Wrong Turn
(2003)
Parce qu’il est sorti au cinéma un peu avant le remake de Massacre à la Tronçonneuse, c’est bien ce Détour Mortel que je considère comme une (petite) évolution du cinéma d’horreur. Car indépendamment de tout jugement sur le film lui-même, il symbolisa le retour du gore sur grand écran. Voyez-vous, suite a la sortie de Scream en 1996, le genre tomba dans une formule déplorable, parfois nommée neo-slasher. Antagonistes forcément humains et aux motifs stupides, meurtres hors-champs ou très propres, le tout dans une ambiance non pas teenagers comme on a tendance a la décrire (beaucoup de bon films d’horreur tournent autour de jeunes gens), mais plutôt soap-opera. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’un des responsables de cette ignoble nouvelle vague créa la série Dawson quelques temps plus tard ! Avec les horribles Souviens-Toi… L’Été Dernier, les Urban Legends et autres Mortelle Saint-Valentin, la mode était a l’horreur propre et très saine, a des années lumières de ce qui avait été fait auparavant dans les années 80. Des films comme Sleepaway Camp, My Bloody Valentine ou encore The Burning, avec cette touche de folie dans l’ambiance, ce charme rétro ou des meurtres suffisamment sanglants pour être mémorable d’une façon ou d’une autre. Le neo-slasher, en revanche, s’adressaient de base a un public différent. Des films d’horreur pour les gens qui n’aiment pas les films d’horreur !
Wrong Turn, avec son intrigue rappelant celle de La Collines a des Yeux, la participation du maestro Stan Winston et la présence de quelques dégénérés cannibales, sonnait tout de suite comme un retour au source. Certes ce n’était pas une première et on pouvait déjà compter La Maison de l’Horreur (1999) et surtout Jeepers Creepers (2001) comme représentants bien plus légitimes du genre, mais ces derniers étaient enterrés par la compétition et n’ont pas eu raison de cette mode horreur-glamour donc, bon… Celle-ci mourut a petit feu et disparue pour ainsi dire en 2003 aussitôt remplacé par… son opposé exact ! Cette même année sortirent Jeepers Creepers 2 et le remake de Massacre à la Tronçonneuse, suivi de Saw et du Dawn of the Dead de Zack Snyder en 2004. Le temps passe et les nouvelles productions, bonnes comme mauvaises, viennent confirmer cette réorientation un peu extrême: Hostel, Descent, le remake de La Colline a des Yeux… Une page est tournée.
Toutefois revoir Wrong Turn hors de cette époque n’a pas vraiment d’intérêt. Si le film pouvait paraître “nouveau” ou intéressant alors, c’est parce qu’il différait de la soupe insipide qu’on nous resservait constamment. Hélas force est de constater que celui-ci est également des plus fadasses et ne reste en mémoire que par la présence d’une jeune Eliza Dushku, a l’époque fraichement sortie de la série Buffy Contre les Vampires. Le fait est qu’il s’agit d’un film avant tout produit par Stan Winston et que l’aspect créatif était visiblement le dernier soucis des responsables. Le scénario n’est qu’une resucée de La Colline a des Yeux, écrit par le gars responsable de chef-d’œuvres tels que Halloween 4, The Marine avec John Cena et l’adaptation de Tekken, et le tout est réalisé par un quelconque cinéaste sans grandes ambitions a en juger par sa filmographie. Il y a fort a parier que Stan Winston n’ait accepté de prendre le projet sous son aile que pour donner du boulot facile a son équipe (trois mutants vaguement déformé, c’est pas ce qu’il y a de plus compliqué a faire) et obtenir un peu de pub au passage. Du coup le résultat est creux, sans originalité et donc inintéressant.
En fait de La Colline à des Yeux auquel il est souvent comparé, Détour Mortel est surtout un quasi remake du survival Just Before Dawn dont il reprend beaucoup, de la forêt sombre aux frères consanguins, de la chute d’eau aux silhouettes menaçantes se découpant dans la lumière. Naturellement les deux films sont qualitativement incomparables et je ne peux que recommander l’original a quiconque serait intéressé par un survival forestier. Il n’y a qu’à voir la séquence pré-générique, où deux alpinistes se font trucider (hors-champ) par un assaillant invisible pour comprendre que ça ne vole pas très haut.
Il est presque intéressant de voir que Wrong Turn se désintéresse de son sujet et expédie l’origine et les habitudes de ses créatures dès le générique d’ouverture ! Une succession d’articles médicaux et de coupures de presse permettent de dresser le portrait d’un groupe d’hommes des bois malformés, nés de consanguinités et vivant dans les montagnes de Greenbrier, en Virgine-Occidentale. Atteints de démence en raison de leur affliction, dotés d’une force surhumaine et d’une résistance a la douleur hors du commun, ces êtres sont responsables d’un nombre alarmant de disparitions depuis plusieurs décades. En fait, la légende de ces Mountain Men remonte apparemment jusqu’à la fin des années 50.
On imagine là sans problème l’existence d’une famille se reproduisant d’elle-même depuis des siècles et ce sont bien trois frères que nous découvrons, chasseurs et cannibales qui s’en prennent a tout ceux qui s’aventurent sur leur territoire. Il y a d’abord ces deux colosses qui évoquent les jumeaux de Just Before Dawn: Saw Tooth, doté d’un bec-de-lièvre impressionnant et d’une maîtrise de l’arc rivalisant avec celle de Robin des Bois, et One Eye, un obèse borne supposément espiègle comme s’il avait gardé son âme d’enfant, ce qui n’ai jamais vraiment retranscrit dans le film. Et surtout il y a le famélique Three Finger, un hyperactif avec un rire encore plus agaçant que celui du Joker. S’il n’a pas spécialement plus d’importance que ses frères, il sort du lot grâce à son physique et c’est lui que l’on retrouvera régulièrement tout au long de la saga. Peut-être que l’idée était de trouver un moyen original d’introduire les antagonistes, tout en évitant les scènes d’expositions pouvant ralentir le rythme du film, mais en l’état Wrong Turn semble dépouillé d’un élément certes pas essentiel, mais un minimum attendu. Là c’est un peu comme si on nous disait “voilà une bande de mutants, ils tuent des gens, maintenant débrouillez-vous avec ça”. D’ailleurs le résultat est tellement minimaliste que la durée du film ne dépasse pas les 80 minutes.
Le scénario, basique, raconte l’histoire d’une bande de voyageurs se retrouvant coincés dans la forêt après un accident. Alors que le groupe part chercher de l’aide, il découvre une cabane qui se trouve être le repaire des Moutain Men et se fait bien évidemment prendre en chasse par ces derniers. Un à un, les citadins périssent jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une poignée. Lorsque la belle Jessie est enlevée par les monstres, son prétendant va a sa poursuite et se prépare a en découdre avec un adversaire pourtant presque invulnérable… Je résume, mais l’histoire ne va jamais au-delà de cette ligne directrice et le nombre de péripéties s’en retrouve fortement limité. La conclusion paraît précipité, faute de protagonistes a tuer et d’intrigue a résoudre, et donne l’impression d’un manque. Un “vide” qui correspond bien sûr au manque d’ambition et de créativité du film et que le scénariste tente de combler avec de nombreuses références a d’autres survivals. L’effet Kevin Williamson en quelque sorte, ce qui est une très mauvaise idée tant le spectateur se demande pourquoi il ne regarde pas les films en question, forcément meilleurs.
J’évoquais Just Before Dawn et La Colline a des Yeux juste au-dessus, le classique Délivrance est cité par un des personnage et la maison des cannibales renvoi forcément a celle de Massacre à la Tronçonneuse, puisqu’ils y entreposent leur butin (un trésor de bibelots récupérés de leurs victimes, de la poupée au bocal rempli de dentiers !) et préparent leur tambouille a partir de morceaux de cadavres. Également présent le Crazy Ralph de service, avec ce vieux pompiste très au courant de l’existence des Mountain Men. Et s’il en fallait un dernier pour enfoncer le clou, citons le remake de La Colline à des Yeux, qui réutilise ce même personnage ainsi qu’un autre élément (le cimetière de véhicules). Bien qu’il ait été réalisé trois ans plus tard, il est impossible de revoir Wrong Turn sans y repenser, surtout que celui-ci fait office de parent pauvre en comparaison. Littéralement.
Sans originalité ni personnalité, Détour Mortel devient une proie très facile pour la critique et ça serait tirer sur l’ambulance que de citer ses moindres défauts. Pourtant impossible de ne pas rouler des yeux devant les jump scares a répétitions, les personnages insupportables comme cette jeune femme défaitiste et pleurnicheuse qui ralenti tout le monde, et les invraisemblances du scénario (des centaines de disparus sur plusieurs années et aucune activité des autorités, sérieusement ?), quand bien même tout ceci reste assez banal finalement. Toutefois, il est impossible de ne pas mentionner le “gâchis” que représente Jessie, le personnage incarné par Eliza Dushku, qui fait presque office de publicité mensongère. Avant tout connue pour son rôle de Faith dans Buffy, une tueuse de vampires particulièrement bad-ass et caractérielle, la comédienne semblait toute désignée comme étant l’héroïne de Détour Mortel. L’attraction vedette, en-dehors des mises à mort. Toute la promotion du film tournait autour de sa présence, son personnage apparaît sur l’affiche du film et son introduction laisse effectivement a penser qu’elle serait capable d’en remontrer aux dégénérés qui lui courent après. Bref, on pensait tous que Jessie serait une femme forte qui botterait des culs et ne pleurnicherait pas sur l’épaule du premier macho venu.
Et bien on s’est fait avoir. Si Jessie paraît compétente par rapport a ses camarades, elle est totalement inutile a l’intrigue et ne fait strictement rien de tout le film. C’est le personnage de Desmond Harrington qui est le héros, celui qui a les bonnes idées, celui qui se montre héroïque et qui se bat. Elle n’est que la faire-valoir. Et c’est d’autant plus frustrant quand on voit a quel point son partenaire de scène semble dormir debout. Eliza Dusku passe la plus grande partie du film a crier et gesticuler comme l’habituelle bimbo de service et va se faire capturer par les cannibales pour qu’un homme vienne la sauver. Que la jeune femme apparaisse sexy dans son petit débardeur blanc n’est pas un problème, mais il y avait certainement de quoi la rendre plus intéressante que de la transformer en objet inutile ! Ripley contre les cannibales, quelqu’un ?
Quelques choses positives quand même, avant de conclure. Premièrement il faut reconnaître de beaux décors comme la chute d’eau et l’impressionnante tour de garde, le film s’appliquant a montrer l’immensité du territoire montagneux contrairement aux futures séquelles. On trouve même quelques money shots assez sympa comme cette caméra voltigeant a travers une serrure de porte pour révéler un œil caché derrière, et dans lequel se reflète une horrible scène, ou celui où le point de vue s’élève au-dessus d’une tête coupée, en équilibre sur une lame de hache, pour montrer le reste du corps tomber au sol. Mais le vrai point positif de Wrong Turn réside dans ses créatures. Visages couturés, doigts manquants, ossatures saillantes et cicatrices qui reflètent la dure vie dans la nature sauvage… Un grand soin fut apporté a la création des trois frères, et cela malgré un design des plus simplistes. Un détail appréciable montre ces derniers communiquer entre eux avec leur propre dialecte, une série de grognements indéchiffrables, et la mise en scène s’applique a suggérer, plus que montrer, leur apparence en usant de jeux d’ombres et de lumières, faisant ainsi presque preuve de subtilité par rapport aux prochains opus de la série.
Film banal, décevant a tout niveau et prévisible de bout en bout, Détour Mortel n’a pas grand chose a offrir. Fut un temps où son existence était justifiable, après de longues années de films d’horreur PG-13, mais cela ne fait que prouver sa nature de film de producteur. Périmé au bout de quelques mois. Au bout du compte le seul souvenir que l’on en garde est la présence d’Eliza Dushku et il y a fort a parier que ce Wrong Turn premier du nom aurait sombré dans l’oubli total si personne n’avait pensé a ressusciter la série quatre ans plus tard, pour le marché vidéo. En l’état, il paraît même improbable qu’une telle chose ait pu engendré par moins de cinq séquelles et pourtant…
Excellente chronique même si je serais peut-être moins dur avec ce film, que j’aime bien et que je revois de temps en temps. Je trouve qu’il y a quelques scènes sympa, quelques plans qui font mouche (j’aime les torches des tueurs qui s’avancent dans la nuit, par exemple), des acteurs que j’aime bien (j’ai beaucoup d’affection pour Jeremy Sisto, et je trouve les deux demoiselles craquantes) et quelques scènes gores sympas. Comme tu le dis, ça a bien relancé le cinoche « à l’ancienne », gore, et c’est déjà bien, ça reste une grosse série B sympa en gros. Mais oui, rien de spécial sous le soleil du survival, c’est un fait…
A vrai dire, a la sortie du film j’ai accroché pour a peu près les mêmes raisons en plus de se soulagement de retrouver une ambiance survival a l’ancienne. Pourtant après deux visions plus récentes, espacées de quelques années chacune, j’en arrive au même constat et au-delà de une ou deux bonnes choses, le film m’ennuie car trop… bateau.