Monsters (3.08) – Shave and a Haircut, Two Bites (1990)

ROAD TO HALLOWEEN V

 

 

Monsters

Shave and a Haircut, Two Bites

(1990)

 

Blood, spiraling round and round…

 

 

Comme c’était le cas avec Tales From the Darkside, Monsters s’inspire parfois d’histoires déjà écrites pour ses épisodes, généralement de petites nouvelles peu connues. Le meilleur exemple demeure The Moving Finger d’après Stephen King, mais il y a également ce Shave and a Haircut, Two Bites qui est à l’origine un texte de Dan Simmons. Publié chez nous sous le titre de La Barbe et les Cheveux, Deux Morsures (mauvaise traduction de ce qui est un jeu de mots, Two Bites faisant référence à la vieille expression Two Bits, signifiant “25 Cents” et s’utilisant pour parler de produits ou services au rabais) il date de 1989, soit juste un an avant la diffusion de cette adaptation, et on peut d’ailleurs remarquer que l’auteur d’Hyperion est ici crédité comme scénariste à part entière et non comme celui qui aurait juste fourni le récit original.
Vu que les dates concordent il est possible que les deux versions aient été conçue en même temps, l’auteur ayant décidé de fournir une version télévisuelle et littéraire avec un léger remaniement. Mais quelles que soient les origines de cette intrigue, il est indéniable que l’originalité et le talent de Simmons se ressentent fortement, sa contribution nous offrant un mémorable épisode.

 

 

L’intrigue tourne autour de deux adolescents, Kevin et Tommy, en pleine discussion à propos de M. Innis et M. Denofrio, les barbiers du quartier. Le premier est persuadé qu’ils sont des vampires, ou du moins qu’ils travaillent avec des vampires pour un sombre trafique de sang. L’idée lui est venu après avoir remarqué que pratiquement personne ne se rend à la boutique et que les très rares clients ne ressortent jamais avec une coupe de cheveux. En revanche ils y débarquent avec deux grands bocaux remplis d’une substance indéfinissable, puis repartent avec de petites fioles d’un liquide rouge. Ses recherches l’ont renvoyé au Moyen-Âge et à l’époque des guildes, celle des barbiers possédant un symbole représentant justement une trace de sang.
Car la profession appelait alors à être également médecin et à pratiquer la saignée avec des sangsues ou leurs propres rasoirs. Il découvre également que le mythe du vampire a fini par perdre de son ampleur au fil des siècles avec l’apparition de l’Inquisition, et cela expliquerait que les suceurs de sang aient cherché à se cacher du reste l’humanité. Pourquoi pas en se faisant passer pour des barbiers, où il serait facile d’attaquer son client ?

 

 

Persuadé qu’il y a une énigme derrière ces étranges va-et-vient dans la vieille échoppe, il espionne, prend des notes et veut maintenant investir les lieux pour trouver de véritables preuves. Et si Tommy ne le prend pas au sérieux, allant jusqu’à trouver plusieurs arguments allant à l’encontre de ses dires, il accepte de le suivre un soir où les propriétaires sont absent. L’endroit semble effectivement appartenir à une autre époque: tout y est ancien, des prix au matériel, et ils mettent à jour un étrange système sur les fauteuils: ils sont dotés d’une sorte d’écueil se plaçant au niveau du cou, comme pour recueillir le sang d’une personne que l’on égorge. Le spectateur attentif pourra lui apercevoir un petit tuyau amenant le sang quelque part vers le sol.
Mais alors qu’ils découvrent une porte cachée menant vers des souterrains obscurs, Innis et Denofrio débarquent plus tôt que prévu et surprennent Kevin avant qu’il n’ait eu le temps de se cacher. Menaçants, ils interrogent l’adolescent jusqu’à ce qu’il avoue la raison de sa présence… ce qui va les amuser énormément. Ils se moquent de lui et réfutent ses arguments avant de lui trancher la carotide d’un coup de rasoir.

 

 

Tommy, témoin de la scène et caché dans l’ouverture donnant sur le sous-sol, prend la fuite pour se retrouver dans une galerie ancienne. Un repaire secret où il découvre les fameuses fioles de liquides aperçues par son ami, mais surtout le véritable secret des barbiers: le Maitre. Et comme il est difficile de parler de Monsters sans spoiler la fin, au du moins sa créature, présentons-le: il s’agit d’une gigantesque sangsue de taille humaine, une abomination faite de chair qui repose sur un autel, sirotant l’hémoglobine qui lui parvient par le biais d’une grosse paille !  Boursoufflée, aveugle, la chose pourrait facilement appartenir à une histoire Lovecraft.
Pour autant il ne s’agit pas d’un extraterrestre ni d’une entité interdimensionnelle mais du résultat de la longue évolution… d’un vampire ! Il apparait que les théories de Kevin étaient exactes, les Nosferatus ayant cherchés à se cacher d’une humanité toujours plus dangereuse. Cela fait bien six siècles désormais qu’ils ont approché la guilde des barbiers afin de passer un marché avec eux – et déjà ils ne pouvaient plus se faire passer pour des êtres normaux.

 

 

Ils se sont progressivement laissé aller à devenir ce qu’ils devraient être: des monstres se gavant de sang. Leur proposition ? En échange d’une certaine dose de sang humain nécessaire à leur sustentation, ils offrent un peu du leur aux membres de la guilde. Ingéré régulièrement, celui-ci permet de devenir pratiquement immortel. Peut-être pas pour des éons comme les vampires, mais suffisant pour rester en vie pendant très, très longtemps…
Et l’épisode de nous rappeler qu’il existe des boutiques comme celle-ci dans toutes les petites villes, où personne ne semble aller et où les prix n’ont pas changés en vingt ans, avec une très belle remarque sur ce que représente en fait cette vieille enseigne tournante blanche et rouge des barbiers. Brillant, même si du coup la nouvelle est un peu plus descriptive à propos de cette relation entre la créature et ses servants, considérée comme symbiotique, et surtout très graphique quant a l’aspect du Maitre:

 

Imagine a thousand-pound leech, nine or ten feet long and five or six feet thick through the middle as it lies on its back, no surface really, just layers of gray-green slime and wattles of what might be skin. Things, organs maybe, could be seen moving and sloshing through flesh as transparent as dirty plastic. The room was filled with the sound of its breathing and the stench of its breath. Imagine a huge sea creature, a small whale, maybe, dead and rotting on the beach for a week, and you’ve got an idea of what the thing itself smelled like.

The mass of flesh made a noise and the small eyes turned in my direction. Its eyes were covered with layers of yellow film or mucus and I was sure it was blind. The thing’s head was no more defined than the end of a leech, but in the folds of slick fat were lines which showed a face which might once have been human. Its mouth was very large. Imagine a lamprey smiling.

 

 

Forcément le budget de Monsters ne permet pas de réaliser cette vision d’horreur avec exactitude et plusieurs éléments manquent à l’appel: la tête à peine humaine, la couche de bave verte, la peau translucide dévoilant les organes internes… On pourra être déçu, mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Qui plus est le résultat n’est pas si mal, la bête évoquant un peu le monstrueux Navigateur de Dune version David Lynch. Lorsque Tommy se fait empoigner par un barbier qui récupère alors du sang depuis l’arrière-train du monstre pour le lui faire boire, il y a de quoi se sentir mal !
Qui plus est l’atmosphère elle-même suffit pour se laisser convaincre. Il y a un petit quelque chose de Phantasm dans cette idée qu’un magasin un peu glauque cache un Mal indicible et les coiffeurs immortels évoquent quelque peu des croquemorts. Le concept des adolescents espionnant leurs voisins “vampires” rappel forcément Vampire, Vous Avez Dit Vampire ? et la chambre de Kevin totalement dans cette esprit avec ce poster du Nosferatu de Herzog, ce vieux Where Monsters Dwell de Marvel Comics et ces squelettes en caoutchouc.

 

 

Si The Hole était très recommandable, Shave and a Haircut, Two Bites est lui un incontournable de la série en plus d’être une bonne introduction à l’œuvre de Dan Simmons. On peut même s’amuser d’y retrouver deux têtes connues dans les rôles des teenagers: Kevin est interprété par Wil Wheaton de Stand by Me, aussi connu pour être l’un des pires personnages de l’univers Star Trek (Wesley Crusher dans TNG), et Tommy est incarné par Matt LeBlanc, qui n’est autre que le Joey de Friends et qui ressemble ici à un jeune Bruce Campbell. Plus intéressant pour les fans de fantastique et de vampirologie, l’épisode contient un détail absent dans le texte: un citation en latin inscrite sur un antique rasoir, “Endure this Evil, less the greater come upon you”, qui laisse entendre que le pacte entre les barbiers et les vampires est bien maléfique et que les membres de la guilde sont peut-être en attente d’une forme de délivrance ou de contrepartie qui leur sera bénéfique. Étrange que l’écrivain n’ait pas choisi d’explorer cette idée à travers son texte…

 

 

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