce n’est pas le cas, sommant ses collègues de se taire sans raison, l’androphobe utilise sa bombe lacrymo durant une agression mais asperge Clint par réflexe plutôt que le zombie, la gentille Lucy fini par perdre sa façade et explose de colère en avouant qu’elle hais tout le monde, et certains adultes paniquent bien plus que les deux enfants normaux qu’ils sont censés protéger.
Une bonne partie du script joue sur le triangle amoureux Clint / Lucy / Prof de sport et renverse parfois les valeurs en faisant du macho un type vraiment aimant et courageux, malgré sa beauferie, tandis que Clint passe pour une lopette, préparant un plan de secours mais ne voulant certainement pas être celui qui le réalisera ! Autant dire que nous sommes bien loin des clichés héroïques d’ordinaires et qu’il est impossible de d’établir un seul personnage comme référence…

 

 

C’est là que la parodie rôde et que le film aurait pu basculer dans la comédie facile et inoffensive, où le danger est inexistant. Des scénaristes moins habiles auraient certainement raté le virage vers l’horreur, faisant de chaque meurtre une véritable farce façon cartoon sans violence. Bien au contraire, Cooties va clairement imposer ses antagonistes comme de véritables saloperies sadiques et très efficaces. Chapeau à la scène montrant l’infection se répandre durant la pause, avec un enfant ensanglanté courant après ses camarades pour les griffer et transmettre le virus dans le plus d’hôtes possible. Lorsqu’un surveillant réalise que quelque chose cloche et s’approche d’un môme prostré, il ne réalise pas que cinq autres l’encerclent déjà.
Puis c’est un véritable carnage où les adultes sont démembrés, éventrés, dévorés. Des doigts sont arrachés à coup de dents, des gorges déchirées, et la hargne qui anime les créatures garde une énergie purement enfantine pour le moins dérangeante. Cooties ose même se montrer très atmosphérique, favorisant le ralentis et les plans choisis pour ne pas tout montrer d’un coup, dévoilant la situation par petites touches graduelles. Une des meilleures images est celle qui intervient vers la conclusion, lorsque les héros se sont échappés et se retrouvent en ville, observant depuis la rue les informations qui annoncent la fin du monde. Ils ne réalisent pas que, juste derrière eux, une bande d’enfants les épient, perchés en nombre sur leur véhicule tels les oiseaux d’Alfred Hitchcock. Terrifiant aussi cet air de jeu dans un fast-food, plongé dans l’obscurité et à priori désert mais qui se révèle être une véritable forteresse pour infectés.

 

 

Même des scènes qui se montrent drôle dans leur finalité peuvent avoir une construction franchement angoissante, comme celle où une maman distraite, pendue au téléphone et attendant son fils dans la voiture, le laisse entrer sans réaliser son état. Le gag attendu (l’enfant attaque sa mère parce qu’elle ne lui prête aucune attention) dévie soudainement lorsque l’on réalise qu’à l’arrière se trouve un bébé sans défense… Nul doute que les jeunes acteurs ont dû s’éclater à sauter, courir, patauger dans le sang et jouer avec des prothèses. Et les responsables se sont sûrement amusés avec eux, leur trouvant tout un tas de choses à faire: l’un joue à la corde à sauté avec des intestins, un autre aux billes avec des yeux, une gamine coiffe une tête coupée comme s’il s’agissait de sa poupée, et Leigh Whannel fait référence à Saw en ramenant le tricycle rouge de Billy, le célèbre pantin. Ceux qui trouve que le Beware ! Children at Play de la Troma ne tient pas ses promesses se feront plaisir ici.
Côté adulte il fallait au moins quelqu’un à la hauteur du délire, et si tous les yeux sont rivés sur Elijah Wood (qui se fait traiter de Hobbit, c’était couru d’avance), lequel est d’ailleurs parfait dans son rôle de petit geek sans couilles et dépassé par les évènements, c’est le toujours génial Rainn Wilson qui lui vole la vedette. Celui qui était “Fish Boy” dans House of 1000 Corpses, et le rôle-titre dans l’excellent Super de James Gunn, se lâche complètement et passe son temps à cogner du mioche avec tout ce qui lui tombe sous la main. “Did someone order a badass ?” Damn right I did !

Clairement conçus pour les fans d’un style d’Horreur extravagant, fun et rentre-dedans façon EC Comics ou Peter Jackson de la bonne époque, Cooties est un parfait exemple de série B moderne faisant honneur au genre. Contrairement aux Lesbian Vampire Killers et autres rejetons forcés qui ne font qu’en utiliser les éléments pour surfer sur une mode et piéger le spectateur, il y a ici un respect et une honnêteté évidente dans le propos, et de nos jours cela n’a pas de prix.

 

 

VERDICT: TREAT

3 comments to Cooties (2014)

  • Roggy Roggy  says:

    Complètement d’accord avec toi sur la qualité formelle de Cooties que j’avais eu la chance de voir en salle à l’Etrange festival justement (et idem pour Stung, peut-être un poil plus cheap). Le film va très loin sans se soucier des conventions avec une bonne humeur communicative et un Elijah Wood dont la carrière prend une tournure des plus intéressantes au travers de sa société de production.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Ça devait être quelque chose sur un grand écran ! 🙂
      Et en effet je crois que je préfère voir Elijah Wood sur ce type de projet indépendant que dans de grandes productions, cela semble mieux lui convenir.

  • Sylvain Yep Yep Sylvain Yep Yep  says:

    Oui, totalement d’accord.
    Un petit film sympathique qui n’oublie pas d’être vraiment drôle et qui ne cherche pas à renouveler quoique ce soit.
    Et en plus, c’est bien écrit, réalisé et pas fauché.

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