Blood Harvest
(1987)
Bill Rebane, c’est le réalisateur d’un film: L’Invasion des Araignées Géantes, qui en 1975, et malgré un budget inexistant en faisant une sacré nanar, connait un succès monumental. Disproportionné même, au regard de la qualité générale du machin. Sa carrière ne connue jamais de d’autres succès fulgurants, bien au contraire, celle-ci stagnant généralement dans le Z le plus absolu. Il faut dire que le bonhomme s’est fait une habitude de tourner dans sa région natale, le Wisconsin (c’est-à-dire le trou du cul des États-Unis), sans moyen et avec l’aide de la populace locale qui n’est pas à son avantage puisque guère rompue à l’exercice. Et ainsi sa filmographie cumule les œuvres les plus absurdes, tels Invasion From Inner Earth ou The Alpha Incident, deux monuments de bêtise assez sidérants par leur total amateurisme. Il tourne également Rana: The Legend of Shadow Lake, qui fut distribué par la Troma et dont Lloyd Kaufman déclara qu’il s’agit du plus mauvais film de son catalogue, ainsi que Twister’s Revenge !, qui est sans doute l’une des pires choses que j’ai jamais vu.
La même année que cette abomination, il commet ce Blood Harvest afin de profiter de la mode très populaire du slasher, avec l’aide de pas moins de quatre personnes pour écrire le scénario. Cela fait beaucoup de monde, et sans surprise le résultat se montre peu cohésif: voilà en fait un thriller érotique déguisé en thriller ordinaire, avec suffisamment de passages sanglants pour justifier son appartenance au genre horrifique. Le packaging n’a plus qu’à mettre ces éléments en avant pour en faire un énième splatter movie, et voilà ! Il va sans dire que le faible bodycount et la lenteur de la narration révèlent bien vite la supercherie et nombreux seront les spectateurs qui rejetteront le film en bloc en pensant (à raison) avoir été trompé. Cela étant dit, il faut reconnaitre au projet une volonté de marcher dans les traces de Maniac, et autres films de psychopathes un brin plus psychologiques, dans la présentation ainsi de son supposé antagoniste, un clown attardé mental bien malheureux.
L’intrigue présente la jolie Jill Robinson, qui quitta son bled pour étudier dans une grande ville et rentre maintenant au bercail après des années d’absence. Elle débarque au mauvais moment puisque son paternel, le représentant d’une banque, pratique la saisie forcée de plusieurs propriétés sur le territoire, entrainant la colère des fermiers. L’adolescente découvre ainsi que sa maison a été saccagée et que sa famille est constamment menacée et méprisée par les habitants. Ses parents ont mystérieusement disparus et le shérif n’est pas très motivé pour mener l’enquête, considérant plutôt la jeune femme comme une nuisance. Son seul soutien lui vient en la personne de Gary, son ami d’enfance, mais celui-ci traverse lui aussi de sales moments: son père et sa mère ont été assassinés quelques années plus tôt et l’assassin n’a jamais été découvert. Une tragédie qui a grandement fragilisé la santé mentale de Mervo, son frère autiste, qui passe désormais son temps a errer dans le voisinage grimé en clown…
Et le meurtrier va bientôt continuer de sévir, capturant l’entourage de Jill qu’il exécute comme du bétail, les saignant à mort. Tout laisse à croire que c’est le frangin dérangé qui est le coupable, mais Blood Harvest tente, maladroitement, le whodunit afin de nous surprendre. Alors certes, Mervo débarque chez Jill sans prévenir, se cache dans une grange abandonnée et va pleurer à l’église comme si un lourd secret pesait sur ses épaules, mais cela n’en fait pas le tueur pour autant. Celui-ci est trop méthodique et chasse à l’arbalète avec une cagoule sur la tête, ce qui ne colle pas du tout avec le style saltimbanque. Il faut dire que le réalisateur se fiche éperdument d’entretenir le suspense, dévoilant immédiatement le physique de son malfaiteur qui du coup parait bien svelte par rapport à l’auguste empâté. Et puisque la liste de suspects est très réduite, on comprend vite que l’auteur du carnage n’est autre que son frangin Gary, qui agit ainsi afin de se garder Jill pour lui tout seul ! Éperdument amoureux d’elle, il compte bien l’empêcher de partir une nouvelle fois.
Dès lors tout prétexte comme quoi Blood Harvest est un film d’horreur est jeté par la fenêtre, ce qui se déroule à l’écran entrant plutôt dans le cadre du thriller softcore où une héroïne fréquemment dénudée doit repousser les assauts de son stalker. En effet le jeune homme n’est pas simplement intéressé par la demoiselle, il est obsédé au point de lui ériger un autel. Il coupe son eau chaude lorsqu’elle prend sa douche afin de la forcer à sortir et se promener en petite tenue pour régler le problème, et s’introduit dans sa chambre lorsqu’elle dors afin de la prendre en photo. Le garçon supporte mal l’idée qu’elle puisse avoir un autre petit ami ou ne pas vouloir rester au village, et il fait donc disparaitre ceux qui lui témoigne de l’affection afin d’être le seul à pouvoir s’occuper d’elle. Vicieux, il va jusqu’à cacher dans son frigo le sang humain qu’il a récolté afin de l’en éclabousser, profitant de son état de choc pour lui faire prendre un bain et la tripoter. Mais ses hormones le trahiront, et lorsqu’elle revient à elle pour le surprendre sur le point de la violer, elle se rebiffe.
C’est dans la dernière partie que le script retrouve le schéma type du slasher avec la final girl poursuivit par l’assassin, mais à ce moment là il est déjà bien trop tard. Car non seulement les meurtres ne sont offert que tardivement et au compte-goutte (il faut attendre quarante-cinq minutes pour la première véritable mise à mort !), mais en plus ce sont tous les mêmes: Gary capture sa proie vivante, la pend par les pieds et attends un peu, ou pas, pour l’exécuter en lui tranchant la gorge. Ce n’est ni très sanglant ni particulièrement morbide et seule quelques blessures font leur effet: une main transpercée de part en part par une flèche, un pieu en métal planté bien profond dans un bras… Heureusement que le réalisateur se sent parfois inspiré pour créer un minimum d’ambiance, et de temps en temps quelques séquences fonctionnent comme lorsque l’héroïne se réfugie dans un ancien abattoir en pierre, une carcasse saignante accrochée au plafond lui coulant sur le visage.
Citons la scène où Jill, inconsciente, se fait caresser les cuisses par le psychopathe sous le regard de son petit copain prisonnier et impuissant, et cette traque dans la forêt où un personnage se croit poursuivit par un maniaque avant de réaliser que ses poursuivants ne sont que des joueurs de paintball. Enfin il y a le meurtre assez sordide d’une jeune femme a qui l’antagoniste arrache les vêtements avant de l’abattre, comme s’il pensait un temps la violer avant de changer d’avis. Un acte gratuit servant surtout à dévoiler le corps de l’actrice, ce qui semble d’ailleurs être la véritable préoccupation de Bill Rebane. Entre les scènes de douche, de sexe et de voyeurisme, Jill passe la majeure partie du film à moitié nue, voir même totalement. Elle se balade en petite culotte durant une journée entière sans véritable raison tandis que la caméra la cadre savamment lorsqu’elle répète sa danse classique, forcément sans porter de collants. Enfin la séquence où Gary profite de sa vulnérabilité afin de la caresser dure bien trop longtemps pour être honnête.
Mais il ne faut pas trop se plaindre puisque le corps de la belle Itonia Salchek est sans doute le plus gros atout de Blood Harvest. On peut toutefois se demander si les producteurs n’ont pas dû insister pour qu’elle y dévoile ses seins, car on peut détecter un mauvais raccord assez révélateur à ce propos: une scène montre l’assassin droguer et attacher Jill à son lit avant de la photographier. Dans la scène, il dénude sa poitrine, mais sur les clichés qu’il accroche à son mur, elle porte encore ses sous-vêtements. La jeune femme aura sans doute été hésitante à se montrer topless avant d’être plus tard “convaincue” d’enlever le haut au nom du Septième Art. On ne sera pas surpris d’apprendre qu’elle n’a jamais poursuivit sa carrière après cela, ce qui est dommage puisqu’elle n’était pas mauvaise actrice en plus d’avoir du charme. Même chose pour son partenaire de scène, le chanteur Tiny Tim, qui joue le clown Mervo. Artiste populaire au registre (et physique) atypique, il crève l’écran a chacune de ses apparitions.
On peut lui trouver un petit quelque chose de Joe Spinell, même s’il évoque surtout une version âgée et bedonnante de Weird Al Yankovic qui aurait la voix de Christopher Lloyd ! Rebane le rencontra par pur hasard durant un fête de la bière locale et l’engagea sur le champ, le laissant porter son propre costume de clown et improviser ses propres chansons qu’il chante presque en voix de fausset. Sa présence, originale, permet à Blood Harvest de se montrer un poil moins générique que prévu même si certains trouveront peut-être la performance du bonhomme un peu crispante dans sa théâtralité. Pendant un temps le metteur en scène essaya de sortir un nouveau montage plus long, contenant d’autres scènes avec Tiny Tim, mais cette version ne s’est finalement jamais concrétisée. Les deux éditions Blu-ray existantes à ce jour présentent le même même montage, à une différence technique prête. La première, réalisée par les anglais de 88 Films, opte pour une présentation “à l’ancienne” en image plein écran format 4:3 open matte.
Un choix qui préserve le format de diffusion original du film, tel qu’il était diffusé en vidéo à l’époque. Évidemment obsolète par nos standards, mais malgré tout respectueux de l’œuvre originale. A contrario les américains de Vinegar Syndrome ont créés une copie widescreen en 1:85:1 pour correspondre à nos écrans modernes et simuler un aspect cinéma. Le résultat est plus prestigieux même s’il va a l’encontre de la nature même du sujet, forcément très Z, et qu’il est difficile de justifier autant d’efforts pour une production Bill Rebane. Blood Harvest est un pur film d’exploitation dans tous les sens du terme, graveleux, mercantile et trompeur, et il est vain de vouloir l’enjoliver de cette façon. D’un autre côté il faut admettre qu’il est très étrange de voir une restauration haute définition au format lucarne. Au moins estimons-nous heureux que l’éditeur n’ai pas gâché son talent avec un autre film du metteur en scène… comme Twister’s Revenge par exemple !
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