Bartel V Corman: Death Race 2050

 

Il vient d’être porté à mon attention qu’un nouvel opus basé sur Death Race 2000, le film culte de Paul Bartel, va voir le jour. En fait le tournage a commencé en Février de cet année pour se conclure le 17 de ce mois. Premièrement je dois dire que j’admire l’idée que l’on puisse encore faire un long métrage en toute discrétion à notre époque: à l’heure des réseaux sociaux, on sait maintenant tout du cheminement d’une production, des rumeur aux fuites d’images ou de vidéos, au point que l’un des problèmes principaux du cinéma d’aujourd’hui consiste à devoir garder les spectateurs dans les salles ou vers les bacs DVD alors qu’ils peuvent désormais voir un film avant même sa sortie officielle.
S’il est vrai que j’ai été souvent absent ces derniers mois, je n’ai pas eu le moindre écho sur le projet jusqu’à ce que Danny Trejo (apparemment invité à la fête de fin de tournage, faut-il supposer qu’il fasse une apparition dans le film ?) l’évoque sur son fil d’actualité. Quelques recherches indiquent bien un ou deux articles trouvables en début de mois, mais uniquement parce que ce 5 Avril était l’anniversaire de Roger Corman, qui produit le film, lequel soufflait ses 90 bougies !

 

 

Il est vrai que peu de personnes s’intéresseront à un nouveau Death Race, particulièrement après que la franchise soit tombée comme bien d’autres dans l’univers du DTV avec Death Race 2 et Death Race 3: Inferno, préquelles du reboot avec Jason Statham. Lorsque l’on sait que le réalisateur de ces deux volets est également responsable du (plutôt cool) Roi Scorpion 3, et qu’il a ensuite été remplacé pour un Roi Scorpion 4, on a vite fait de se dire qu’il s’agit de la même affaire. Danny Trejo ayant d’ailleurs était présent dans ces épisodes, son petit message laissait fortement présager que nous aurions affaire à un quelconque Death Race 4, avec ou sans Luke Gloss.
Cependant il n’en est rien et il est ici question d’un nouveau reboot. Plutôt un véritable remake de Death Race 2000 en fait, portant justement le titre de Death Race 2050 et revenant à l’idée totalement folle de Paul Bartel: celle d’une course nationale pleine de voitures délirantes où les conducteurs écrasent des piétons pour marquer des points. Ceux qui suivent ce blog depuis les débuts se rappellerons probablement que j’avais un temps couvert les pérégrinations de Death Race 3000, projet similaire qui devait impliquer Tom Cruise avant que le development hell ne le transforme en ce Death Race tout court n’ayant plus grand rapport avec l’œuvre de base…

 

 

Le fait est qu’il ne s’agit pas ici d’une grosse production, Corman oblige, et que cela sent bon le film d’exploitation à l’ancienne. Un tournage délocalisé au Pérou, quelques has been dans les rôles titres (Manu Bennett, inoubliable gladiateur de Spartacus version Starz, Malcolm McDowell, qui n’en est plus à ça près depuis sa participation dans Maman, j’ai Raté l’Avion 5 et Yancy Butler, toujours un plaisir de croiser l’ancienne Witchblade) et une vision artistique qui se limite à l’envie de capitaliser sur le succès de Mad Max: Fury Road. Les quelques photos disponibles, celles des acteurs prisent sur place avec leurs téléphones, montrent justement une esthétisme tendance Post-Nuke italien de la belle époque. Si vous aviez toujours voulu d’un 3ème Guerriers du Bronx, vous n’aurez sans doute pas mieux.
Malin, Roger Corman tente de se justifier en expliquant que cette nouvelle mouture s’inscrit dans l’air du temps, avec l’émergence d’icônes féminines dans le domaine de l’Action, que cela soit à travers les combats de MMA (et d’une certaine façon il a raison, tant les récents déboires de Ronda Rousey ont été relayés par les médias) et le cinéma, avec l’immense popularité de Charlize Theron dans le rôle de Furiosa. Et c’est ainsi que Frankenstein, héros récurrent de la saga sous toutes ses formes, va céder la place à “deux femmes fortes” conductrices dans une histoire que l’on nous promet déjà comme “outrageous action-packed”. Rassurez-vous, il reste crédité au générique malgré tout: on veut bien être féministe mais faut quand même pas déconner.

 

 

De l’intrigue on ne sait strictement rien pour le moment, si ce n’est le nom d’une des pilotes (présumablement l’héroïne, tant le cast insiste pour la décrire comme bad ass): Minerva. Un nom qui sonne autant Mad Max que Death Race 2000, pour un personnage intriguant. Grande Black lookée façon Grace Jones, dont le bling-bling extravagant évoque bien l’univers dépeint par Paul Bartel, elle semble représenter avant tout le Sud profond des États-Unis malgré sa couleur de peau. Des rednecks décrit comme racistes selon un commentaire Facebook, mais qui pourtant sembleraient être ses supporters.
Il y a évidemment anguille sous roche et si le film original m’a appris une chose, c’est que les apparences peuvent être trompeuses. A défaut d’un Frankenstein, qui était “le héros du peuple” luttant au nom du Amérique fasciste et qui cachait en fait un révolutionnaire dégoûté par son pays, peut-être que Death Race 2050 mettra en scène une fausse représentante d’une communauté type White Power dont l’ethnie prouve toute l’hypocrisie (un peu comme ces membres de l’extrême droite qui espèrent nous faire croire qu’ils ne sont pas du tout raciste en incluant des Noirs et des Arabes dans leur parti), qui a en réalité une personnalité bien différente de son image de marque. Spéculations, bien sûr, mais pour l’instant nous n’avons que ça pour parler du film. Ainsi que la présence de ce qui devrait être sa co-pilote, une blonde farfelue qui répond au nom de Tammy da Terrorist…

 

 

Du reste, Corman veut jouer sur l’apport de la technologie moderne et justifie quelque part le titre du film. Death Race 2050, qui évoque naturellement un futur alternatif pas si lointain, mais qui représente aussi presque le temps qui s’est écoulé entre le film original (1975) et ce reboot. Presque. Quoiqu’il en soit, cette version sera un peu plus SF que les autres, avec notamment une mise en avant de l’aspect futuriste de l’univers, qui devrait inclure drones et réalité virtuelle (ainsi que des voitures toujours aussi bariolées, mais beaucoup plus modernes dans leur aspect – le peu qu’on en voit évoque sensiblement Speed Racer). De quoi remanier la satire de Paul Bartel pour la société de consommation actuelle, totalement accro aux réseaux de communications, aux gadgets à la mode et à la dernière sortie Apple. J’ai vraiment envie de dire qu’il s’agit d’une bonne idée, mais…
… Mais Death Race 2050 n’est pas réalisé par Paul Bartel. Et si les médias, même spécialisés, semblent positifs face à ce reboot grâce à la présence de Roger Corman, c’est vite oublier que celui-ci n’a rien à voir, mais alors rien à voir, avec tout ce qui rendait Death Race 2000 bon. La preuve, Corman a également produit Deathsport peu après, et on se souvient tous du résultat… Roger Corman n’est qu’un producteur, et plus exactement un producteur pingre et autoritaire. De sa version de Death Race, il ne reste plus rien puisque le réalisateur a modifié le script contre son avis. Chaque jour Corman s’arrachait les cheveux en voyant les dépenses augmenter, se demander l’intérêt de customiser les voitures de courses, ou la nécessité de matte paintings. Il n’avait qu’un poste purement économique sur le film et n’était en rien responsable de sa direction artistique.

 

 

Il n’y a qu’à voir les réalisations de Bartel pour comprendre que c’est lui le génie derrière cette œuvre culte. Son humour, cynique mais hilarant, son imagination débridées qui vaut bien celle d’un Joe Dante, sa direction des acteurs qui est parfaitement maitrisé. Sans même taper dans sa filmographie, revoyez ses apparitions dans Gremlins 2 ou dans Chopping Mall, puis ensuite jetez un œil à du Corman moderne style Sharktopus ou Supergator, et vous ferez très vite la différence. Aussi, le fait que le titre complet du film soit Roger Corman’s Death Race 2050 n’est pas vraiment pour me rassurer… Peu rassurant aussi le look du réalisateur, G.J. Echternkamp (à vous souhait), du genre hipster totalement dans le moule et donc totalement à l’opposé de la critique de la société mode et éphémère. Certes le bonhomme à réalisé un Hard Candy de bonne réputation, mais tout de même.
Il va falloir croiser les doigts pour cette nouvelle course à la mort, en espérant qu’à défaut d’un film intelligent et bien foutu, on est au moins quelque chose de divertissant. On ne demande pas la lune, mais au moins un truc du niveau du comic-book Death Race 2020 (une suite du film par le dessinateur de Marshall Law, qui montre un Frankenstein vieux et aigri de l’échec de sa présidentiel reprendre le volant lorsque la Transcontinental Road Race est réinstaurée par son successeur) plutôt que de celui de The Final Death Race, suite en comics également, mais un quasi remake du film culte dont les choix scénaristiques (des robots, un clone de Machine Gun Joe et Frankenstein Jr.) ne sont pas très bons…

Affaire à suivre !

 

 

 

       

       

Leave a reply

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>